Débats... et des Hauts...
Justice au Singulier - philippe.bilger, 11/10/2018
J'aime ce qu'il est convenu d'appeler les débats même si j'espère ne pas tomber sous le sarcasme de Philippe Muray qui moquait la tendance ridicule au débat pour le débat. Comme si celui-ci était une fin en soi.
Chaque fin d'après midi, de 17 à 19 heures, je suis convié dans les Vraies Voix (VV) à Sud Radio. Cette émission totalement atypique animée par l'inimitable Christophe Bordet avec l'incollable Philippe David comme autre chroniqueur permanent, parvient à mêler la drôlerie, parfois la plus osée, au sérieux, parfois le plus éclairant. Quand un Jacques Séguéla reconnaît, invité, son caractère unique et sa tonalité en même temps allègre et attentive, son compliment touche parce qu'il rejoint notre désir de singularité, de provocation et d'écoute. Rien de plus éloigné de nous que ce mépris du peuple, qui subtilement altère l'esprit de certaines radios plus contentes d'elles que préoccupées par leurs auditeurs.
Les VV ont commencé à la fin du mois d'août et elles font preuve d'une absolue liberté de pensée et de parole, ce qui est d'ailleurs la grande vertu intellectuelle de cette radio et rend légitime son slogan : Parler vrai. Sans liberté on ne peut même pas nourrir l'ambition de rechercher et d'offrir la vérité, sa vérité. C'est un passage forcé.
Il y a des sujets qui peuvent ne pas me passionner ou sur lesquels je n'aurais à dire que des banalités dont je préfère m'abstenir. Pourquoi y aurait-il une obligation, d'ailleurs inconcevable, d'être omniscient ?
Il est insupportable d'entendre dans les échanges médiatiques les convictions toutes faites, les idéologies qu'elles soient de gauche ou de droite ; rien que du prévisible, qui lasse par avance parce qu'on pourrait déjà formuler l'intervention. Une parole programmée, fléchée, est intolérable, elle ennuie. Elle se réfugie dans le confort de la répétition et ne surprend jamais. Parce qu'elle est le Bien, le Juste, et que les autres n'ont qu'à s'incliner devant elle. Ce n'est plus un débat, même pas un combat mais du partisan qui rend insipide la discussion, d'emblée gangrenée et figée.
C'est à partir de cette aune médiatique des VV que dorénavant j'appréhende mes autres prestations.
Le dialogue politique que j'entretiens chaque vendredi, toujours sur Sud Radio, avec Natacha Polony, sous l'égide bienveillante et ferme à la fois du meilleur "matinalier", Patrick Roger, me comble parce qu'on s'écoute et et qu'on laisse à l'autre une chance de vous convaincre. On n'est pas enkysté et la courtoisie qui ne conduit à parler que si l'autre a terminé ajoute à la qualité de cette confrontation stimulante.
J'ai déjà dit à quel point L'heure des pros sur CNews me semblait, dans un autre registre, le modèle d'une empoignade contrôlée et qui a cet immense avantage de n'avoir jamais un programme fixe. L'actualité vient à nous et on la prend. On peut bouleverser ce qui était prévu et ne plus traiter qu'un seul sujet dans une sorte d'effervescence heureusement décousue et spontanée, dont la seule unité est Pascal Praud. Qui libère notre parole mais ne se prive pas de la sienne. On peut le contredire vigoureusement et réciproquement. Le dialogue conventionnel, sans flamme ni authenticité, n'est jamais le bienvenu.
Mais je voudrais aussi attirer l'attention sur les débats singuliers où je suis invité et qui constituent comme une ascèse bienfaisante. Je ressens en effet, telle une chance, le fait de ne pas me présenter investi d'une compétence et, je l'espère, d'une vérité mais seulement désireux d'écouter et d'apprendre. Non pas qu'un citoyen n'ait pas l'opportunité de s'intéresser à tout mais cette curiosité n'implique pas que sur les thèmes techniques on soit légitime. Au Grand Soir animé par Julien Arnaud qui est bien plus qu'un excellent "joker" sur TF1, j'ai récemment, sur la réforme des retraites, accueilli plus que je n'ai donné. Pas seulement parce que mes sujets de prédilection ne relèvent pas de ce genre économique et financier - c'est évidemment une lacune - mais à cause de l'attirance qui m'a toujours habité pour les débats d'où on sortait enrichi parce qu'à aucun moment on n'avait eu l'arrogance de prétendre tout savoir.
Je raffole des contradictions non pas seulement parce que j'espère les surmonter et convaincre mais à cause de ce qu'elles apportent de neuf et et d'heureusement perturbant dans un esprit qui pourrait être tenté de se reposer. Elles viennent prendre une place que le dogmatisme ne laisse jamais. Le courage est évidemment de dire toujours ce qu'on pense mais aussi d'avouer qu'on ne sait pas et d'attendre de combler ce vide.
Je ne suis pas un inconditionnel de l'univers médiatique et de la plupart des journalistes. Aussi qu'on ne lise pas ce billet comme s'il relevait d'une basse promotion mais tel un miracle : il y a des émissions et des moments magiques. Il faut s'y accrocher si on vous le permet.
Débats... mais des Hauts!