Nullités du licenciement pour défaut de motif économique : la fin d’un débat
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Patrick Berjaud et Nadège Sado, 10/05/2012
Le 3 mai dernier, la Cour de cassation a cassél’arrêt rendu le 12 mai 2011 par la Cour d’Appel de Paris prononçant la nullité de la procédure de licenciement économique engagée par la société Vivéo ainsi que ses effets, pour défaut de motif économique. Cette décision a mis fin à une polémique qui n’a eu de cesse d’alimenter les commentaires les plus variés eux-mêmes corolaires des pires craintes : celles des entrepreneurs d’abord qui voyaient dans la décision d’appel une ingérence déplacée des juges du fond dans l’opportunité des décisions de licenciements prises par l’employeur, celles de ceux pour qui cette décision sonnait le glas du « système économique français », ou encore, de l’emploi en France. Souvenez-vous…
1- Consécration par la Cour d’Appel de Paris d’un nouveau cas de nullité des licenciements pour motif économique consécutif au défaut de motif
C’était en 2010. « après son intégration dans le groupe Temenos, la société Viveo France a soumis à son comité d’entreprise, en février 2010, un projet de restructuration impliquant la suppression de 64 emplois, ainsi qu’un plan de sauvegarde de l’emploi établi à cet effet ; après avoir pris connaissance du rapport de l’expert qu’il avait désigné, le comité d’entreprise a engagé une procédure de référé tendant à l’annulation de la procédure de licenciement, dont il a été débouté, puis a saisi à jour fixe le tribunal de grande instance, pour qu’il soit jugé qu’aucune cause économique ne justifiait l’engagement d’une procédure de licenciement et pour obtenir l’annulation de celle-ci ». (1)
Vent de colère (et aussi de panique) au sein de la société Vivéo qui a argumenté en réponse, avec force, le contenu « limitatif » de l’article L.1235-10 du code du travail en application duquel : « la nullité de la procédure de consultation du comité d’entreprise ne peut être prononcée par le juge, hors le cas d’absence de plan de reclassement dans le plan de sauvegarde de l’emploi… …l’absence de motif économique à une procédure de licenciement économique collectif ne peut être sanctionnée qu’ « a postériori », une fois la procédure de consultation du comité achevée, et le licenciement notifié, le conseil de prud’hommes ayant alors tout pouvoir pour déclarer, en conséquence, le licenciement dépourvu de cause réelle et séreuse ».
Mais dans l’arrêt rendu le 12 mai 2011 la Cour d’Appel de Paris (2) a jugé que le défaut de motif économique rendait sans objet la consultation du comité d’entreprise et l’ensemble de la procédure subséquente .
Cette décision avait de quoi surprendre : en cette matière, le seul cas de nullité existant et admis était celui précisément visé à l’article L. 1235-10 du Code du travail selon lequel « à défaut de présentation par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés d’un plan de reclassement des salariés s’intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi la procédure de licenciement et les licenciements subséquents sont nuls ».
Si la tentative de la cour d’appel de consacrer un nouveau cas de nullité des licenciements pour motif économique pour défaut de motif a été anéantie par la haute juridiction il importe toutefois de reprendre le raisonnement non dénué de cohérence suivi par les juges du second degré afin de mieux comprendre l’ampleur de la décision.
*(1) Cass sos. 3/5/12 n°11-20741
(2) CA Paris 12/05/11 RG 11/01547
Vent de colère (et aussi de panique) au sein de la société Vivéo qui a argumenté en réponse, avec force, le contenu « limitatif » de l’article L.1235-10 du code du travail en application duquel : « la nullité de la procédure de consultation du comité d’entreprise ne peut être prononcée par le juge, hors le cas d’absence de plan de reclassement dans le plan de sauvegarde de l’emploi… …l’absence de motif économique à une procédure de licenciement économique collectif ne peut être sanctionnée qu’ « a postériori », une fois la procédure de consultation du comité achevée, et le licenciement notifié, le conseil de prud’hommes ayant alors tout pouvoir pour déclarer, en conséquence, le licenciement dépourvu de cause réelle et séreuse ».
Mais dans l’arrêt rendu le 12 mai 2011 la Cour d’Appel de Paris (2) a jugé que le défaut de motif économique rendait sans objet la consultation du comité d’entreprise et l’ensemble de la procédure subséquente .
Cette décision avait de quoi surprendre : en cette matière, le seul cas de nullité existant et admis était celui précisément visé à l’article L. 1235-10 du Code du travail selon lequel « à défaut de présentation par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés d’un plan de reclassement des salariés s’intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi la procédure de licenciement et les licenciements subséquents sont nuls ».
Si la tentative de la cour d’appel de consacrer un nouveau cas de nullité des licenciements pour motif économique pour défaut de motif a été anéantie par la haute juridiction il importe toutefois de reprendre le raisonnement non dénué de cohérence suivi par les juges du second degré afin de mieux comprendre l’ampleur de la décision.
*(1) Cass sos. 3/5/12 n°11-20741
(2) CA Paris 12/05/11 RG 11/01547
2- L’interprétation par le juge d’appel des dispositions l’article L.1235-10 rendait vraisemblable la position retenue
Nous venons de le rappeler : la lecture des dispositions de l’article L. 1235-10 du Code du travail amène d’aucun à conclure qu’en dehors du cas qui y est précisément visé, aucune irrégularité s’attachant à la procédure de licenciement n’ouvre droit à une nullité suivie de réintégration.
En décidant qu’il pouvait découler de cet article un cas de nullité de procédure tirée de l’inexistence d’un motif économique, les juges du 2d degré, en ont donc fait une interprétation qui pourrait s’apparenter au principe selon lequel « qui peut le plus peut le moins ».
Leur raisonnement a été le suivant : s’il entrait dans l’esprit du législateur de prévoir que l’absence de présentation d’un plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est sanctionnée par la nullité de la procédure, il allait de soi qu’une telle nullité était, de plus fort, encourue en cas d’absence d’un motif économique, au sens de l’article L. 1233-3 du Code du travail. En effet, un tel motif constitue le fondement même de ce plan ; il constitue donc l’élément déclencheur de toute la procédure qui en résulte.
Etait-il incohérent de conclure que l’absence de l’élément déclencheur (un motif économique) invalidait l’ensemble de la procédure subséquente de licenciement ? (3)
Il semble difficile de répondre de façon catégorique par l’affirmative à cette question, cela d’autant que, ainsi qu’il est rappelé dans l’arrêt d’appel, «en prévoyant expressément que l’absence de présentation d’un plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi est sanctionnée par la nullité de la procédure ; le législateur a édicté une sanction qui « n’apparaissait pas aller de plein droit » … (4)
Si donc l’on admet une telle hypothèse, poursuivent les juges, on ne peut qu’admettre que le défaut de motif économique conduise à la même conclusion.
Les juges ont donc fait appel à une « logique de raisonnement » ainsi qu’aux intentions vraisemblables du législateur lors de la rédaction de l’article L.1235-10 du Code du travail et de la procédure de licenciement dans son entier, pour faire valoir leur décision.
A tort selon la Cour de cassation.
* (3) Un jugement du CPH d’Amiens du 27/10/1999 retient une position similaire mais n’avait pas été porté devant la Cour de cassation
(4) CA Paris 12/05/2011
En décidant qu’il pouvait découler de cet article un cas de nullité de procédure tirée de l’inexistence d’un motif économique, les juges du 2d degré, en ont donc fait une interprétation qui pourrait s’apparenter au principe selon lequel « qui peut le plus peut le moins ».
Leur raisonnement a été le suivant : s’il entrait dans l’esprit du législateur de prévoir que l’absence de présentation d’un plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est sanctionnée par la nullité de la procédure, il allait de soi qu’une telle nullité était, de plus fort, encourue en cas d’absence d’un motif économique, au sens de l’article L. 1233-3 du Code du travail. En effet, un tel motif constitue le fondement même de ce plan ; il constitue donc l’élément déclencheur de toute la procédure qui en résulte.
Etait-il incohérent de conclure que l’absence de l’élément déclencheur (un motif économique) invalidait l’ensemble de la procédure subséquente de licenciement ? (3)
Il semble difficile de répondre de façon catégorique par l’affirmative à cette question, cela d’autant que, ainsi qu’il est rappelé dans l’arrêt d’appel, «en prévoyant expressément que l’absence de présentation d’un plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi est sanctionnée par la nullité de la procédure ; le législateur a édicté une sanction qui « n’apparaissait pas aller de plein droit » … (4)
Si donc l’on admet une telle hypothèse, poursuivent les juges, on ne peut qu’admettre que le défaut de motif économique conduise à la même conclusion.
Les juges ont donc fait appel à une « logique de raisonnement » ainsi qu’aux intentions vraisemblables du législateur lors de la rédaction de l’article L.1235-10 du Code du travail et de la procédure de licenciement dans son entier, pour faire valoir leur décision.
A tort selon la Cour de cassation.
* (3) Un jugement du CPH d’Amiens du 27/10/1999 retient une position similaire mais n’avait pas été porté devant la Cour de cassation
(4) CA Paris 12/05/2011
3- Pas de jurisprudence contre les plans dépourvus de motif économique
La question, selon la haute juridiction n’était pas de s’interroger sur les intentions du législateur, mais bien de faire application des dispositions du code du travail telles qu’elles existent en la matière. C’est bien ce que la cour de cassation rappelle au visa de l’article L.1235-10 « … seule l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique ».
En d’autres termes : la nullité des licenciements économiques est encourue si et seulement si l’employeur manque à son obligation consistant dans la présentation d’un plan de sauvegarde de l’emploi conforme au texte.
Relativement l’étendue du pouvoir de contrôle des juges en cette matière, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que « le contrôle du plan social par le juge ne conduit pas celui-ci à se prononcer sur la cause réelle et sérieuse des licenciements économiques projetés ».
Mais afin de prévenir toute confusion future, la haute juridiction prend soin à l’occasion de la décision rendue de poser clairement une distinction entre le contrôle du plan de sauvegarde de l’emploi (pouvant, lui, être cause de nullité), et celui du motif économique dont la validité ne peut être soulevée qu’une fois la mesure de licenciement notifiée au salarié et contestée par ce dernier au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse. « …la procédure de licenciement (pour motif économique) ne peut être annulée en considération de la cause économique de licenciement, la validité du plan étant indépendante de la cause du licenciement … ».
Cet arrêt marque donc la volonté de la haute juridiction de ramener l’interprétation des dispositions du code du travail envisageant les cas de reconnaissance de nullité des licenciements économiques à leur stricte définition et portée.
La question est tranchée, mais il est certain que l’arrêt Vivéo aura consacré l’existence d’un débat selon lequel il ne peut y avoir de procédure de licenciement collectif pour motif économique valable en cas de défaut de motif économique.
Le débat est clos.
L’avenir dira s’il l’est définitivement.
En d’autres termes : la nullité des licenciements économiques est encourue si et seulement si l’employeur manque à son obligation consistant dans la présentation d’un plan de sauvegarde de l’emploi conforme au texte.
Relativement l’étendue du pouvoir de contrôle des juges en cette matière, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que « le contrôle du plan social par le juge ne conduit pas celui-ci à se prononcer sur la cause réelle et sérieuse des licenciements économiques projetés ».
Mais afin de prévenir toute confusion future, la haute juridiction prend soin à l’occasion de la décision rendue de poser clairement une distinction entre le contrôle du plan de sauvegarde de l’emploi (pouvant, lui, être cause de nullité), et celui du motif économique dont la validité ne peut être soulevée qu’une fois la mesure de licenciement notifiée au salarié et contestée par ce dernier au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse. « …la procédure de licenciement (pour motif économique) ne peut être annulée en considération de la cause économique de licenciement, la validité du plan étant indépendante de la cause du licenciement … ».
Cet arrêt marque donc la volonté de la haute juridiction de ramener l’interprétation des dispositions du code du travail envisageant les cas de reconnaissance de nullité des licenciements économiques à leur stricte définition et portée.
La question est tranchée, mais il est certain que l’arrêt Vivéo aura consacré l’existence d’un débat selon lequel il ne peut y avoir de procédure de licenciement collectif pour motif économique valable en cas de défaut de motif économique.
Le débat est clos.
L’avenir dira s’il l’est définitivement.