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François Hollande est-il vraiment le président de tous les Français ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 23/05/2012

Le président de tous les Français, c'est aussi celui, je l'espère, de ceux qui l'ont fait élire et ne sont pas socialistes. Il n'est pas interdit de rêver d'une gauche du réalisme sachant parfois maintenir les oeuvres d'une droite qui n'a pas eu tort sur tout.

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Il n'est pas un président de la République qui, élu, ne déclare vouloir être celui de tous les Français.

Cette volonté semble devoir aller de soi quand la charge suprême vous est confiée et que cet immense honneur engage. On ne pourrait pas théoriquement se muer en chef d'un clan, d'un parti, d'une partie de la France contre l'autre. Je considère que ce fut peut-être la faiblesse principale du récent quinquennat que la trahison de cette promesse proclamée en 2007. En même temps, le tempérament explosif et agité de Nicolas Sarkozy inspirait d'emblée le doute sur son aptitude à pacifier et à rassembler, sur l'équanimité nécessaire à une présidence impartiale.

En revanche, François Hollande m'est apparu plus plausible sur ce plan non seulement parce qu'il n'a cessé d'exprimer une obsession de l'unité mais surtout parce que sa personnalité semblait naturellement plus accordée à ce rêve d'un pays géré pour tous, d'une démocratie offerte, par le coeur, l'esprit et la politique, à tous.

Mais que signifie, au-delà de la pétition de principe, une présidence effective pour l'ensemble de la société ? Quelle peut être la traduction de ce désir d'universel ?

François Hollande, tout en prônant une gauche sociale démocrate, celle du possible et de la réforme, n'a pas caché qu'il ne s'inscrivait pas tout de même dans un socialisme mou. Son projet, qu'il s'applique à mettre en oeuvre notamment sur le plan international avec une certaine réussite, va naturellement s'incarner, autant que les contraintes de la réalité et l'avenir parlementaire le permettront, dans notre quotidien avec l'économie et la finance comme vecteurs fondamentaux.

Cette donnée incontestable doit-elle faire oublier au président de la République qu'une majorité substantielle de ceux qui l'ont fait élire ne s'est prononcée en sa faveur que par rejet personnel de Nicolas Sarkozy et pour qu'il assure la relève avec une personnalité et une pratique de l'Etat moins insupportables? En aucun cas, cette multitude (60% d'après une estimation fiable) n'a fait acte d'adhésion à l'ensemble des mesures socialistes projetées ni au socialisme lui-même. Elle a investi sur un homme remarquable, conscient de ses devoirs, républicain convaincu et attentif à un exercice du pouvoir plus simple, moins vulgaire et narcissique (le Monde, le Figaro, Marianne 2).

Aussi, se contenter d'appliquer à la lettre le programme socialiste, jour après jour, sans s'interroger sur sa compatibilité avec cet électorat revient à tenir pour rien un soutien dont le poids a été décisif. Réciter le catéchisme idéologique, surtout en matière judiciaire pour l'instant, n'a aucun sens parce qu'on défait sans réfléchir et qu'on abandonne des citoyens à un sort qui les fait demeurer fidèles à un président mais regretter que sa politique ânonne quand elle pourrait se situer dans un juste milieu entre réalisme et conviction.

Pour ma part, je crains d'autant plus cette déshérence qu'en choisissant, au nom de la parité, Christiane Taubira plutôt qu'André Vallini, le président a plus servi la cause des femmes que celle de la justice. Non pas que ce ministre soit de médiocre qualité mais, en dépit de l'espoir qu'elle avait suscité, elle a immédiatement emprunté des chemins balisés par un humanisme plus abstrait qu'opératoire en décidant d'abolir la comparution des mineurs récidivistes de 16 à 18 ans devant le tribunal correctionnel et, bientôt sans doute, les peines planchers. Je suis persuadé qu'André Vallini, plus compétent en la matière, moins soucieux de complaire au clan judiciaire progressiste à tous crins, aurait sans doute constitué un utile contre- pouvoir au pouvoir des idéalistes guère avertis.

Eric Zemmour a dénoncé avec une vigueur et une verve sans retenue l'action et les projets de Christiane Taubira en lui reprochant notamment de s'en prendre exclusivement à l'homme blanc (RTL). Bruno Roger-Petit (nouvelobs.com) a appelé à une riposte contre lui sur un ton vengeur qui me fait mal augurer, au sein même de l'univers des journalistes, du respect de la liberté d'expression.

Il n'est pas besoin d'avoir le talent et la fougue polémique d'Eric Zemmour pour déplorer calmement que Christiane Taubira et, avec elle, le président qui l'a nommée en accord avec le Premier ministre ne songent pas assez, en ces premiers jours du quinquennat, à ces citoyens qui sont venus en nombre au soutien de François Hollande entre les deux tours.

Le président de tous les Français, c'est aussi celui, je l'espère, de ceux qui l'ont fait élire et ne sont pas socialistes. Il n'est pas interdit de rêver d'une gauche du réalisme sachant parfois maintenir les oeuvres d'une droite qui n'a pas eu tort sur tout.

 

 


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