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Londres grandiose : Le recours aux armes dépend du Parlement et doit respecter le droit international

Actualités du droit - Gilles Devers, 31/08/2013

Le va-t’en guerre David Cameron se rappellera de l’affaire syrienne, car...

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Le va-t’en guerre David Cameron se rappellera de l’affaire syrienne, car elle va briser sa vie politique, et ça ne m'attriste pas. Lâché par son propre camp, le chef du gouvernement a subi une défaite historique : il ne peut désormais y avoir d’action militaire britannique qu’avec l’accord du Parlement, et cet accord ne peut être donné que si l’action militaire respecte la légalité internationale. Les années qui viennent permettront de mesurer la pérennité de ce vote, mais c’est un immense pas en avant pour la démocratie et la légalité internationale.

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Un signe aurait dû retenir l’attention de Cameron : la Pologne, l’un des plus fidèles soutiens des Etats-Unis (Amérique du Nord) avait très vite fait savoir qu’elle ne participerait pas à une aventure syrienne. Mais dès qu’Obama bronche, Cameron se dresse comme Rantanplan, le chien de Lucky Luke, qui  se tapait souvent le crâne, oubliant qu’il dormait sous une table. Cameron avait donc déjà fait l’enquête, trouvé le criminel, dépassé le Conseil de Sécurité, et envoyé les premiers avions à Chypre. Il lui restait juste à emballer le vote des Communes…

Il s’agissait d’obtenir un vote de principe, et Cameron dispose d’une confortable majorité. La majorité, soit 326, est assurée par les Conservateurs pour 303 et des libéraux-démocrates pour 56. En face, 255 élus du Parti travailliste, et 37 divers.

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Lorsqu’il ouvre les débats, Cameron se démarque de l’Irak de 2003 : « Nous n’envahissons pas un pays, nous ne cherchons pas d’armes de destruction massive. » Le but est de conforter « le tabou de l’usage des armes chimiques », mais pas intervenir dans le conflit, ni d’armer les rebelles. D’après lui, les preuves résultent des vidéos, qui ont été visionnées, et des renseignements des services. Il reconnait qu’il n’y a pas de certitudes mais explique qu'il a assez d’éléments pour se faire un jugement. Et tant pis s’il faut se passer d’un mandat du Conseil de sécurité.

C’est Ed Miliband, le leader du Labour, qui a apporté la réplique en posant deux principes simples et intangibles : pas d’action militaire tant qu’il n’est pas prouvé que les armes chimiques ont été utilisées et que les tirs ont été ordonnés par Bachar el-Assad ; pas d’implication de l’armée britannique sans un cadre juridique sûr, à savoir un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU, pour conclure : « Je suis déterminé à tenir compte des leçons du passé, y compris l’Irak. Il ne faut pas se faire d’illusion, notre rapport au conflit syrien changera si nous intervenons. Il faut ouvrir les yeux sur l’impact que cela aura. »

Les débats ont duré huit heures, et se sont ouverts aux implications d’une intervention militaire dans cette région stratégique, et alors que le conflit syrien, avec l’armement des milices anti-Assad, est devenu un affrontement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Choisir un camp ? Sur quelles bases ? Pour quel but ? Quel avenir, sachant que d’éventuelles frappes ne modifieraient pas substantiellement les forces armées syriennes ? Quelles relations avec la Russie ? Quel précédent à agir sur le fondement de la « punition », qui est une donnée nouvelle et immaîtrisable ? Comment ne pas être sélectif dans les « punitions » ? Le député du Labour Gerald Kaufman a rappelé l’usage par Israël des bombes au phosphore blanc, sur la population de Gaza en janvier 2009, sans qu'on agite les lignes rouges...

Dix ans après l’attaque illégale de l’Irak, la chambre des Commune désavoue Blair et félicite Chirac pour son choix de la résistance et du droit : une guerre sans fondement juridique, des mensonges pour la justifier, l’annonce de la protection de la population pour en fait renverser le pouvoir, un pays divisé, fracassé, meurtri, et des nombreuses victimes dans les troupes britanniques : au nom de quoi, et pour quel but ?  

Il y a eu aussi la Libye, et Ed Miliband comme nombre de travaillistes avaient voté pour cette guerre, tout aussi illégale. Mais ils constatent ce qu’a donné cette intervention militaire faite sans plan politique, sans compréhension du peuple. Sur une population de 6 millions, deux millions de Libyens vivent réfugiés à l’étranger (Tunisie, Egypte essentiellement) et la Libye est devenue un centre du trafic d’armes et du recrutement de mercenaires pour toute la région.

Vient le vote, et la motion du gouvernement est rejetée par 285 voix contre 272. Soixante-dix députés conservateurs ont voté contre Cameron.

Regardez les vidéos : Cameron est hébété, comprenant en un instant tout ce qui vient de se jouer, avec une Grande-Bretagne qui rompt avec les Etats-Unis, et renonce pour des années aux aventures guerrières. Cameron victime collatérale du conflit syrien. Quelle revanche des faits...

Mais Ed Miliband pousse son avantage, et s’adresse à son adversaire groggy : il lui demande de s’engager à suivre l’avis de la Chambre des communes, alors qu’en droit, le premier ministre dispose des pouvoirs pour, lui seul, engager l’armée. La direction de la force armée appartient à la Reine, qui l’a confié au Premier ministre et celui-ci peut l’exercer comme une prérogative royale. Mais Cameron n’a aucune autre possibilité que de s’incliner : « Il est clair pour moi que la chambre n’ayant pas passé la motion, le Parlement britannique, reflétant la vision du peuple britannique, ne veut pas voir d’action militaire britannique. Je l’ai compris et le gouvernement agira en conséquence ».

Ce pouvoir de la chambre des Communes, qui était fort, devient un cadenas : la Grande-Bretagne est une vraie démocratie, et l’acte politique le plus lourd, l’engagement de l’armée, ne peut intervenir qu’après un vote favorable du Parlement.

La Royauté britannique respecte le droit mieux que la République française.  

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