Les blogs relèvent du droit de la presse
droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 18/10/2011
La Cour de Cassation, par un Arrêt n° 904 du 6 octobre 2011 (10-18.142),vient de confirmer expressément que "les abus de la liberté d’expression ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881", c'est-à-dire la loi sur la presse.
Les faits de l'espèce concernaient le dénigrement d'un élu local, maire et député, par l'auteur anonyme d'un blog. Une action civile en responsabilité avait été engagée par cet élu sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. En défense, l'auteur du blog avait devant la Cour d'appel soutenu que seule la loi sur la presse s'appliquait. L'enjeu était bien évidemment l'application ou non des délais de prescription très courts en matière de diffamation par voie de presse qui ne permettaient plus l’action contre l'auteur du blog sur cette base. Rappelons que ce délai est de 3 mois, que sur l'Internet il a pour point de départ le jour du premier acte de publication et non le jour où les faits ont été constatés (Cass. Crim du 30 janvier 2001) et que le maintien des textes litigieux sur Internet n'a pas d'incidence sur le point de départ de la prescription (Cass. Crim. 16 octobre 2011 n° 00-85728). La Cour d'appel a écarté la loi sur la presse en estimant que certains éléments objectifs de la diffamation n'étaient pas présents :
"pour rejeter le moyen de défense de M. X... tendant à l’application aux faits litigieux des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, l’arrêt attaqué énonce que le contenu du blog de M. X..., qui a agi de façon anonyme et sous une présentation trompeuse, cherche effectivement à discréditer M. Y... auprès des électeurs, mais que cette entreprise ne repose que sur une présentation générale le tournant en ridicule à travers le prisme caricatural d’une vision orientée et partiale de sa politique locale ou de sa personnalité sans imputer spécialement au maire, ou au candidat, de faits précis de nature à porter, par eux-mêmes, atteinte à son honneur ou à sa considération"La Cour de cassation a donc replacé le débat dans le contexte de la liberté d'expression dont Internet est actuellement l'un des outils. Pour la Cour, les abus de cette liberté ne peuvent être sanctionnés que sur le fondement de la loi sur la presse. Cette loi met en place en effet un régime délicat d'équilibre entre liberté d'expression et droits individuels ; l'instauration d'un délai de prescription bref participe de cet équilibre et il ne saurait donc être admis qu'un second fondement, celui de la responsabilité civile de droit commun, dont le délai de prescription est bien plus long, puisse être accueilli en la matière.
Dans la logique de ce principe, la Cour de cassation a débouté l'élu sur le fond pour prescription de son action.