Merci Eve (444)
Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 28/11/2011
Oui merci Madame Ruggieri pour les propos que vous avez tenus aujourd’hui même sur France-Inter en fin de matinée : en rupture complète avec l’ovation unanime – délit de promotion oblige – qui accompagne la sortie du film « Les Lyonnais » d’Olivier Marchal, vous avez « osé » - les femmes m’épateront toujours (1) – protester contre ce que vous avez qualifié d’apologie du banditisme. Et vous avez rappelé qu’une telle apologie est bien mal venue à l’heure où se développe dans les banlieues une criminalité de jeunes qui ne peuvent que trouver là une justification de leurs actes criminels.
Il est vrai qu’il y a de quoi chanceler : Monmon (puisque Momon il y a) est « un type épatant », un « homme, un vrai » qui a « une morale ». D’ailleurs « les braqueurs ne sont pas des voyous » et « si la bande à Monmom a tué c’est d’autres voyous » … ce qui ne me gène pas (sic) » dixit Olivier Marchal. Bonjour la morale républicaine, bonjour la leçon aux jeunes générations, bonjour le message éducatif.
On a les idoles que l’on mérite, mais là trop c’est trop ! D’autant que – concours de circonstances, mais quand même on devait s’y attendre – se multiplient les annonces de braquages plus ou moins sanglants où les successeurs de Monmom sévissent
Il ne s’agit nullement de contester le genre cinématographique du polar ou du thriller. Sans doute même le film d’Olivier Marschall constitue-t-il un spectacle agréable, mais dans la glorification des malfrats il y a quand même des limites venant qui plus est d’un ancien policier.
Faut-il rappeler que depuis quelques mois nous assistons à la multiplication d‘attaques de superettes et autres commerces de la part de jeunes armés de fausses armes très ressemblantes, mais souvent de véritables armes à feu dont ils n’hésitent pas toujours à se servir ? Comment expliquer ensuite à ces jeunes, le jour de leur jugement devant le tribunal pour enfants, que voici peu ils risquaient encore la peine de mort, que le parquet le juge d’instruction ont sciemment omis de retenir le fait qu’il y avait une arme pour pudiquement ne parler que de violence et leur éviter ainsi, eu égard à leur immaturité, la cour d’assises avec sa procédure lourde, longue, afflictive pouvant se terminer par la réclusion criminelle à perpétuité. Pour peu que ces jeunes aient le sentiment de jouer les Robins des Bois en redistribuant partiellement leur butin, qu’ils aient le souci de ne pas donner leurs complices au nom de la morale de la rue (et des règles mafieuses), que pouvons nous, que devons leur dire comme magistrats et comme éducateurs ? « Vous êtes les héros ignorés du XXI° siècle et dans quelques années vous serez glorifiés ».
Nous avions dans le passé été confrontés au même problème quand tel grand chanteur franco-belge déclarait dans Le Monde qu’il consommait de l’héroïne , ou récemment encore avec le feuilleton Polanski quand beaucoup de membres de l’intelligentia parisienne, voire du gouvernement n’ont pas hésité à défendre l’artiste rattrapé par son passé qui pourtant avait admis à l’époque avoir violenté une gamine de 14 ans (je passe sur les détails) et s’était enfui des USA pour échapper à la justice de ce pays !
De la même manière faut-il rappeler combien les « affaires » mettant en cause des politiques contribuent à developper l’idée « Tous pourris » qui peut perdre la démocratie et en tous cas nous metent en difficulté avec des jeunes sans bons repères assurés.
Tout cela est irresponsable.
Il ne s’agit pas de dénoncer la promotion cinématographique. On finit par rigoler au décryptage des plans « com » des boites de prod. avant de tourner le bouton. Mais il s’agit aussi d’appeler quelqu’un comme Olivier Marchal a un peu de décence et de réalisme eu égard à ses anciennes activités policières. Encore plus dans ce moment où plusieurs policiers qualifiés de « grands » sont dans de sérieuses difficultés pour avoir flirtés avec, sinon franchi, la ligne blanche de la légalité, et pas seulement pour des raisons professionnelles. En d’autres termes l’apologie du Commissaire Neyret, lyonnais qui plus est, dans le même instant où l’on glorifie Monmom n’est peut être pas le meilleur service à rendre au premier.
Et puis sans donner des leçons à des journalistes qui peuvent se retrouver malgré eux ou en conscience de défendre un film ou un livre sous couvert d’une invitation dont ils se réjouissent qu’elle ait été acceptée, on peut quand même attendre d’eux qu’ils remettent les pendules à l’heure. On peut mettre en exergue les qualités d’un héros de film ou de livre sans pour autant estomper que rien ne justifie qu’il ait agressé, volé ou tué à l’occasion d’actes de grande criminalité relevant de la cour d’assises.
La radio, la télévision ou les journaux ne sont pas que des instruments de promotion commerciale que chacun peut s’approprier en fonction de la savonnette qu’il doit vendre, mais des vecteurs d’information en direction de tous les publics qui nous sont un bien commun. On ne peut pas y faire l’apologie de n’importe quelle valeur, en l’espèce la chevalerie de la grande criminalité !
Merci donc Mme Ruggieri d’avoir poussé haut et fort ce cri de colère sur les antennes qui l’accueillaient pour … faire la promotion du ballet des Carmina Burana. Mon épouse va pouvoir passer à un autre thème d’indignation. On n'en manque pas dans la période actuelle
(1) Dont la mienne qui depuis une semaine est peine d’indignation devant cette logorrhée et a singulièrement contribué à ce billet d’humeur