Devenir expert judiciaire
Zythom - Blog d'un informaticien expert judiciaire - Zythom, 5/11/2012
Je remets ici à jour ce billet de janvier 2012 toujours d'actualité.
Tout d'abord, il est important de comprendre qu'Expert Judiciaire n'est pas une profession à proprement parler, mais une activité parallèle à une profession (sauf peut-être pour les experts traducteurs-interprètes, domaine que je ne connais pas beaucoup, mais vous pouvez relire ce billet pour plus d'informations).
Un expert judiciaire, c'est quelqu'un qui est inscrit sur une liste tenue par une Cour d'Appel. Le simple fait d'être inscrit sur cette liste donne le droit d'utiliser le titre "d'expert judiciaire près la Cour d'Appel de X". Cette liste permet aux magistrats ayant besoin d'un avis technique de désigner quelqu'un pouvant les éclairer dans une affaire sur laquelle ils travaillent.
Pour être inscrit sur cette liste, vous devez avoir un "vrai" métier (celui qui vous fait vivre). Les magistrats qui gèrent cette liste considèrent que l'activité d'expert judiciaire doit être une activité annexe, ce qui me semble tout à fait raisonnable, tant il serait dangereux de vivre uniquement aux crochets des régies judiciaires, qui payent souvent avec beaucoup de retards (lire ce billet par exemple).
Cependant, le statut précis de l'expert judiciaire n'est pas parfaitement clair pour toutes les administrations, en particulier pour le régime de l'assurance maladie, y compris pour la justice elle-même, ce qui ne lasse pas de me surprendre. J'en ferai peut-être un billet, le jour où j'aurai compris réellement comment cela se passe (je ne suis inscrit sur la liste de ma Cour d'Appel que depuis 1999 ;-).
Le titre d'expert judiciaire est un titre prestigieux... Ou du moins qui jouit d'un certain prestige. Beaucoup de personnes aimeraient bien l'ajouter sur leur CV ou sur leur carte de visite. Certains considèrent même qu'il s'agit de la consécration ultime d'une carrière professionnelle, une forme de reconnaissance auprès de leurs pairs. Et malheureusement, certains, alors que la pratique de leur domaine technique est, hum, un peu ancienne, arriveront effectivement à être inscrit sur la liste des experts judiciaires de leur Cour d'Appel. C'est en tout cas vrai dans mon domaine, c'est-à-dire en informatique. J'ai rencontré un expert judiciaire fraîchement inscrit, et directeur informatique d'une société française prestigieuse, qui m'a avoué au détour d'une conversation, que la manipulation d'un disque dur lui était complètement étrangère... Je ne sais pas ce qu'il est devenu, mais j'espère qu'il n'a pas été désigné dans des dossiers avec disques durs. Ou du moins qu'il a refusé les missions de ce type.
N'oubliez pas que l'activité d'expert judiciaire ne se limite pas à l'analyse du contenu d'un disque dur, mais peut vous amener à étudier l'informatisation d'une entreprise par son prestataire de service, ainsi que les contrats qui les relient... Les jeunes loups qui me lisent, vous faites moins les malins, là ;-)
Quelque soit votre âge, enfin si vous avez moins de 70 ans, vous devez remplir les conditions indiquées dans le billet de janvier 2012 (qu'il faut lire maintenant, je ne peux pas toujours tout résumer) et déposer un dossier de demande d'inscription.
Le billet se terminait comme suit:
Si votre demande est acceptée, vous serez convoqué pour prêter serment. C'est aussi le bon moment pour contacter une compagnie d'experts pour parler formations, procédures, assurance, et pour comprendre également dans quel guêpier vous êtes tombé avant de contacter les impôts, l'URSAFF et autres joyeusetés à qui vous allez expliquer votre activité (et comment ils doivent la gérer). Mais tout cela est une autre histoire, et concernant la bouteille, n'attendez pas la clôture de votre premier dossier.
Une déception d'un certain nombre de nouveaux experts judiciaires est de constater que l'institution judiciaire ne les accueille pas "comme il faut", c'est-à-dire avec le tapis rouge qui est du à leurs nouvelles fonctions.
Je pense que c'est un point que la France devrait revoir, en particulier pour les personnes recevant la nationalité française. Nous, Français, ne savons pas organiser une réception digne de ce nom pour les personnes toutes fières de s'intégrer à notre beau pays. Alors qu'il suffirait de prendre exemple sur les canadiens.
Ma prestation de serment fut assez terne. Nous étions tous réunis dans une salle d'audience, debout et un peu raides. Personne ne connaissait personne. Beaucoup d'entre nous mettaient les pieds pour la première fois dans un tribunal et étaient un peu désorientés. Le serment ayant été lu par le magistrat, une fois et pour tout le monde, et à l'énoncé de son nom, il fallait lever la main et dire "je le jure".
L'institution judiciaire ne m'accueillait pas parce qu'elle avait besoin de moi, elle acceptait que je l'aide, parce que j'avais demandé à pouvoir la servir... C'est très différent.
Ensuite, une fois de retour chez moi, j'ai attendu plus d'un an avant de recevoir ma première désignation. Entre temps, personne n'était venu m'aider ou m'expliquer les démarches qu'il fallait faire auprès des différentes administrations pour démarrer cette "activité" d'expert judiciaire. Je n'avais jamais fait de facture d'honoraires, ni rempli une demande de remboursement de frais et débours.
Les choses sont un peu différentes maintenant qu'il faut passer par une phase probatoire de deux années, avec formation obligatoire (à vos frais). Mais l'idée est la même, et je comprends que l'activité d'expert judiciaire ressemble un peu à celle d'un club un peu fermé.
N'oubliez jamais aussi que vous travaillerez pro bono publico. N'attendez donc jamais un remerciement, un encouragement ou des félicitations de quiconque. Remplissez votre mission avec diligence et précision, mais assumez pleinement le risque de vous faire poursuivre en justice par une partie mécontente de votre travail.
Finalement, être expert judiciaire, c'est un peu comme tenir un blog, être conseiller municipal ou travailler dans un service informatique : beaucoup de critiques, peu d'encouragements, des risques d'agressions et toujours pro bono.
Mais il y en a qui aiment cela. C'est le moment de préparer votre dossier, car le 1er mars est vite arrivé.
A bientôt cher futur confrère !
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Source photo Megaportail
Tout d'abord, il est important de comprendre qu'Expert Judiciaire n'est pas une profession à proprement parler, mais une activité parallèle à une profession (sauf peut-être pour les experts traducteurs-interprètes, domaine que je ne connais pas beaucoup, mais vous pouvez relire ce billet pour plus d'informations).
Un expert judiciaire, c'est quelqu'un qui est inscrit sur une liste tenue par une Cour d'Appel. Le simple fait d'être inscrit sur cette liste donne le droit d'utiliser le titre "d'expert judiciaire près la Cour d'Appel de X". Cette liste permet aux magistrats ayant besoin d'un avis technique de désigner quelqu'un pouvant les éclairer dans une affaire sur laquelle ils travaillent.
Pour être inscrit sur cette liste, vous devez avoir un "vrai" métier (celui qui vous fait vivre). Les magistrats qui gèrent cette liste considèrent que l'activité d'expert judiciaire doit être une activité annexe, ce qui me semble tout à fait raisonnable, tant il serait dangereux de vivre uniquement aux crochets des régies judiciaires, qui payent souvent avec beaucoup de retards (lire ce billet par exemple).
Cependant, le statut précis de l'expert judiciaire n'est pas parfaitement clair pour toutes les administrations, en particulier pour le régime de l'assurance maladie, y compris pour la justice elle-même, ce qui ne lasse pas de me surprendre. J'en ferai peut-être un billet, le jour où j'aurai compris réellement comment cela se passe (je ne suis inscrit sur la liste de ma Cour d'Appel que depuis 1999 ;-).
Le titre d'expert judiciaire est un titre prestigieux... Ou du moins qui jouit d'un certain prestige. Beaucoup de personnes aimeraient bien l'ajouter sur leur CV ou sur leur carte de visite. Certains considèrent même qu'il s'agit de la consécration ultime d'une carrière professionnelle, une forme de reconnaissance auprès de leurs pairs. Et malheureusement, certains, alors que la pratique de leur domaine technique est, hum, un peu ancienne, arriveront effectivement à être inscrit sur la liste des experts judiciaires de leur Cour d'Appel. C'est en tout cas vrai dans mon domaine, c'est-à-dire en informatique. J'ai rencontré un expert judiciaire fraîchement inscrit, et directeur informatique d'une société française prestigieuse, qui m'a avoué au détour d'une conversation, que la manipulation d'un disque dur lui était complètement étrangère... Je ne sais pas ce qu'il est devenu, mais j'espère qu'il n'a pas été désigné dans des dossiers avec disques durs. Ou du moins qu'il a refusé les missions de ce type.
N'oubliez pas que l'activité d'expert judiciaire ne se limite pas à l'analyse du contenu d'un disque dur, mais peut vous amener à étudier l'informatisation d'une entreprise par son prestataire de service, ainsi que les contrats qui les relient... Les jeunes loups qui me lisent, vous faites moins les malins, là ;-)
Quelque soit votre âge, enfin si vous avez moins de 70 ans, vous devez remplir les conditions indiquées dans le billet de janvier 2012 (qu'il faut lire maintenant, je ne peux pas toujours tout résumer) et déposer un dossier de demande d'inscription.
Le billet se terminait comme suit:
Si votre demande est acceptée, vous serez convoqué pour prêter serment. C'est aussi le bon moment pour contacter une compagnie d'experts pour parler formations, procédures, assurance, et pour comprendre également dans quel guêpier vous êtes tombé avant de contacter les impôts, l'URSAFF et autres joyeusetés à qui vous allez expliquer votre activité (et comment ils doivent la gérer). Mais tout cela est une autre histoire, et concernant la bouteille, n'attendez pas la clôture de votre premier dossier.
Une déception d'un certain nombre de nouveaux experts judiciaires est de constater que l'institution judiciaire ne les accueille pas "comme il faut", c'est-à-dire avec le tapis rouge qui est du à leurs nouvelles fonctions.
Je pense que c'est un point que la France devrait revoir, en particulier pour les personnes recevant la nationalité française. Nous, Français, ne savons pas organiser une réception digne de ce nom pour les personnes toutes fières de s'intégrer à notre beau pays. Alors qu'il suffirait de prendre exemple sur les canadiens.
Ma prestation de serment fut assez terne. Nous étions tous réunis dans une salle d'audience, debout et un peu raides. Personne ne connaissait personne. Beaucoup d'entre nous mettaient les pieds pour la première fois dans un tribunal et étaient un peu désorientés. Le serment ayant été lu par le magistrat, une fois et pour tout le monde, et à l'énoncé de son nom, il fallait lever la main et dire "je le jure".
L'institution judiciaire ne m'accueillait pas parce qu'elle avait besoin de moi, elle acceptait que je l'aide, parce que j'avais demandé à pouvoir la servir... C'est très différent.
Ensuite, une fois de retour chez moi, j'ai attendu plus d'un an avant de recevoir ma première désignation. Entre temps, personne n'était venu m'aider ou m'expliquer les démarches qu'il fallait faire auprès des différentes administrations pour démarrer cette "activité" d'expert judiciaire. Je n'avais jamais fait de facture d'honoraires, ni rempli une demande de remboursement de frais et débours.
Les choses sont un peu différentes maintenant qu'il faut passer par une phase probatoire de deux années, avec formation obligatoire (à vos frais). Mais l'idée est la même, et je comprends que l'activité d'expert judiciaire ressemble un peu à celle d'un club un peu fermé.
N'oubliez jamais aussi que vous travaillerez pro bono publico. N'attendez donc jamais un remerciement, un encouragement ou des félicitations de quiconque. Remplissez votre mission avec diligence et précision, mais assumez pleinement le risque de vous faire poursuivre en justice par une partie mécontente de votre travail.
Finalement, être expert judiciaire, c'est un peu comme tenir un blog, être conseiller municipal ou travailler dans un service informatique : beaucoup de critiques, peu d'encouragements, des risques d'agressions et toujours pro bono.
Mais il y en a qui aiment cela. C'est le moment de préparer votre dossier, car le 1er mars est vite arrivé.
A bientôt cher futur confrère !
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Source photo Megaportail