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Procès PIP: réquisitoire contre « la lâcheté » et « l’amateurisme » d’une « triste odyssée commerciale »

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 14/05/2013

"Il faut que vous réfléchissiez dans une cellule à cette triste odyssée commerciale qui a fait tant de victimes", a déclaré le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest, en requérant mardi 14 mai une peine de quatre ans de … Continuer la lecture

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"Il faut que vous réfléchissiez dans une cellule à cette triste odyssée commerciale qui a fait tant de victimes", a déclaré le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest, en requérant mardi 14 mai une peine de quatre ans de prison ferme assortie d'une amende de 100.000 euros contre le fondateur de la société PIP, Jean-Claude Mas, poursuivi pour escroquerie et tromperie aggravée.

Contre l'ex responsable financier de l'entreprise, Claude Couty, qui s'est montré selon lui "faible et complaisant", il a requis 4 ans d'emprisonnement dont 2 assortis du sursis et 50.000 euros d'amende. Le procureur a eu des mots particulièrement sévères contre l'ancienne directrice de la qualité, Hannelore Font: "Vous êtes la caution fautive, la garante qui n'a pas réagi. Vous êtes aussi la seule femme parmi les prévenus, ce qui aurait dû vous conduire à être particulièrement vigilante", a -t-il dit en demandant une condamnation à 3 ans dont un avec sursis. Contre les deux autres anciens cadres de l'entreprise, Loïc Gossard et Thierry Brinon, le procureur a requis respectivement des peines de 3 ans et 2 ans dont 18 mois avec sursis. Pour l'ensemble des prévenus, Jacques Dallest a également souhaité que le tribunal prononce une interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle dans le domaine sanitaire ou médical.

Rappelant que plus de 80.000 prothèses PIP ont été vendues en France, que 71 pays sont concernés par cette affaire dans laquelle 7445 femmes se sont constituées parties civiles, le procureur a dénoncé "l'amateurisme" et la "trahison" d'une entreprise "bâtie sur le postulat de la fraude".  "Madame et Messieurs les prévenus, vous avez trahi. Vous avez méprisé vos clients. Le plus grave, c'est la perte de confiance envers l'action publique" a conclu Jacques Dallest en appelant le tribunal à "redonner confiance aux femmes victimes".  

Des mots tout aussi sévères avaient été prononcés auparavant par le vice-procureur Ludovic Leclerc contre la société PIP où, a-t-il dit, "on voulait faire du chiffre, pas du sanitaire". "On a vendu des implants dans cette société comme on aurait vendu n'importe quel produit", a t-il poursuivi en soulignant que la règle principielle en matière de santé publique était la balance "bénéfice-risque": "Là, le bénéfice était pour PIP et le risque pour les patientes".

"L'un des enjeux de ce procès, a observé Ludovic Leclerc, c'est de comprendre comment un pays comme le nôtre a laissé grandir cette fraude. Comprendre aussi comment un certain nombre d'individus, au prix d'un arrangement avec leur conscience, ont accepté l'inacceptable".  A l'adresse de certaines parties civiles qui auraient souhaité que les organismes de contrôle - le certificateur TÜV et l'agence nationale de sécurité du médicament (ex AFSSAPS)-  soient également poursuivis, le procureur a rappelé que l'élément intentionnel, nécessaire à la qualification de tromperie, ne peut être retenu contre eux. Il a toutefois observé que l'un et l'autre des organismes de contrôle ne sont pas à l'abri de poursuites pour "négligence" dans l'autre volet pénal de cette affaire - ouvert pour "blessures involontaires" et qui est actuellement à l'instruction.

Ludovic Leclerc a surtout insisté sur la circonstance aggravante de dangerosité pour la santé qui est reprochée aux prévenus et que ceux-ci contestent. "Les implants PIP ont un potentiel de dangerosité majeure", a affirmé le procureur en évoquant les fuites de silicone dans le corps en cas de ruptures des prothèses et les risques liés aux opérations d'explantation. Le parquet estime également que le "préjudice d'anxiété" établi par la Cour de cassation dans le dossier de l'amiante, doit être reconnu aux parties civiles  de l'affaire PIP.

"Un grand dossier de santé publique, c'est d'abord de la douleur et de la souffrance. C'est l'intime, la maladie et la peur de la maladie, la mort et la peur de la mort. Jouer avec la santé, c'est nier cette souffrance", a observé le procureur.

La parole est désormais à la défense des cinq prévenus. Le procès doit se terminer vendredi 17 mai et le jugement sera mis en délibéré.


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