Trump quitte sans contrainte l’Accord de Paris… qui n’était pas contraignant !
Actualités du droit - Gilles Devers, 1/06/2017
Hier soir, en deux minutes, Trump a pu piétiner l’accord de Paris, du 12 décembre 2015, pourtant signé par les Etats-Unis (Amérique du Nord, Territoire indien occupé), sans le moindre risque juridique. Tous les braves gens hurlent et dénoncent, mais pas un ne pose la question : comment est-ce possible, vu que c’est un traité international, ratifié par les États, et ayant force contraignante ? Et bien c’est possible car la réalité juridique est différente : ce n’est pas un traité, et cet accord n’est pas contraignant.
- Donc, ça a été une mise en scène, pour se fiche de nous
- Oui, tout à fait...
- Mais une telle duperie, c’est pas moral…
- T’as raison, demande à Bayrou d’ajouter ça dans sa loi de moralisation.
Un traité contraignant, c’est facile à identifier : après signature par les chefs d’Etat, le texte est ratifié par les Parlements ; sur le plan technique, les termes sont précis, et il est prévu un mécanisme de sanction en cas de manquement. Toutes choses qui n’existent dans l’accord de Paris,… mais impossible de le faire entendre vu la force de la propagande. C’était le leitmotiv dans toute la presse : « La COP21 s’est achevée, samedi au Bourget, par l’adoption d’un texte universel et contraignant pour lutter contre le réchauffement climatique ». Fabius avait fièrement affirmé ce caractère contraignant, versant sa larme attendrie vu cette contribution permanente au bonheur de l’humanité. Il était tout mignon entre Hollande et Ban Ki-moon, pour vanter cet accord « juste, durable, dynamique et juridiquement contraignant ». Du pur enfumage, pour un mec qui alors – rien de moins – visait le Nobel de la Paix.
On a vu hier ce qu’il en était de la contrainte… CQFD.
Cet accord n’était pas contraignant : ce n’était pas un Traité, il laissait des objectifs flous, et il ne prévoyait ni mécanisme coercitif, ni sanction pour les pays qui ne respecteraient pas le texte.
Le protocole de Kyoto, le texte d’origine, demandait que soit mis en place un « comité de contrôle du respect des dispositions », et des mécanismes de sanction. Tout est passé à la trappe.
Depuis le premier jour, ce sont les États-Unis qui foutent le bazar. Mais comme ce sont nos grands amis, éternels et bienfaiteurs, impossible de le dire. Le prix de notre servilité devant l’impérialisme US.
On a d’abord retenu le terme flou d’« accord » pour ne pas entrer dans la catégorie stricte de « traité », ce qui aurait imposé une ratification par le Congrès étasunien, impossible. Obama a approuvé l’accord par un executive order, une forme de décret présidentiel, pour éviter les parlementaires. Trump a donc utilisé la même forme pour se casser, et tchao.
Ensuite, il y avait eu, le matin de la clôture, un grand coup de chaud des US, découvrant que la version finale du texte retenait le mot shall (on doit) et non pas should (On devrait). Catastrophe avec le paragraphe 4 de l’article 4 de la version précédente. Il était alors écrit que « les pays développés doivent continuer à être en première ligne pour mener à bien des plans nationaux de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ». Vous voyez le drame ? Eh bien, même pour cette formulation, la délégation US, conduite par John Kerry, avait imposé d’utiliser le conditionnel, et tout le monde s’était couché.
- Un accord contraignant rédigé au conditionnel ?
- Et oui…
D’ailleurs, avant la conférence, John Kerry avait été clair, lors d’un entretien au Financial Times, assumant la rupture avec Kyoto : « Ce ne sera certainement pas un traité. Il n'y aura pas d'objectifs de réduction juridiquement contraignants comme cela avait été le cas à Kyoto ». Et pourtant, la légende française a prospéré. La duperie dans la politique, comme mensonge d’État…
Le discours depuis hier, c'est qu'il n'y a rien à renégocier. Sans doute rien à renégocier sur le fond, mais à l'évidence, il est nécessaire de modifier l'accord pour en faire un véritable traité, supprimer le conditionnel, et mettre en œuvre les procédés contraignant prévus par le protocole de Kyoto et demander aux parlements nationaux de le ratifier. Les paroles sont belles, et quasi-grandioses, mais si on ne transforme pas l'accord informel en traité, on se fiche du monde.