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Mes pires voeux pour 2015 !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 28/12/2014

J'en suis au point où je considérerai comme un grand homme, un président d'exception celui qui présentera aux Français ses pires voeux pour 2015. Pour ne pas les mépriser. Pour ne pas être démenti par le réel.

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L'exercice obligé des voeux présidentiels est devenu tellement mécanique, un rituel démocratique si affadi et vain que je ne sais si j'écouterai François Hollande le 31 décembre au soir (Figaro Vox).

Cette tradition de s'adresser aux Français pour leur promettre que ce sera mieux demain est d'abord techniquement caduque car s'il est une démarche qui exigerait liberté, spontanéité, sincérité et vérité, c'est bien celle-là.

Or on sait bien que la conception, l'élaboration et le dessein du propos seront articulés sur l'occultation, l'optimisme comme d'habitude volontariste et la proclamation du rassemblement. Rien donc qui soit de nature à convaincre le citoyen que ce discours sortira de l'ordinaire, les sortira de leur ordinaire préoccupant, parfois désespérant (JDD).

Il y aura les hommages conventionnels, d'abord aux Français, grand peuple courageux, puis aux militaires qui les méritent.

Il y aura le recueillement pour les morts au combat. Une si légitime émotion mais un procédé si convenu.

Un zeste de compassion pour les souffrants et les malades. A la fois authentique et si répétitif qu'il se dégrade en réflexe.

Il y aura une place démesurée laissée au coeur, qui, en politique, est trop souvent le succédané d'un pragmatisme efficient et d'avancées constatables par tous.

Le président de la République n'oubliera pas non plus, à mots couverts mais transparents - pourquoi ne pas le nommer alors qu'il ne pense qu'à lui et s'en sert à la fois comme épouvantail et comme piège ? - de pourfendre le Front national, sa vision de la France et le caractère néfaste de son projet.

Bien sûr il dénoncera le racisme et l'antisémitisme et cette dénonciation restera l'unique combat du pouvoir contre eux. Car il a choisi de les stigmatiser, ce qui est évident et ne sert à rien, plutôt que de les réduire, ce qui est difficile et imposerait une constance et une action sur tous les plans.

Pour ne pas changer, le président négligera la justice et se privera ainsi de la célébration de Christiane Taubira qu'on n'entend plus puisque le mal est fait.

Surtout, avec force trémolos républicains, il vantera le rassemblement, l'unité, le destin collectif de notre pays. Alors que depuis le mois de mai 2012 - et le passage du socialisme dogmatique à une version social-démocrate n'aura pas eu la moindre incidence dans ce domaine - il n'a cessé de montrer combien une majorité de ses électeurs étrangers à la gauche comptait peu par rapport aux "marqueurs de gauche".

C'est une lamentable supercherie que de prétendre agir en faveur de tous les citoyens quand on ne pense et qu'on ne conçoit que pour une part d'entre eux ! Le verbe ne trompera personne. François Hollande sera seulement un diviseur qui se donne bonne conscience.

Il dissimulera soigneusement le contentement que lui inspire le retour de Nicolas Sarkozy dans l'arène publique, puisque celui-ci est sans doute la cause principale du frémissement en sa faveur dans les sondages en cette fin d'année.

Bref, ces voeux seront, comme il sied, mensongers, hypocrites et, sous l'apparence noble, purement tactiques et opportunistes.

Une forme de nausée peut légitimement nous saisir face à cette comédie, comme chaque année les rétrospectives médiatiques nous lassent.

Un jour, peut-être, l'avenir nous mobilisera plus que le passé.

J'en suis au point où je considérerai comme un grand homme, un président d'exception celui qui présentera aux Français ses pires voeux pour 2015.

Pour ne pas les mépriser.

Pour ne pas être démenti par le réel.


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