Quand ils veulent, ils peuvent !
Justice au Singulier - philippe.bilger, 17/03/2015
Le projet de loi sur le renseignement, dont les grandes orientations ont été communiquées par Le Figaro, est examiné, le 19 mars, par le Conseil des ministres.
Il est positif à plus d'un titre.
Le pouvoir socialiste est capable de tenir un engagement. A la suite des tragédies criminelles du mois de janvier et de la fusion républicaine du 11, le Premier ministre avait assuré qu'une réflexion allait être menée et des mesures prises pour pallier les failles qui avaient été constatées dans le fonctionnement et l'action des services de renseignement. Contrairement à ce qu'on craignait, parce que dans d'autres domaines on avait été échaudé, cette promesse a été respectée et sa concrétisation est ce projet de loi.
Quand le pouvoir veut, il peut.
Lorsqu'un véritable consensus est possible parce qu'il est fondé non seulement sur des indignations et des résistances communes mais sur une volonté opératoire et une approche technique fuyant l'angélisme et n'ayant pour seule obsession que de faciliter la lutte contre le terrorisme, une forme d'unanimisme politique peut être au rendez-vous. Si le texte n'est pas trop altéré lors du débat parlementaire, le groupe UMP envisage de le voter. En tout cas, il semble que Nicolas Sarkozy soit sur cette ligne.
Quand le pouvoir est de bonne foi, il peut rassembler.
Ce projet de loi - et c'est l'essentiel - accroît les moyens des services et veille, contrepartie nécessaire, à un contrôle renforcé de ceux-ci.
Le cadre juridique va être strictement délimité : pour la première fois, un cadre légal général sera offert "à des activités susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances". "Le renseignement ne sera plus hors la loi " (Le Monde).
Les moyens vont être renforcés, surtout à cause de ce point capital : "les services vont pouvoir infiltrer et surveiller les terroristes potentiels grâce à des autorisations administratives sans passer par la case judiciaire". Gain de temps et d'efficacité.
Les linguistes, analystes ou ingénieurs chargé de débusquer préventivement les menaces terroristes disposeront d'une palette élargie d'outils infiniment sophistiqués pour écouter, surveiller, intercepter et enregistrer. Le combat pour la bonne cause ne sera plus en permanence en retard par rapport à l'inventivité somptuaire et malfaisante des ennemis de nos démocraties.
Le protocole de recueil de ces données fondamentales pour vaincre sera "parfaitement balisé" et les autorisations administratives ne viendront pas valider a posteriori, pour la forme, des opérations s'étant passées d'elles mais imposeront leur aval pour la mise en oeuvre de ce dispositif efficient.
Une surveillance accrue dans les prisons sera effectuée et les "géants du Net auront une obligation de surveillance".
La République, en se donnant des armes plus vigoureuses, ne met rien d'autre en péril que, jusqu'à maintenant, la tranquillité cynique des tueurs. Ce n'est pas un Patriot Act à la française mais, enfin et seulement, une adaptation de l'outil à la mission de prévention et de sauvegarde plus que jamais prioritaire. On ne change pas de loi, on améliore l'instrument.
Il y aura tout de même les éternels mécontents, ces empêcheurs de se défendre efficacement en rond. On a la CNIL - il faut bien qu'elle s'inquiète pour justifier son existence - qui s'angoisse pour la protection de la vie privée et des données personnelles. Notre démocratie serait orpheline si elle n'avait pas toujours les mêmes bâtons dans ses roues. Dommage mais une habitude française (Le Monde).
Car quand le pouvoir considère le réel et n'est pas gangrené par l'idéologie, il est capable de bien faire.
J'entends bien que ce projet de loi, avec ses avancées pour un état de droit qui ne serait pas que le bouclier des criminels, ne concerne que le terrorisme mais je ne verrais pour ma part aucun inconvénient à ce qu'une philosophie générale de rigueur et d'utilité sociale inspire l'univers de la criminalité et de la délinquance ordinaires. Un criminel ne se distingue du terroriste que par le mobile. Les ravages que l'un et l'autre engendrent sont d'une nuisance équivalente.
En tout cas, il est clair qu'il ne peut pas y avoir, au sein du gouvernement, une sévérité admise à l'encontre du terrorisme d'un côté et une mansuétude dogmatique de l'autre au bénéfice des transgresseurs de toutes sortes - la banalité de l'insécurité quotidienne qui augmente parce que la police, engluée dans la bureaucratie et trop occupée à des tâches périphériques, a été moins performante en 2014.
Quand le pouvoir voudra, il pourra.