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Christian Estrosi : avant-garde ou coup de Nice ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 3/09/2020

Christian Estrosi, en définitive, s'est lancé tout seul à la tête du président. Il en tirera sans doute des bénéfices politiques personnels mais il n'empêchera pas la droite, si elle se met en ordre de bataille en se choisissant un champion, de jouer un rôle capital en 2022.

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Christian Estrosi (CE) est-il en avance ou fait-il aux LR un coup de Nice comme il y a eu un coup de Jarnac ?

J'avoue que j'ai été très surpris par la récente intervention du maire de Nice, que j'ai apprécié au fil de quelques rencontres et dont la ville bien gérée est encore empreinte de douceur de vivre quand de misérables terroristes n'y apportent pas le malheur et que certains quartiers ne l'effacent pas.

CE a proposé en effet que faute d'avoir un candidat incontestable au sein de LR, il convenait de s'allier avec le président de la République pour que celui-ci, l'emportant en 2022, n'oublie pas ceux qui auront favorisé sa réélection. On comprend bien que les "conditions" évoquées par CE seraient de pure forme et que son étonnante analyse ne viserait à rien de moins qu'à livrer LR à Emmanuel Macron, la droite d'opposition à celui qui aspire à être son bourreau et a commencé à la vider de sa substance, malheureusement durant un temps avec la passivité complaisante de sa "victime" (Le Figaro).

Même si une vision cynique de la politique peut toujours trouver appui sur la réalité pour se justifier, je n'irais pas seulement soupçonner CE d'être surtout préoccupé par les futures élections régionales.

Si on élimine ce ressort de mauvais aloi, on ne peut qu'être surpris alors par sa proposition.

Irait-il sur les traces de son mentor Nicolas Sarkozy dont je continue à penser que la relation ostensiblement complice qu'il entretient avec Emmanuel Macron est d'une certaine manière un but assumé contre son camp ?

Alors que CE s'est fait une spécialité d'une pratique fermes en matière de sécurité, quelle singulière alliance avec un président qui, de quelque côté qu'on appréhende son passif et son actif, est avant tout - cela enfin devient incontestable - un infirme du régalien, un président dont une large partie du quinquennat est déjà obérée par une faillite dans ces domaines étrangement négligés à rebours des attentes et des peurs légitimes du citoyen ! Comme si un malade quittait son médecin pour préférer son mal !

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CE, par ailleurs, quand il énonce que LR n'aurait pas de candidat incontestable pour l'instant, formule une évidence et justifie plus que jamais la tenue d'une primaire pour que cet exercice démocratique rende indiscutable celui ou celle qui l'affrontera victorieusement.

De plus on pourrait objecter à CE que rien n'est forcément acquis pour Emmanuel Macron en 2022 et que venir à sa rescousse détourne des forces qui seraient mieux utilisées au sein de sa vraie famille.

Si j'éprouve un zeste d'indulgence pour le maire de Nice malgré sa précipitation à saborder LR, cela tient d'abord au fait que ce parti et son appareil officiel ont mis beaucoup du leur dans cette entreprise d'effacement.

Peut-être même convient-il d'excuser certains (Guillaume Larrivé a précipité le mouvement) qui lassés, écartelés trop longtemps entre l'attente de François Baroin, une opposition sans nerf et la pauvreté d'un projet, tendent à être sur la même ligne de CE - qui aurait été alors une avant-garde ?

Il me semble pourtant que le climat a changé, que la droite non seulement bouge encore mais qu'elle se redresse, inversement aux pronostics sombres qui l'accablent, et qu'elle résiste à tous les vents qui prétendent peu ou prou que l'entreprise de démolition du président est terminée à son détriment.

Il est troublant que l'embellie au quotidien ne soit pas le fait de la hiérarchie officielle du parti mais de la multiplication de candidatures pour 2022 qui démontre de la richesse et une croyance en l'avenir de la droite. Aucune de ces ambitions n'est illégitime ou absurde même si pour moi, dans un registre parfois identique, Bruno Retailleau et Xavier Bertrand (dans la marge de LR) sont les plus plausibles pour concourir.

Paradoxalement, le signe de cette renaissance est le retour en grâce du processus de la primaire qui consacre sans équivoque le refus du "candidat officiel" tel que Christian Jacob en rêvait et qu'il avait quasiment désigné. Rien n'est joué mais enfin on commence à sortir de la petite cooptation, à accepter le vent dans les voiles et l'affrontement loyal.

Aussi la bizarrerie de CE survient à contre-temps, laisse croire qu'Emmanuel Macron est totalement compatible avec la droite et qu'elle devrait se réjouir d'être absorbée. Il y a, je le répète, en Emmanuel Macron une vision peu compatible avec une structuration conservatrice, gangrené qu'il est sur des thèmes essentiels par un progressisme que sa jeunesse lui imposerait. Et sa pratique du pouvoir n'est pas à ce point exemplaire qu'on ne puisse pas en vouloir une autre.

CE, en définitive, s'est lancé tout seul à la tête du président. Il en tirera sans doute des bénéfices politiques personnels mais il n'empêchera pas la droite, si elle se met en ordre de bataille en se choisissant un champion, de jouer un rôle capital en 2022.

Coup de Nice plutôt.


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