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Léonarda : indignation(s) sélective(s) (542)

Droits des enfants - jprosen, 19/10/2013

On conçoit aisément combien a pu choquer l’expulsion d’une adolescente scolarisée en France depuis quelque 5 ans et amenée alors qu’elle était en sortie scolaire à suivre des policiers pour retrouver sa mère et ses frères et sœurs à l’aéroport … Continuer la lecture

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On conçoit aisément combien a pu choquer l’expulsion d’une adolescente scolarisée en France depuis quelque 5 ans et amenée alors qu’elle était en sortie scolaire à suivre des policiers pour retrouver sa mère et ses frères et sœurs à l’aéroport pour rejoindre le Kosovo. Qui plus est dans le prolongement du débat sur les capacités d’insertion des roms ! N’a-t-on pas avec Léonarda l’exemple d’une jeune fille rom appelée grâce à l’école de la République, mais aussi par ses efforts et ceux de sa famille à trouver sa place dans la société française loin des clichés de rapine et autres cambriolages qui accompagnent les enfants de cette communauté ?

La France s’est embrasée. On invite, y compris des membres de l’actuelle majorité le président de la République à désavouer son ministre de l’intérieur. N. Sarkozy liberticide serait de retour. Plus exactement il ne serait jamais parti. La séquence rappelle en effet les interpellations d’enfants ou d’adultes à la sortie des écoles entre 2002 et 2012 dénoncées alors avec vigueur par nombre de militants associatifs et de politiques aujourd’hui au pouvoir. Les lycées commencent à s’embraser. Déjà nombre d’adolescents (légitimement) indignés par le sort de Leonarda ont battu le pavé. Ils peuvent comprendre la rigueur du droit, mais ils estiment la décision injuste. Nul doute que le gouvernement est provisoirement sauvé d’un embrasement généralisé de la jeunesse par les vacances de la Toussaint.

Par malheur il coalise quasiment tout le monde contre lui. Dans son camp bien évidemment tous ceux qui attendent autre chose au nom d’une certaine morale et des droits humains ; ceux qui à l’autre bord appellent plus que jamais à une politique très stricte en direction des étrangers en situation irrégulière et bien sûr ceux qui se réjouissent de dénoncer la cacophonie, l’incertitude sinon la faiblesse dans la gouvernance de l’Etat. Et je laisse de côté les rivalités internes au PS par rapport à 2017 … Qui plus est on est sur un débat où chacun s’estime légitime à avoir un point de vie quand sur les questions économiques auxquelles le pays est confronté on peut être plus hésitant et prudent face à des « spécialistes ».

Bonjour le piège ! Il faut retrouver de la raison et déjà prendre le temps de réunir les informations quand beaucoup sont partis à 150 à l’heure sans en disposer. Nécessairement il y aura de la casse dans les esprits. 75% des français aujourd’hui seraient pour le non-retour de Léonarda sur le territoire français

De fait, la famille, à juste titre ou non, je suis incapable de l’apprécier, a échoué dans sa demande de reconnaissance du droit d’asile ou d’un droit de séjour commun sur le territoire français. Elle a épuisé tous les recours de droit. La décision est mise à exécution comme bien d’autres les ont tous les jours. Comment faire autrement ?

Le père a déjà été reconduit il y a quelques jours. Sa femme et les enfants devaient le suivre au nom de ce grand principe fondamental, consacré par la convention internationale des droits de l’enfant, que les familles ne doivent pas être éclatées. Il semble que Madame X souhaitait elle-même que Leonarda les suivent. Elle a donc demandé au téléphone à sa fille d’accompagner les policiers pour la rejoindre. Notre droit part du principe que l’enfant doit accompagner ses parents. Il n’existe pas en tant que personne autonome. D’ailleurs dans les procédures de rétention administrative il est indiqué »Mme et ou M. X, accompagné d’un enfant».

En d’autres termes l’expulsion d’une famille n’est pas illégale. Séparer parents et enfants contre leur gré le serait.

Deuxième élément-clé: une personne mineure n’est pas expulsable. Elle peut être refoulée à l’entrée du territoire français : à l’aéroport notamment où elle est réacheminée immédiatement vers le pays d’arrivée ou après un séjour en rétention pour permettre son retour. Si le mineur d’âge refuse de repartir on ne peut pas l’y contraindre. Au bout du délai maximum de rétention – 28 jours - il sera « libéré » c’est-à dire qu’il entrera sur le territoire français certes en situation illégale – sans titre de séjour – mais sans être expulsable.

Léonarda aurait pu demander à rester en France ou sa mère souhaiter qu’elle reste en France.

Se pose alors la question des conditions de vie si le jeune est isolé en France et les parents au pays soit volontairement soit contraints et forcés par une décision d’expulsion comme en l’espèce. Imagine-t-on que Leonarda soit confiée à l’ASE ? Possible. Plus sêrement à une famille d’accueil.

On peut donc concevoir qu’au regard de l’émotion suscitée par son départ, Leonarda, désormais au Kosovo, soit autorisée à y revenir au nom du droit personnel dont elle jouissait de ne pas être expulsée, mais dont elle n’a pas fait usage, et dans la foulée dotée d’une titre de séjour régulier.

On imagine plus difficilement que les pouvoirs publics français acceptent que la famille de Léonarda revienne au prétexte que Leonarda y serait présente. Il suffirait dès lors d’entrer en France avec un enfant pour obtenir l’autorisation d’y séjourner ad vitam aeternam ! Un peu comme le fait de fouler la terre de Grande-Bretagne donne de facto le droit d’y séjourner. On imagine la révolution devant la brèche ouverte par une immigration familiale dans le droit au séjour en France et eu Europe dans la mesure où chaque Etat est gardien des frontières communes.

En l’espèce le compromis sera peut être fondé sur le fait que la famille a une dynamique particulière avec les violences exercées dit-on par le père de famille. Peut être qu’exceptionnellement le ministère de l’intérieur acceptera-t-il le retour en France de la mère et des enfants avec Léonarda en refusant le père.

Souhaitons-le. D’autant que le séjour de Leonarda en France et sa scolarisation lui ouvre droit d’ici peu au séjour régulier, voire à la nationalité française. Pour autant, au risque de détonner, Léonarda n'a pas un droit de vivre en France avec sa famille comme le revendique aujourd'hui.

Reste que je suis choqué de l’ampleur médiatique et politique prise par cette affaire, sans doute lié au fait qu’on peut mettre un prénom et un visage sur cette jeune fille et bien évidemment au fait d’avoir donne le sentiment de remettre en cause le sanctuaire de l’école, mais encore plus par ces indignations sélectives. Ainsi depuis plusieurs années nous nous efforçons de faire prendre conscience à l’opinion publique du sort souvent préoccupant réservé aux quelques milliers d’enfants étrangers non accompagnés qui arrivent chaque année sur le territoire français. (Voir mes blogs sur les MIE)

Peu d’hommes politiques s’en préoccupent sauf quand la prise en charge de ces jeunes affecte un peu trop les budgets des collectivités locales ou quand l’Etat se trouve interpellé frontalement sur sa démission (conf. fin 2011 avec loe bras de fer entre la seine Saint-Denis et l’Etat). En vérité le sujet intéresse peu. Tous les jours des Léonarda se trouvent, à la rue, à la merci de tous les dangers. Qui s’y intéresse ? Quand les médias éclairent le sujet que les relais trouvent-ils un relais ? Que nenni. Pas de manifestations de lycéens ou d’autres !

Et que dire au quotidien du regard porté sur les conditions de vie faites aux familles roms, notamment sur ces enfants aux conditions de vie indignes, rarement scolarisés et fréquemment déscolarisés par les expulsions. On ne voit que les dérangements réels : la délinquance bien sûr, ou la « pollution » des campements.

Bref, ce pays à des indignations très sélectives. Et il se paie facilement de mots pour ne pas dire qu’il frise l’hypocrisie.

Qu’est-ce que cette idée de sanctuaire scolaire ? Imagine-t-on que la police ne puisse pas entrée à l’école ? Impensable. A l’école comme dans tous lieux il peut se passer des faits troublant l’ordre public et justifiant une intervention policière. En revanche on peut entendre que dans l’école, comme dans l’entreprise pour un adulte, l’intervention des policiers doit être prudente, discrète, pour ne pas jeter l’opprobre sur la personne concernée ou ne pas choquer la communauté éducative qui sur la base d’informations partielles – comment peut-il en être autrement – sera choquée par les apparences qui rappelle une autre époque de ce pays.

Ainsi quand un jeune est recherché par la police pour être délinquant on veille à ce qu’il ne soit pas interpellé dans sa classe comme cela s’est trop souvent pratique mais conduit dans le bureau du principal. Mais ne soyons pas hypocrite le fait qu’un enfant étranger soit scolarisé n’empêchera jamais son expulsion avec ses parents si ceux-ci ne souhaitent pas en être séparés.

En d’autres termes, les positions de principe dont aisées à tenir surtout si on  n’assume pas la fin du film, plus difficile leur conciliation.

A mon avis Leonarda reviendra en France. Sans doute avec sa mère et ses frères et sœur si celle-ci le demande. Mais une fois le feu éteint le problème des milliers d’enfants étrangers isolés présents en France continuera à intéressé quasiment personne.

PS : le président de la République vient de faire savoir ce samedi matin son accord pour le retour de la jeune fille si elle le demande.


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