La démocratie US prend ses quartiers au Caire
Actualités du droit - Gilles Devers, 14/08/2013
Le président Morsi, élu démocratiquement au printemps 2002, a été renversé par l'armée le 3 juillet 2013. Un coup d’Etat militaire, donc, et signé en direct devant toutes les télés.
Mais pas du tout, nous avait expliqué John Kerry le 1° août, c’était pour rétablir la démocratie : « Des millions et des millions de gens ont demandé à l'armée d'intervenir. Tous avaient peur d'une descente dans le chaos et la violence. Et l'armée n'a pas pris le pouvoir, d'après ce que nous pouvons en juger, jusqu'à présent. Pour conduire le pays, il y a un gouvernement civil. En fait, elle rétablissait la démocratie ».
C’est un truc incroyable : ce pays qui est le premier fauteur de troubles dans le monde, du Vietnam à la Lybie en passant par l’Irak, qui a créé ou soutenu toute les pires dictatures à partir du moment où ça lui permettrait de contrôler le pétrole, ce pays qui injurie les droits de l’homme avec Guantanamo ou le système PRISM de surveillance du monde, qui asservit toute idée de démocratie au Proche-Orient au nom de son soutien à Israël, ce pays qui refuse de signer les grands textes protecteurs de droits de l’homme, continue à faire le beau en distribuant le diplômes de démocrates. Donc, un diplôme pour Abdel Fattah Al-Sissi…
Oui, mais voilà, hier a été un jour dramatique pour l’Egypte, avec un bilan provisoire du gouvernement de 278 morts. Aucun chiffre disponible pour les blessés. Les chiffres réels sont à multiplier : hier, c’était des scènes de guerre au Caire, et les médecins témoignent de tirs par balles dans le thorax. Un massacre… Et pour finir, le rétablissement de l’état d’urgence, qui avait été le régime appliqué pendant toute l’ère Moubarak, de 1981 à 2012 : couvre-feu, interdiction des rassemblements, fonction judiciaire transférée aux militaires, fouilles et surveillances sans avoir à justifier de motif…
John Kerry a retrouvé un micro pour condamner ces évènements mais en les qualifiant de « lamentables » alors qu’ils sont criminels… et banalisant pour appeler à des nouvelles élections… démocratiques et sincères bien sûr, organisées par le démocrate Abdel Fattah Al-Sissi pendant que Mohamed Morsi reste en détention illégale : « La responsabilité revient au gouvernement intérimaire et l’armée, qui à eux deux ont l’ascendant dans ce conflit, d’empêcher davantage de violence et de proposer des options constructives parmi lesquelles le remaniement de la Constitution et l’organisation d’élections législatives et présidentielle ».
Pour traiter le fond de la question, je ne peux mieux faire que citer ce qu’a écrit M. Saadoune, dans Le Quotidien d’Oran, la semaine dernière :
« Les médias qui parlent d’embarras américain se trompent clairement. Israël le sait, toute démocratisation dans un pays comme l’Egypte aboutira inéluctablement à une remise en question de Camp David et à un rapport très différent aux Palestiniens. Quand l’armée égyptienne intervient et reprend le peu de pouvoir qu’elle avait concédé, c’est Camp David qui est encore plus protégé. Quand un processus démocratique échoue - et en Egypte il ne peut être question de démocratie quand une moitié d’Egyptiens est traitée déjà en « terroriste -, Israël, la « prétendue seule démocratie au Proche-Orient », est tranquille ».
Comme vient de le faire Mohammed El-Baradei, devenu vice-président grâce aux militaires alors qu’il avait renoncé à se présenter aux élections… les libéraux progressiste adorés dans les pays occidentaux, vont tous se casser, et finiront haïs d’avoir été la caution immature du clan des militaires. Et ce n’est pas demain la veille que les militaires organiseront des élections ouvertes aux Frères musulmans, alors que tous les leaders sont recherchés pour être entaulés. Or, il n'y a pas de solution démocratique en Egypte qui exclurait les Frères musulmans.
La démocratie US prend donc ses quartiers au Caire. Et va bien sur continuer à former les cadres et financer l’armée qui rétablit si bien la démocratie, pour 2 milliards de dollars par an.