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Quelle fourchette des taux de pondération des critères, l'acheteur public doit-il annoncer pour l’attribution des marchés subséquents aux accords-cadres ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel et Mathieu Prats-Denoix, 11/02/2014

Par deux ordonnances du 23 décembre 2013, société Organisation et services en informatique et logiciels, n° 1309859 et société Econom, n°1309885, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a précisé la notion d’écart « approprié » pour la fourchette des taux de pondération des critères dans les marchés subséquents à un accord-cadre, dont le principe ressort d’une décision du Conseil d’Etat du 5 juillet 2013, UGAP, n° 368448.
Conseil d’Etat du 5 juillet 2013, UGAP, n° 368448

Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision du Conseil d’Etat, l’Union des groupements d’achat public (UGAP) avait, lors de la passation d’un accord-cadre, informé les candidats que l’attribution des marchés subséquents résulterait de quatre critères pondérés selon les fourchettes de taux de pondération suivantes : entre 30 et 100 %, entre 0 et 70 %, entre 0 et 50 % et entre 0 et 30 %.

Après avoir rappelé que l’acheteur public doit, au stade de la passation de l’accord-cadre, informer de manière appropriée les candidats des critères d’attribution des marchés subséquents, le Conseil d’Etat a validé l’information donnée aux candidats sur la pondération de ces critères, exprimée selon une fourchette: « il [l’acheteur public] lui est loisible, dans l’hypothèse du choix d’une pondération des critères, d’exprimer le poids de chacun d’entre eux par une fourchette, qu’il peut éventuellement préciser lors de la passation de chacun des marchés subséquents ». Mais le Conseil d’Etat d’ajouter « que toutefois, eu égard à l’interdiction pour les parties, édictée par le II de l’article 76 du code des marchés publics cité ci-dessus, d’apporter des modifications substantielles aux termes fixés dans l’accord-cadre, l’écart maximal de cette fourchette doit être approprié et ne saurait, en tout état de cause, autoriser l’absence de prise en compte ultérieure de certains des critères annoncés ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat sanctionne la fourchette retenue dont l’écart (allant jusqu’à 0 %) permettait de neutraliser trois des quatre critères annoncés pour ne conserver, le cas échéant, que le seul critère du prix.

A l’occasion de la passation de deux autres accords-cadres, l’UGAP a, à nouveau, pondéré les critères de sélection des candidats pour ses marchés subséquents selon la fourchette suivante : prix entre 50 et 65 % ; qualité du service entre 20 et 40 % ; valeur technique entre 5 et 25 % ; performance environnementale entre 5 et 20 %. Si, cette fois, les écarts retenus n’étaient pas tels qu’ils rendaient possible la neutralisation ultérieure d’un ou de plusieurs critères, les fourchettes retenues ne permettaient toutefois pas d’établir une hiérarchie certaine parmi les critères annoncés, de sorte que les candidats évincés n’ont pas manqué de soulever que les écarts retenus n’étaient pas « appropriés ».

Mais, cette fois, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Melun valide la fourchette, « aucune disposition applicable, ni aucun principe n’exige que la hiérarchisation des critères d’attribution des marchés subséquents soit connue au stade de la passation de l’accord-cadre ». Ce faisant, il veille à maintenir une certaine souplesse pour la conclusion des marchés à venir, pour lesquels, si les critères d’attribution doivent être connus, l’on ne saurait exiger du pouvoir adjudicateur qu’il cristallise, dès le stade de la passation de l’accord-cadre, leur hiérarchisation.

Cette solution devrait, toutefois, être circonscrite aux marchés subséquents des accords-cadres. Si l’article 53 du code des marchés publics permet, pour les marchés passés selon une procédure formalisée, que le poids de chaque critère soit « exprimé par une fourchette dont l’écart maximal est approprié », la fourchette devrait, en vertu du même article, permettre « d’indiquer les critères par ordre décroissant d’importance ». Le recours à une fourchette de pondération des critères ne devrait donc pas permettre à l’acheteur public de se soustraire à l’obligation de hiérarchisation des critères d’attribution des marchés publics, par exemple en prévoyant, pour des critères différents, des taux de pondération identiques ou largement similaires, qui ne permettent pas de déterminer à l’avance de manière absolue le rang d’importance respectif des critères (même si, bien sûr, deux critères peuvent avoir une égale importance, voir CE 26 septembre 2012, GIE « Groupement des poursuites extérieures », n° 359389).


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