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Produits documentaires au défi du droit (6)

Paralipomènes - Michèle Battisti, 21/02/2012

Voici une sixième série de réponses données à certaines questions que l’on m’a posées récemment. Elles portent sur une phrase reprise à titre d’accroche, une présentation powerpoint en libre accès, la reproduction d’articles presse  pour alimenter un blog ou une diffusion sélective de l’information, ainsi que la reproduction du texte d’un brevet. Comme dans les [...]

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Voici une sixième série de réponses données à certaines questions que l’on m’a posées récemment. Elles portent sur une phrase reprise à titre d’accroche, une présentation powerpoint en libre accès, la reproduction d’articles presse  pour alimenter un blog ou une diffusion sélective de l’information, ainsi que la reproduction du texte d’un brevet.

Comme dans les synthèses précédentes les questions ont été anonymisées et les réponses apportées, qui entendent uniquement rappeler brièvement quelques principes, ne sont pas en mesure de se substituer à un conseil juridique. Place est laissée, en revanche, à tout commentaire.

Consulter les séries précédentes

  • Puis-je utiliser une phrase  extraite d’une interview d’un personnage célèbre pour en faire une accroche sur mon site web ?

Une seule phrase répond sans nul doute à la première exigence de l’exception au droit d’auteur qu’est la citation, celle-ci devant, pour être autorisée, être brève. En revanche, elle ne répond pas à la deuxième obligation qui implique qu’elle soit utilisée à des fins « critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information », la phase reproduite dans ce cas répondant plutôt à des objectifs esthétiques, voire publicitaires. En outre, la citation devant être insérée dans une « œuvre seconde », la phrase ne peut donc pas être utilisée seule, et le site web dans son ensemble ne peut pas à proprement parler être considéré comme une œuvre seconde.

Une autorisation devrait donc être demandée à l’éditeur de la revue d’où est extraite cette phrase, voire au journaliste, mais aussi à la personne interviewée, celle-ci pouvant être considérée comme co-auteur. Il conviendrait aussi  de s’assurer que les droits moraux de cette personne soient respectés en citant son nom et en veillant à ce que l’usage de cette phrase ne porte pas atteinte à son image.

Après avoir rappelé ces règles et m’être assurée que le site était tout à fait « sérieux », j’avoue avoir suggéré à la personne qui m’avait posé cette question, d’ajouter, bien que le personnage soit « célèbre », décédé mais non entré dans le domaine public, la phrase qu’elle avait choisie sur son site et de mentionner soigneusement le nom de son auteur.

  • Les présentations de mes recherches créées sous un format ppt dans le cadre de mon travail de doctorat sont disponibles sur Internet : d’autres personnes peuvent-elles librement utiliser ces documents dans leur cours et les projeter à leurs étudiants sans m’en demander l’autorisation ? Donner mon nom suffit-il à rendre leur usage complètement libre. 

Votre présentation est sans nul doute originale, « marquée de l’empreinte de votre personnalité ». Même en l’absence de toute mention, elle sera protégée par le droit d’auteur.
Toute personne souhaitant la réutiliser doit vous demander l’autorisation et cette demande doit être précise : elle doit indiquer l’usage qu’elle souhaite en faire (une présentation lors d’un colloque, la copie des pages (dûment indiquées) dans une publication, la copie sur un site web, un blog …pour ne citer que quelques exemples. Elle doit indiquer aussi la durée souhaitée de l’utilisation, le lieu de l’exploitation (pour Internet, le monde entier …), et la finalité de cette exploitation (fins pédagogiques, par ex.) ainsi que la nature gratuite de l’usage (j’imagine la gratuité, mais s’il y a une rémunération, celle-ci doit aussi être indiquée). Un message électronique peut, pour certains usages, suffire ; mais la personne à qui vous avez donné une autorisation est tenue d’en garder la trace.

Vous pouvez aussi opter pour une licence Creative Commons, permettant ainsi à des tiers de réutiliser celle-ci, de manière plus ou moins large selon la nature de la licence choisie (savoir plus sur le site Creative Commons) mais celles-ci obligent, quoi qu’il en soit, à vous citer. Cela peut contribuer à asseoir une notoriété ; mais vous êtes seule juge en la matière. Attention ! Vous ne pouvez opter pour ces licences que si les coauteurs ou auteurs d’œuvres tierces insérées dans votre présentation sont d’accord avec votre choix.
Attention aussi ! Si vous déposez votre présentation sur Slideshare, par exemple, (ou toute autre plateforme), vous acceptez les conditions d’utilisation imposées par celles-ci (cf.Terms of use). Vous pouvez opter pour un accès privé ou public, me semble- t-il ; il convient d’être attentive aux implications d’un accès public qui semblent autoriser non seulement un accès mais une réutilisation., notamment à ceci : “You (..)  grant each user of the Site (…) a non-exclusive license to access your Submissions through the Site, and to use, reproduce, distribute, prepare derivative works of, display and perform such Submissions as permitted through the functionality of the Site and under these Terms of Service.
Paradoxalement, mais fort justement aussi, ce sont les présentations accompagnées d’une des licences Creative Commons qui semblent les plus protégées, l’utilisateur pouvant être tenu par exemple, de n’utiliser la présentation qu’à des fins non commerciales, ou se voir interdire de la modifier

  • Ayant le projet de réaliser un blog, j’aimerais savoir s’il est possible d’y inclure des articles de presse dans leur totalité qui seraient regroupés sous une rubrique « presse ».

La réponse est malheureusement très simple : non, à moins d’obtenir l’accord exprès de l’éditeur, à moins que les conditions générales d’utilisation du site ne l’autorisent. Il est vrai que les CGU peuvent être confuses, mêlant quelquefois des questions liées aux données personnelles et à la propriété intellectuelle. Mais il est clair, en revanche, que l’on y autorise généralement qu’ »‘un usage strictement personnel, privé et non collectif » et que « Toute mise en réseau, toute rediffusion ou commercialisation totale ou partielle de ce contenu, auprès des tiers, sous quelque forme que ce soit, est strictement interdite », à moins que les articles de ce journal ne soient mis sous une licence Creative Commons, ce qui rarement le cas lorsqu’il s’agit de la presse généraliste.

Vous disposez certes des boutons de partage: ils ne vous permettent que d’envoyer l’information à un ami ; j’ai testé (le site indiqué par mon correspondant) : celui-ci ne recevra que le lien menant vers le site. Il doit en être de même pour le bouton Twitter.

Attention ! Dans le procès qui opposait le Bien public à DijonScope les juges ont autorisé les reproductions partielles que représente la reprise des premières lignes des articles. Mais DijonsCope est une entreprise de presse où plane l’exception au droit d’auteur accordée à la presse.

Il ne vous reste plus que lien hypertexte, accompagné de vos propres commentaires.

  • A qui demander l’autorisation de reproduire des d’articles dans le cadre d’une diffusion sélective de l’information ?   (*) soit, ajouterai-je, dans un cadre autre que le panorama de presse sur extranet ou intranet pour lesquelles des règles particulières ont été ménagées. J’élude aussi le cas œuvres licences Creative Commons et par là même la délicate question de la compatibilité de ces licences avec les systèmes de gestion collective.

Les contrats du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC)  indiquent que les documents reproduits doivent avoir été « acquis licitement par achat ou don ou à la suite d’un service dont  le contractant] peut bénéficier ». Je ne sais pas trop comment comprendre la  dernière phase de l’article si ce n’est, j’imagine, que la reproduction d’un document prêté ou en location n’entre pas dans le cadre du système présenté ci-dessous.

1.- Pour les reproductions papier de documents papier (revue, extraits d’ouvrage, articles de presse) :

Gestion des droits par le CFC : contrat copie réalisées dans le cadre d’un centre ou service de documentation (hors panoramas de presse pour lesquels d’autres contrats sont proposés) pour des usages internes ou externes.

Attention pas de facturation au client pour les photocopies papier : une autorisation expresse est requise sous peine … de procès (voir procès Prisma Presse c/ CCIP et CFC).

2 .- Pour les reproductions papier de documents électroniques

Pour des téléchargements de documents existant en version papier et leur impression sur imprimante, ou de scan de documents papier et de leur impression: gestion des droits par le CFC (voir cas précédent) et une déclaration nécessaire dans le formulaire remis par le CFC.

S’il s’agit de téléchargement ou de scans de documents n’existant pas en format papier, qui sont imprimés ensuite : non géré par le CFC. Demander l’autorisation à l’éditeur. Il s’agirait des cas de revues n’existant qu’en format électronique, d’articles sur Internet, de billets de blogs, …

3. Les reproductions électroniques, soit des diffusions en version électronique de documents après scan ou téléchargement, mais sans impression ?

Un contrat du CFC : Copies numériques pour des usages internes  (dans des conditions très précises : 4 options possibles) d’articles de presse  (copies papier numérisées et éditions électroniques spécifiquement publiées en ligne par les éditeurs MAIS pour un répertoire limité de publications uniquement, dont une liste est indiquée sur le site du CFC.  Une autorisation qui interdit des usages externes vers  les clients, « les usagers autorisés étant des salariés, stagiaires et mandataires sociaux (personnes physiques) du cocontractant).

4.- Dans le cas de diffusion d’un document électronique téléchargé sur Internet : plutôt que d’envoyer le document en pièce jointe (ce qui est totalement interdit), faire un lien vers la page HTML présentant le document, sous réserve de bien préciser la source, que la page s’ouvre dans une nouvelle fenêtre et qu’il ne s’agisse pas d’un lien direct vers le document téléchargeable.

Je tente de résumer

  • Document papier et sortie papier : tous les ouvrages et périodiques français et étrangers – contrat CFC centres de documentation
  • Document électronique et  sortie papier sur imprimante identique à la version papier publiée parallèlement à la version électronique – idem cas précédent
  • Document électronique et sortie papier d’un document publié uniquement en version électronique  - autorisation de l’éditeur (puisque le cas ne semble pas avoir été prévu par le CFC)
  • Diffusion électronique : certains usages pour des documents d’un répertoire limité indiqué par le CFC  dans son  contrat copies uniques pour usages internes
  •  Autres diffusions électroniques : lien hypertexte vers le document en ligne (mais jamais d’envoi de fichiers téléchargés)
  • Le contenu textuel d’un brevet est-il soumis au droit d’auteur ? Puis-je reproduire librement le texte d’un brevet pour documenter un état de l’art par exemple ? Qu’en est-il des schémas ?

Cela peut paraître étonnant, mais le descriptif d’une invention présente une certaine « originalité et est protégé par le droit d’auteur. La règle voudrait donc qu’une autorisation expresse soit demandée au rédacteur du brevet. Si vous accédez à ce descriptif par le biais d’une base de données payante, la licence qui vous est attribuée peut vous autoriser à reproduire le texte de brevet, généralement pour votre propre usage, en interdisant toute forme de rediffusion. Les bases de données gratuites, comme esp@cenet, par exemple, précisent que les utilisateurs « bénéficient d’un simple droit d’accès gratuit et non exclusif aux informations, à l’exclusion de tout autre droit ».

Pour répondre à votre question, j’ai pris toute fois la précaution d’interroger un expert du domaine des brevets. Il m’a assuré que l’usage autorise une diffusion  à des fins d’information. L’interdiction pure et simple s’opposerait même à la vocation de diffusion par la voie de brevets qu’a cette information technique. Dans ce cas, il ne s’agit bien évidement que de reproduire le texte d’un seul brevet, ou un nombre infime d’entre eux, pour illustrer un « état de l’art », une thèse ou un article et non de reproduire une partie de la base de données.

Une réponse en demi-teinte où le droit positif s’oppose aux usages : une autorisation à exercer avec circonspection.

Pour illustrer mon précédent message,  les mentions de l’Office européen des brevets indiquant que les documents qu’il propose dans sa base de données peuvent être protégés par un droit d’auteur, qu’il serait opportun de le vérifier, et que, sous cette réserve, il autorise la reproduction, sous réserve que la source soit indiquée et « le contenu correctement restitué ».

Remarque additionnelle : il n’y aurait pas encore eu de procès pour contrefaçon du texte d’un brevet.

Mes remerciements à Pierre Breesé et ses précieuses informations pour cette dernière question.

Illustr. ¿ʞuıן ƃuıʞuı ɹo ʞuı ƃuıʞuıן? . . (YSE#21). Jeff Safi. Flickr by-nc-nd


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