Il ne faut plus tendre l'autre joue
Justice au singulier - philippe.bilger, 5/12/2012
Ce serait bien, une Eglise catholique qui continuerait à se repentir des crimes de l'Inquisition! Elle aurait tant à expier qu'elle serait prête à justifier les attaques même les plus odieuses, les plus ricanantes contre elle.
Mais apparemment elle bouge encore, elle a la prétention de penser et, un comble, de parler.
Médiatiquement, les audacieux au petit pied, les humoristes de bas étage, les pourfendeurs conformistes s'en donnent à coeur joie, à esprit vulgaire. Il faut entendre les Laurent Gerra - un abonnement chez Michel Drucker! - ou Mathieu Madénian - un stage chez le même ! - se "payer" sur un mode évidemment grossier le pape et les catholiques. Ces offenses sales proférées devant un public robotisé et avec la rigolade d'un Drucker qui ne tolérerait pas le millième sur la religion juive ou même la musulmane qui, elle, est souvent bien "servie" ailleurs. Mais il paraît qu'il faut rire !
Ce même Madénian qui a trouvé du plus haut drôle de traiter les électeurs du FN de "fils de putes", allant sur les brisées heureusement abandonnées par Sophia Aram dont le talent et la vivacité ont évidemment gagné à s'affranchir des cibles trop faciles parce que trop usées. Je ne suis pas sûr que la justice donne tort au premier, tant le droit est de travers dès qu'il s'agit du FN !
Il paraît que Valérie Trierweiler sera témoin dans l'un des premiers mariages homosexuels dont Clémentine Autain a rappelé sur RTL, contre Christine Boutin au téléphone, qu'ils seront instaurés bientôt. La présence de la compagne du président de la République aurait évidemment une importance symbolique qui s'ajouterait à la campagne quasiment unilatérale menée en faveur du mariage gay.
Cinq responsables religieux, dont le Grand Rabbin et Monseigneur Vingt-Trois, ont été entendus, chacun, par la Commission des lois de l'Assemblée nationale durant dix minutes puis les députés leur ont posé des questions dont certaines avaient une tonalité insultante. Pour le moins, de la brièveté pour une problématique infiniment délicate.
Cette même Commission des lois a écouté six juristes, notamment un magistrat, Serge Portelli, dont tous, sans l'ombre d'un doute, étaient favorables au mariage gay. D'autres, non par dépit mais par honnêteté, ont protesté et souligné le caractère infiniment réducteur de ces consultations (Le Figaro).
Le chaleureux et enthousiaste Claude Bartolone - sur quelque sujet que ce soit - parvient tout de même à rendre hommage au travail de la Commission et à la qualité du débat démocratique. S'il le croit, s'il est sincère, je m'interroge sur ce qui pourra jamais le troubler pour le dialogue républicain !
Cécile Duflot, parce que le drame des sans domicile fixe, des sans abri, est lancinant et ne trouve pas de solutions en dépit de la déploration générale et renouvelée, tous pouvoirs confondus, a commis l'erreur, par confort et par tactique, de s'en prendre à la hiérarchie catholique (Le Monde) à l'égard de laquelle elle n'hésiterait pas à exercer son droit de réquisition pour les bâtiments vacants relevant de l'Eglise.
Ainsi non seulement elle oublie l'Etat, les collectivités locales qui devraient mériter cette éventuelle semonce bien plus que les catholiques mais elle feint d'oublier tout ce que la justice des rues au quotidien, la charité et la solidarité urbaines, par les grands froids et les infinies solitudes, doivent aux associations catholiques. Ces dernières n'ont pas attendu le diktat de la ministre, qui s'est très vite ravisée à cause des réactions multiples et négatives contre elle, pour se mobiliser.
Cécile Duflot, qui concilie la fraîcheur écologiste et la ruse politique vieille comme le monde, a clairement, par cette référence à la réquisition - quelle obsession, d'ailleurs, pour ces termes, ces injonctions, ces décrets qui font froid dans le dos !- voulu rendre la monnaie de sa pièce hostile au mariage homosexuel à la hiérarchie catholique. C'est petit, c'est mesquin et d'autant plus lamentable qu'il suffisait que celle-ci s'exprimât pour qu'aussitôt on lui déniât le droit de le faire.
Surtout, elle a joué, mais à son détriment, sur un double velours contradictoire dont elle espérait récolter les fruits.
D'une part, une bonne portion de démagogie n'est jamais inutile et le sentiment populaire ne s'opposera jamais avec vigueur à une attaque populiste contre l'Eglise, de même d'ailleurs que, hier, contre les juges. Au fond de soi on peut croire, avoir la foi, respecter le pape et le clergé mais ne pas détester tout de même qu'on prenne de haut cette puissance, ce pouvoir que, dans l'apparence, le catholicisme incarne.
D'autre part, et au contraire, la ministre, invitant l'Eglise à un altruisme qu'elle pratique de longue date, était persuadée de s'engager sur un terrain qui ne lui créerait aucune difficulté puisqu'elle savait que ce qu'elle prétendait enjoindre était la base de la démarche catholique.
Mais elle s'est trompée. C'était trop habile, trop injuste.
Les catholiques n'ont pas tendu l'autre joue. Pour cette polémique comme pour toutes ces joutes dérisoires ou non, de caractère médiatique ou politique.
Ils n'ont plus le choix. Qu'on les traîne dans la boue, leur impuissance, leur passivité nourrira et amplifiera les outrages et les provocations. Qu'au moins l'Eglise se batte, qu'elle refuse d'être encasernée dans une conception de la laïcité qui ne lui permettrait de parler que pour dire oui.
A tout ce que la modernité charrie, selon elle, de pire et de déstabilisant pour une société et pour l'humain.
Sa liberté, c'est de dire oui ou non. Dans le siècle et hors du siècle. Sans elle, sans les religions, l'absolu ne viendra plus jamais mordre le coeur du relatif.
Il ne faut plus tendre l'autre joue. Cette complaisance n'a que trop duré.