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Stress au travail : La Cour de cass’ détend l'ambiance

Actualités du droit - Gilles Devers, 3/05/2013

Voici quelques nouvelles de ma petite chérie, la chambre Supersociale de la...

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Voici quelques nouvelles de ma petite chérie, la chambre Supersociale de la Cour de cassation, qui arrêt après arrêt, donne tout son sens à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur en matière de protection de la santé des salariés. Selon les sains principes de l’analyse marxiste, le salarié vend sa force de travail… mais pas sa santé ! Si le salarié est en arrêt-maladie pour une cause qui résulte d'un manquement de l'employeur à cette obligation de sécurité de résultat, les conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement (13 mars 2013, n° 11-22082, Publié). Ah ah ah…217599_original_284170.png

Faits

Une salariée avait été engagée le 22 janvier 2007 en qualité de chef de produits senior, et l’affaire n’a pas été trop heureuse. Peu de temps après la fin de la période d’essai, elle a été placée en arrêt-maladie pour stress. Le temps a passé, et par lettre du 23 novembre 2007, elle a été licenciée au motif d’absences prolongées et répétées perturbant l'organisation et le bon fonctionnement de l'entreprise.

La salariée a contesté ce licenciement. Elle soutenait que l’employeur l’avait exposée à un « stress permanent et prolongé » par une surcharge de travail. Les causes ? La salariée se faisait procureur : manque de stabilité du personnel, priorité donnée à l'embauche de stagiaires, fixation dans le cadre du document intitulé « engagement pour la performance des collaborateurs soumis à un suivi et à un contrôle hiérarchique » d'un nombre d'objectifs (14) supérieur au maximum prévu (6), pression mise sur elle au travers de mails « accusateur »…  Tous ces facteurs avaient conduit à l’épuisement professionnel.

Donc, on n’a pas à faire au patron vicelard qui prend des mesures ayant pour objet de créer ce stress maladif. Non, c’est plutôt le genre du patron velléitaire et dépassé, dont l’organisation a pour effet de créer ce stress maladif.

Aussi, elle demandait que le licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur, on s’en doute, ne voyait pas les choses comme çà. Pour lui, à supposer qu'une situation de stress ait existé au sein de l'entreprise, elle n’excédait la capacité normale de tout salarié à y faire face. De plus, la salariée avait quasiment cessé de venir travailler à l'issue de l'expiration de sa période d'essai… Elle n’avait pas alerté sur l'existence d'un stress anormal, et n’avait pas consulté avec la médecine du travail. Bref, c’était bien dommage, mais c’était son affaire.

Cour d’appel de Lyon, 8 juin 2011

La salariée a gagné devant le Conseil de prud’hommes, mais la Cour d’appel lui a donné tort.

La Cour rappelle d’abord les principes qui résultent des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail :

- l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger les travailleurs ;

- il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.

Jusque-là, nous sommes d’accord.

Or, l’employeur n’a pas été alerté quant à l’existence de ce stress excessif, et la salariée n’indique pas les mesures que l’employeur aurait dû prendre est qui sont listées par le Code du travail : action de prévention de risques professionnels, action d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyen adaptés…

La Cour d’appel se situe donc sur le terrain de la preuve : il n’est pas prouvé que l'employeur a manqué à ses obligations en matière de santé des travailleurs, et le licenciement était régulier. T’as pas prouvé, t’as perdu.

Oui, sauf que ça ne joue pas avec le régime de l’obligation de sécurité de résultat.

Cour de cassation, 13 mars 2013

La Cour de cassation pose la règle, qui ressort de sa jurisprudence antérieure, avec une grande précision : « lorsque l'absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement ».

Dans le cas courant de la maladie, la preuve des dysfonctionnements causés par l’arrêt-maladie dans l'entreprise peuvent justifier un licenciement. Ça, c’est du classique. Mais si la maladie trouve sa cause dans un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, les dysfonctionnements causés par l’arrêt-maladie ne peuvent justifier un licenciement.

La cour d’appel s’est égarée, alors qu’à partir où était évoqué une dégradation de santé liée au stress, elle devait rechercher deux points :

- d’abord, si la salariée n'avait pas été exposée à un stress permanent et prolongé à raison de l'existence d'une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature,

- ensuite analyser si ce stress n’avait pas entraîné une dégradation de son état de santé, susceptible de caractériser un lien entre la maladie de la salariée et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

On s'approche beacoup du régime de la maladie professionnelle, alors que même que la salariée n'avait pas demandé le bénéfice de ce régime. Un raisonnement qui a de quoi faire stresser les employeurs stresseurs…

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