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L’inepsie du procès en laxisme (471)

Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 23/05/2012

L'annonce par la ministre de la justice de son intention de supprimer les tribunaux correctionnels pour enfants a immédiatement suscité les propos les plus ineptes et les plus démagogiques possibles. C'est me dira-t-on la loi du sport et nous sommes … Continuer la lecture

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L'annonce par la ministre de la justice de son intention de supprimer les tribunaux correctionnels pour enfants a immédiatement suscité les propos les plus ineptes et les plus démagogiques possibles. C'est me dira-t-on la loi du sport et nous sommes en campagne électorale : tous les coups sont bons surtout s'il s'agit de discréditer ses adversaires. Des limites s'imposent quand même. En tous cas on ne peut pas laisser dire n'importe quoi sans réagir.

Par ailleurs; avec le souci de donner des arguments de reflexion à ceux qui voient passer les exocets  tout en souhaitant pouvoir se faire un point de vue personnel,  il me semble que quelques données objectives doivent être restituées.

Je rappellerai d'entrée de jeu que les tribunaux correctionnels pour mineurs (TCM) ont été institués par la loi de 10 août 2011 au bout de 10 ans d'une frénésie législative.  Grosso modo, il s'agit pour juger certains jeunes de remplacer  le tribunal pour enfants classique composé d'un juge des enfants et deux assesseurs citoyens nommés pour 4 ans renouvelables sur ces fonctions par un tribunal classique composé de trois juges professionnels dont au moins un juge des enfants.

Quels sont les jeunes concernés ? Des mineurs ayant

- plus 16 ans - et donc moins de 18-,

-poursuivis pour avoir commis des faits punis de trois ans d'emprisonnement et plus- un vol simple -

- et déjà condamnés par un tribunal à une peine.

Ces tribunaux d'un genre nouveau qui rappelle ceux réservés aux adultes sont entrés en vigueur au 1 er janvier 2012 et n'ont guère eu à fonctionner aujourd'hui. Ainsi à Bobigny où jouant le jeu de la loi  nous avons programmé 25 audiences sur l'année pour bien couvrir2012 sans qu'il y aait de longs délais d'attente à l'audiencement nous avons de la peine à trouver une ou deux affaires à inscrire au rôle.

Ces précisions apportées reprenons la polémique en cours.

Tout d'abord il est hors sujet d'avancer comme il a été dit par le responsable UMP ex-syndicaliste policier qu'il s'agit de privilégier les délinquants, qualifiés par le même de prédateurs, sur les victimes qui, une nouvelle fois, seraient abandonnées. On touche avec cet argument au summum de la démagogie puisque d'aucune manière les droits des victimes sont affectés par la mesure annoncée. Elles feront valoir leurs droits devant le tribunal  pour enfants

Balayons donc cet angle d'attaque qui permet  de tenter de se faire identifier comme les défenseurs des victimes. Personne n'a le monopole de la prise en compte des victimes ! Et surtout pas ceux j'y reviendrai qui n'ont pas su réellement  lutter 10 ans durant pas  contre la récidive mais encore contre la primo délinquance à travers de vraies politiques d'intégration sociale

Rapidement on envient donc au procès en laxisme. Les tenants de la répression dure et ferme entendent dénoncer ceux qui n 'ont que compassion à l'égard de ces jeunes têtes blondes et frisées, qui sont prêts à tout excuser - cette culture de l’excuse dénoncée par l'UMP - et qui refusent de punir.

Ce procès en laxisme revient à affirmer que les tribunaux pour enfants classiques ne  savent pas être fermes quand cela s'impose. Faux bien sûr! Non seulement la loi permet des réactions fermes et rapides pour prendre en compte les  considérations d ordre public aussi bien en urgence - détention provisoire - que lors du jugement à intervenir en fin d'instruction et les juges en font usage sans état d'âme quand il le faut.

Pour 'en convaincre si on estg de bonne foi, il suffit déjà de se reporter aux données chiffrées affichées par le ministère de la  justice qui ne peut pas être accusé de manipulation.

Sur 65 000 décisons prises chaque année par les tribunaux pour enfants, 6 000 peines de prison fermes sont prononcées souvent avec execution provisoire décidée à l'audience quand on ne le ferait pas pour un majeur (1). Auxquelles s'ajoutent 15 000 peines de prison avec sursis, soit simple, soit avec mises à l'épreuve, 500 peines d 'amende, 4500 peines de travail d'intérêt général.

Et ces peines ne sont pas symboliques. Le jeune que j'ai vu hier au tribunal correctionnel pour mineurs était détenu : il exécute au total 19 mois de prison sur plusieurs condamnations pour vol avec violence. Il a eu un sursis avec mise à l'épreuve ; ce sursis  a été revoqué car il a violé  une des ses obligations. Il ne parlait pas de laxisme judiciaire : pour lui, le tribunal pour enfants avec son juge des enfants et ses deux assesseurs n'est pas un doux laxiste !

Et je rappelle que l'ordonnance du 2 février 1945 que beaucoup fustigent sans l'avoir vue fonctionner, recommande aux juges de privilégier les mesures éducatives sur les mesures repressives. En d'autres termes, la loi permet, et les juges des enfants, les juges de l'instruction pour mineurs, les juges delégués à la detention et à la liberté, n'y repugnent pas,  de réagir vite et fort  sans avoir besoin de ces tribunaux correctionnels pour mineurs. Combien de fois ai-je sais le JLD sans que le parquet me l'ai demandé ? Nous connaissons tous des situations où les mis en cause mineurs se sont retrouvés en détention provisoire quand leurs complices majeurs sortaient libres du tribunal correctionnel. Demain, le TCM renvoyé au magasin des accessoire, ces magistrats continueront leur travail sans trembler à appliquer la loi.

Si les professionnels manient avec prudence le recours à l'incarcération ce n'est par compassion ou parce qu'ils ont le culte de l'excuse, mais bien parce que  comme les politiques et l'opinion, ils savent que la prison  demeure l'école du crime. Paradoxalement avoir le souci des victimes, c'est bien d'abord éviter le risque de récidive, donc de s'attacher à changer les conditions de vie de ceux qui ont déjà basculé dans la délinquance : c'est leur intérêt, mais c'est aussi le notre bien compris. D'où cette recherche chez certains du compromis : on les met à l'écart sans les mettre en prison à travers des centres éducatifs fermés, réponse au demeurant pas nécessairement adaptée pour tous.  En tous cas la prison pour utile n'est pas une fin en soi et il faut la manier dans le cadre d'une vraie prise en charge et non pas comme un exutoire.

En d'autres termes,  la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs ne sera pas une perte. Nous avons les moyens dans la loi et dans l'organisation judiciaire , par des procédures rapides (déférement au sortir de la garde à vue devant un juge avec saisie du juge de la detention et des liberté pour mandat de dépôt, procédure de présentation immédiate devant le Tribunal pour enfants avec mandat de depôt délivré par un juge des enfants notamment) de réponses adaptées aux problèmes d'ordre public. Nous le faisons tous les jours; nous continuerons à le faire.

J'ai développé dans le détail dans mon post précédent pourquoi il fallait être contre les TCM. Je ne reprendrai pas le détail. On retiendra :

1° qu'ils sont chronophages dans un contexte où nous disposons de peu de moyens judiciaires  : trois juges professionnels mobilisés une demi journée pour 1, 2 ou au maximum trois dossiers quand dans le même temps nous jugeons au tribunal pour enfants avec la même gamme de reponses, une dizaine de jeunes. Nous gaspillons nos moyens.

2° le TCM  marque le souci de juger les moins de 18 ans comme des adultes qu'ils ne sont pas.  On ne juge pas seulement des individus sur ce qu'ils ont fait, mais sur ce qu'ils sont. Au regard de la loi de 1906 - reconnu à dimension constitutionnelle en 2002 - les moins de 18 ans sont des enfants au sens juridique du terme. Nous devons donc les juger comme tels : devant des juridictions spécialisés et avec un droit spécial. Tel est notre engagement international. J'ajoute qui si l'on veut abaisser la majorité pénale il faut abaisser de la même manière la majorité civile. Je doute que les français y soient prêts.

3° La loi du 10 août 2011 est une défiance injuste à l'égard des juges des enfants et des assesseurs au tribunal pour enfants.  Non pas que les juges professionnels qui viennent siéger au TCM soient incompétents, mais  ils ne sont pas spécialisés sur les thème de l'enfance. Enverrait-on un journaliste sportif, même de qualité, couvrir le G20 ? Les auteurs de la loi voulaient "encadrer" le juge spécialisé, sous entendu pour combattre son prétendu laxisme. Concrétisant l'engagement souscrit par François Hollande candidat Mme Taubira vient remettre les pendules à l'heure en affirmant sa confiance envers les juridictions pour enfants.

Remettons enfin les pendules à l'heure : ce ne sont  que quelques centaines de procédures qui sont concernées sur 70 000 dont nous  avons à connaitre. Mais certains gestes symboliques s'imposent et celui s'imposait.

A ceux qui jettent des cris d’orfraie sur une mesure annoncée de la part des adversaires de la loi du 10 août 2011 avant même qu'elle  soit adoptée, il faut désormais dire qu'avec le même souci positif de combattre la récidive le le gouvernement aura le souci de veiller à  e que toute mesure éducative décidée par un juge sera mise en oeuvre immédiatement. Et non pas dans les 35 jours comme c'est le cas actuellement dans la situation dont il hérite. La prison exécute immédiatement les mandats qui lui sont confiés ; pas les services sociaux judiciaires.

Pour éviter d'avoir des multiréitérants appelés à devenir de recidivistes commençons donc par mettre en oeuvre les mesures judiciaires décidées; dotons nous des lieux et des familles d'accueil permettant sous contrôle judiciaire d'éloigner un jeune de son milieu, etc.

L'OVNI judiciaire  TCM était une réponse de facilité adoptée par la majorité sortante destinée à faire de l’esbroufe  sans traiter le vrai problème : s'attaquer à la récidive. Elle ne répondait pas à la question : quelle réponse aux jeunes inscrit dans la délinquance par-delà la prison qui, pour être parfois nécessaire, est souvent insuffisante.

Constatons que dans 85% des cas ( rapport du sénateur UMP Lecerf) nous y parvenons, nous affirmons qu'il nous faut renforcer nos efforts mais pas casser notre outil comme le proposait la loi du 10 ao^put 2011 depuis rectifiée en décembre 2011, puis complétée  le 29 février 2012 ce qui prouve bien que ceux qui étaient aux manettes pilotaient à vue. Des amateurs ...idéologues.

(1) Pour un majeur sauf comparution immédiate il faut une peine  d'un an au moins, pour un mineur. ce verrou n'existe pas: notre droit des enfants est plus sévère que le droit des majeurs§

 


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