Affaire Le Couviour, la laideur de l’argent
Chroniques judiciaires - prdchroniques, 31/05/2012
D'argent, on a beaucoup parlé devant la cour d'assises du Morbihan qui juge depuis une dizaine de jours les quatre accusés de l'assassinat et de la complicité d'assassinat d'Anne-Marie Le Couviour, 75 ans. On a parle même tellement qu'en fin de journée, lorsque l'audience est enfin levée, on se sent comme englué.
L'argent est le seul enfant commun de cette famille hier recomposée, aujourd'hui décomposée. Il a terni les mots d'une fille, Benoîte Audren, qui parlé de sa mère - "une femme remarquable, une forte-femme" - mais a ensuite longuement entraîné la cour et les jurés dans les règlements de compte financiers entre les enfants nés du premier lit d'Anne-Marie Le Couviour et ceux d'Eugène Le Couviour.
Car les deux "clans" se déchirent désormais sur le montant de chacun des chèques émis par la victime depuis son mariage, trente-cinq ans plus tôt, avec Eugène Le Couviour, pour déterminer s'il s'agit de largesses consenties par Anne-Marie Le Couviour aux enfants de son premier lit et donc susceptibles d'être décomptés de sa succession. "Une semaine après la mort de maman, on a été convoqué chez le notaire. Et là, il nous a annoncé que nous devions de l'argent aux Le Couviour! Tout cela parce que Philippe Le Couviour [l'un des fils d'Eugène] a remonté les comptes de ma mère. Les frais de scolarité de mon frère, son permis de conduire, les cadeaux aux petits-enfants, il a tout retracé!", a expliqué Benoîte Audren.
L'argent avait déjà empoisonné pendant des années les relations entre Eugène Le Couviour et ses enfants. A la barre, Jean-Jacques et Philippe Le Couviour ont reconnu que la question de la succession de leur père était entre eux "un sujet récurrent". Parce qu'ils ont professionnellement contribué au développement de l'entreprise qui a fait la fortune familiale, l'un et l'autre considèrent que rien ne doit leur échapper de l'héritage de leur père.
- C'est le fruit de notre travail, explique Philippe Le Couviour à la barre.
La mort violente de leur belle-mère, l'agression de leur père, le chagrin d'un homme de 93 ans qui a perdu sa femme, l'implication de leur épouse et belle-soeur dans ce drame n'a rien changé à la conviction que leur curiosité insistante était légitime et fondée.
Me Philippe Billaud, qui défend les intérêts des enfants d'Anne-Marie Le Couviour attend depuis un moment son tour d'interroger Jean-Jacques Le Couviour, le mari de l'accusée, qui vient d'expliquer à la barre l'entier soutien qu'il apporte à son épouse en dépit de son "idée stupide".
Il lui demande:
- Le testament de votre père, après la mort d'Anne-Marie, il a été changé n'est-ce pas?
- Oui.
- La situation des héritiers que vous êtes s'est-elle en conséquence améliorée?
- Ben, oui.
Il se tourne vers l’accusée.
- Avez-vous l’intention de divorcer de Jean-Jacques Le Couviour ?
- Non.
- Donc, de cet argent, vous allez en profiter, Madame?