Jean-Luc Mélenchon soutient le pouvoir !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 16/06/2020
Je ne vais pas reprendre cette antienne trop entendue mais indiscutable que Jean-Luc Mélenchon (JLM) a du talent, de la culture et que son oralité de qualité, dans un monde pauvre sur ce plan, souvent emporte l'adhésion ; moins par le fond que par une forme pleine de fureur et d'élan : on se dit que tant d'exaltation brillante ne peut pas avoir complètement tort !
Pourtant, parfois, il ne nous facilite pas la tâche et nous conduit à une forme de sévérité à son égard.
Ce ne serait pas dramatique en soi mais la conséquence en est que notre absence d'indulgence à l'encontre du pouvoir actuel et de ses incroyables errements, notamment sur le plan du régalien, de la police et de la Justice, ne passe pas au second plan mais s'atténue par comparaison.
Certes il y a Christophe Castaner, clé d'étranglement maintenue jusqu'à son remplacement par une gestuelle moins efficace, Camélia Jordana, la famille Traoré, Nicole Belloubet, l'extrémisme délirant d'un Egountchi Behanzin et de la LDNA, les interdictions autorisées, Dijon, une autorité de l'Etat déliquescente, la démagogie coulant à flots et une absence de courage républicain mais, en face, il y a JLM et ses outrances orientées.
Certes elles semblent peser peu au regard de cet accablant passif mais de la part de cette personnalité qui à nouveau aspire à l'honneur présidentiel en 2022, elles ne manquent pas d'inquiéter et représentent plus qu'une goutte de contrariété.
D'abord cette surdité non pas physique mais politique qui, contre une évidence que pourtant il connaît, l'autorise à dénier que quelques "sales juifs" ont été criés lors de la manifestation du 13 juin et à oser en imputer la responsabilité au Préfet de police.
Ensuite cette absurdité, après avoir énoncé que la police devait être "pensée et organisée..." - ce qui ne risque pas la contradiction -, qu'elle devait être "aussi désarmée que possible pour qu'elle inspire le respect... et qu'elle devait changer ses comportements"! (BFM TV)
Pourtant il proclame que"les gangs doivent être désarmés" à Dijon. Comment la police la moins armée possible - selon ses voeux - fera-t-elle ?
On pourrait se moquer, comme un journaliste se demandant avec ironie comment elle pourrait alors agir : par lettres recommandées ? ou, pourquoi pas ?, avec des sucettes mais il me semble que cette aberration démontre que l'idéologie, la volonté de faiblesse systémique pour tout ce qui concerne les forces de l'ordre et l'état de droit, sont prêtes à endosser n'importe quel habillage. Comment JLM peut-il pousser sa pulsion d'opposition et de paradoxe jusqu'à proposer une police "aussi désarmée que possible" dans une période où en même temps elle n'inspire plus le respect à cause d'un civisme défaillant ?
Et pas davantage la peur puisque le principe de précaution et la certitude d'être lâchée par le pouvoir et désavouée par une certaine caste médiatico-politique lui interdit, même face au pire, d'user de ce que la loi lui permet ?
Comme on aurait aimé que JLM, avec l'autorité qui est la sienne au sein de son parti et son aura même relative dans l'espace républicain, soutienne plutôt intelligemment la police et rappelle que ce n'est pas à elle de changer prioritairement "ses comportements ", au demeurant globalement légitimes, mais à la population, aux citoyens.
Ceux-ci ont à faire preuve, d'abord, à son égard du "comportement" acceptable qui est celui de toutes les honnêtes gens et même de quelques transgresseurs : si Adama Traoré avait eu l'attitude de son frère Bangui, il n'y aurait pas eu d'affaire !
Sans paraphraser au tout petit pied Alphonse Allais, il serait bon que JLM usât aussi de son argumentation pour persuader délinquants et criminels de la retenue et de la modération qu'il souhaiterait imposer aux seuls policiers !
Cette approche de JLM, redoutable pour la société dont il prétend être l'incarnation exemplaire, n'est pas consubstantielle à LFI. Je ne connais pas le "François Ruffin" par coeur mais il me semble que si ce dernier a parfois excité, jusqu'au désir d'une violence institutionnelle, la révolte des Gilets jaunes, qu'on peut trouver justifiée dans son principe, je ne l'ai jamais entendu proférer cette ineptie sur une police "désarmée" et ce qu'y a de populaire et de méprisé dans ce corps qui est notre bouclier et notre sauvegarde. Pour être franc, je dois avouer avoir rêvé un tantinet sur lui quand je lis son dernier entretien, notamment sur ce sujet (Le Point).
On peut qualifier cette problématique de secondaire mais il n'empêche qu'elle vient gravement entacher, quand elle est ainsi abordée, la crédibilité et la pertinence du choix présidentiel. Peut-on faire confiance à un homme capable, coupable de telles incongruités, si contradictoires avec le bon sens démocratique mais si conformes à l'impérieux JLM ne voulant pas céder d'un pouce face à un réel qui le contraindrait à avoir raison comme la plupart ?
Je ferais, pour ces détails, la même analyse pour le président si lors de son dernier discours il avait affirmé que tout, absolument tout avait été parfait dans la gestion de l'épidémie. Quelqu'un, même, surtout au plus haut, capable d'un tel mensonge, d'une telle occultation délibérée de la réalité, n'aurait pas mérité qu'on lui accordât des suffrages pour l'important quand il travestissait ainsi le reste ! Emmanuel Macron certes s'est déclaré "fier" et a rendu justement hommage aux Français et par prétérition à lui-même mais tout de même pas au point de nier ce qui a troublé la France et l'a parfois indignée.
Si j'ai opté pour ce titre provocateur, ce n'est pas par une envie de choquer. Au contraire.
Il y a, dans la démarche de JLM et dans ses propos récents, une assistance objective apportée au pouvoir.
Si celui-ci, et plus généralement les pouvoirs de gauche ou de droite au gré de notre Histoire, pouvait avoir ou avaient eu la lucidité de comprendre qu'on le soutient, qu'on les a défendus trop souvent grâce à leurs adversaires, l'actuel comme les autres seraient plus modestes et rendraient grâce à des opposants qui les sauvent !