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Simone Veil, inimitable...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 29/06/2018

Les êtres exceptionnels dont la France est fière ont accompli. Mais l'essentiel n'est pas là : au-delà des actes qui peuvent être diversement appréciés, il y a ce qu'ils ont été et qui appellent une admiration détachée de la politique, d'une pureté absolue. Le Panthéon va l'accueillir comme elle le mérite.

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La cérémonie du Panthéon pour Simone Veil et son épouse Antoine aura lieu dans la matinée du 30 juin et dans l'après-midi la France rencontrera l'Argentine en huitième de finale.

Pour ceux nombreux qui seront devant leur télévision pour le grandiose et la mémoire d'une part et pour le match d'autre part, il y aura un télescopage entre l'admiration officielle et l'espérance sportive, entre la reconnaissance due à une personnalité exceptionnelle et l'impatience imprégnée d'inquiétude à l'égard d'une équipe de France jusque-là décevante

Une équipe de France. Une femme de France.

Pour Simone Veil un événement dérisoire mais rarissime m'a marqué lors du débat animé par Patrick Chêne sur LCI. Je me suis retrouvé en accord avec Christiane Taubira ! Elle a en effet, comme moi, dans une déclaration enregistrée, souligné que personne véritablement ne pourrait s'inspirer de Simone Veil et suivre ses traces.

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Si elle avait parfois un mauvais caractère et était, selon son fils Jean, une "rebelle", ce ne sont pas ces caractéristiques qui la définissaient et suscitaient la forte adhésion des Français. Sa personnalité apparemment n'était pas de celles qui créent naturellement un consensus.

Elle ne sera pas contagieuse et personne ne pourra prétendre parasiter son aura parce que, si elle est devenue Simone Veil, c'est à cause de tragédies inouïes et singulières, d'un parcours aussi bien judiciaire que politique, d'actions emblématiques et d'une certaine manière d'exercer le pouvoir. Il me semble qu'elle n'a pas été un ministre comme les autres dans la mesure où, sachant faire preuve d'autorité, elle était étrangère au narcissisme viril et à la passion des apparences, attachée au fond bien plus qu'à la forme.

Ses combats, aussi bien dans le domaine judiciaire que pour l'interruption volontaire de grossesse et, plus tard, comme présidente respectée de l'Europe avaient un point commun : la défense de causes avec pour finalité l'humanité, l'unité et le rassemblement.

La cause des femmes aussi bien que la cause de l'Europe. Même ses adversaires les plus constants - cette femme de caractère en avait, heureusement, même si certains, dans les débats parlementaires ont parfois dépassé les bornes de la décence - lui ont toujours reconnu une vraie passion européenne d'autant plus exemplaire et sans doute durement conquise à partir d'un destin précoce qui l'avait confrontée avec sa mère et sa soeur à l'horreur nazie.

J'ai apprécié qu'à l'horizon de toutes ses initiatives, avec le volontarisme qui ne lui a jamais été dénié, se trouvaient exclusivement le souci de sauvegarder et l'obsession de rassembler, l'aspiration à l'unité et le rêve de la paix universelle. Ces exigences fondamentales, elle ne les formulait pas ni ne les traitait avec naïveté mais en pleine conscience de la dureté du chemin. Un chemin qu'elle avait décidé d'emprunter et pour lequel - c'est notable - aussi bien Valéry Giscard d'Estaing que Jacques Chirac lui ont constamment apporté un ferme soutien en dépit des divergences européennes qui l'ont opposé à ce dernier lors des élections européennes. Elle était tête de liste et j'avais l'insigne honneur d'être 55ème sur celle-ci - à l'abri donc de tout succès pour ce qui me concernait.

Même la cause des femmes était en définitive une cause d'humanité. Comme l'avait lumineusement expliqué son époux Antoine, la loi dont elle avait permis le vote n'était pas une loi en faveur de l'avortement. Mais une loi qui face à la multitude des avortements sauvages et aux dévastations qui en résultaient, visait à favoriser des avortements qui ne mettaient plus en péril la vie et la santé des femmes.

Personne ne pourra, après elle, devenir Simone Veil. Tant de malheurs, de douleurs et de chagrins, tant de courage et tant de force, tant d'oubli de soi pour la cause du monde et de l'Europe, un tel refus du ressentiment mais sans oublier l'Holocauste et le respect dû aux disparus, tant de conscience et tant de sagesse, un humanisme lucide, un pessimisme actif, un exemple.

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Elle ne sera pas contagieuse parce que, pour être elle, il aurait fallu endurer l'atroce et s'en sortir, se souvenir mais ne pas sombrer dans la haine, agir mais pour servir, honorer le passé en se battant pour un avenir de réconciliation.

Les êtres exceptionnels dont la France est fière ont accompli. Mais l'essentiel n'est pas là : au-delà des actes qui peuvent être diversement appréciés, il y a ce qu'ils ont été et qui appellent une admiration détachée de la politique, d'une pureté absolue.

Le Panthéon va l'accueillir comme elle le mérite.


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