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Un Nicolas Sarkozy de rêve...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 24/02/2015

Il y a encore tellement de choses à mener à bien, à inventer, une droite concentrée sur elle, une justice à la fois vigoureuse et humaine, tant de redressements à opérer, tant de confiance à retrouver, tant d'unité à restaurer, tant d'insupportables inégalités et discriminations à mettre à bas, tant de vrais mérites à récompenser. La République du verbe n'a que trop duré ! Alors, avec de telles perspectives, président de l'UMP, ce serait bien, non? Au moins jusqu'en 2017 ? Mais je me suis réveillé.

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J'ai fait un songe.

Je m'adressais à Nicolas Sarkozy et il m'écoutait.

Je lui disais et je m'en souviens comme si c'était aujourd'hui.

Vous savez, monsieur le président, il y a des effacements qui ont de la grandeur.

Vous avez été un candidat exceptionnel en 2007 et votre quinquennat, quoi qu'on en pense, a fait pâlir l'étoile de celui qui nous avait promis monts et merveilles.

Vous avez à nouveau affronté l'épreuve politique reine en 2012 et vous avez été défait par François Hollande que vous considériez pourtant, paraît-il, comme un "nul".

A la force du ressentiment et de l'impatience, vous avez été élu, sans gloire mais nettement, président de l'UMP et depuis que vous assumez cette charge, ce parti se porte plutôt mieux même si on attend toujours, au-delà des programmes de chacun, un véritable projet de la part d'une droite à la fois intelligente, courageuse et exemplaire.

Ne jugez pas, je vous prie, cette interrogation comme iconoclaste : et si vous vous arrêtiez là ?

Si vous consacriez votre formidable énergie d'abord à la poursuite de cette éprouvante entreprise qui consiste à faire d'un conglomérat d'ambitions un collectif de combat, de conviction et d'avancées démocratiques ? A susciter une envie de retour chez les déçus, les égarés ?

Ensuite, et accessoirement, si vous en avez envie, à la tenue de conférences grassement rémunérées, mais de préférence ailleurs que dans des pays comme le Qatar ou l'Arabie saoudite qui subventionnent le terrorisme ?

Il y a des reculs qui sont des victoires.

Pensez à tout ce que président de l'UMP, même autrement baptisée, vous auriez encore le droit d'accomplir et qui vous serait interdit si vous remportiez la primaire en 2016 puis l'élection présidentielle en 2017 !

La justice comme une épée de Damoclès sur votre destin serait tout de même moins intimidante si elle ne risquait de mettre en péril que votre cause de président de parti. A la tête de la République vous seriez certes protégé, mais la France dans quel état ?

Vous-même et votre environnement si proche et amical - avec cette irrépressible appétence pour l'argent d'un côté et de l'autre, pour certains dont les Balkany, des processus sophistiqués et sans doute frauduleux pour échapper à la charge fiscale commune - ne seriez jamais tranquilles si, président de la République, vous étiez à nouveau obligé de protéger ceux qui ne comptent pas mais comptent sur vous et de vous battre sans cesse pour sauvegarder votre réputation (Libération).

Il y a des retraits qui sont de la sagesse.

Si vous aviez la classe de laisser à d'autres l'honneur de la joute suprême, vous ne pourriez pas prétendre, malgré votre souci d'apparaître unique, que des médiocres se disputeraient le pouvoir. Pas plus Alain Juppé, François Fillon, Xavier Bertrand que Bruno Le Maire ne le sont. Vous ne l'avouerez jamais mais leur nouveauté, même toute relative, vaudra forcément mieux que votre plat présidentiel réchauffé si vous alliez au bout.

Même adepte de la franchise à votre égard, je ne me serais jamais permis ces libertés si je n'avais senti chez vous ces derniers temps des frémissements de lassitude, un volontarisme usé à force d'avoir trop servi, une présomption d'innocence enrouée d'avoir dû si souvent s'exprimer.

Vous avez toujours du talent mais, comme vous avez perdu en 2012, le charme est rompu et on ose ce qu'on n'osait pas hier à votre égard. Vous n'êtes plus Bonaparte mais Napoléon de retour de l'île d'Elbe avec, déjà, Saint-Hélène comme pressentiment. Tout ce que vous aviez d'éclatant s'est dégradé : le meilleur s'est affadi et le pire s'est aggravé.

Surtout, vous n'êtes pas dupe de ce qui se passe en vous-même. Pour que vous vous abaissiez à déclarer que votre candidature n'est pas "obligatoire", que vous alliez jusqu'à solliciter, comme un quémandeur de luxe face à des citoyens déçus, la grâce d'être "réessayé", cela signifie beaucoup de votre part chez qui la modestie ne domine pas (Le Parisien).

Je perçois chez vous l'accablement devant ce qui ne manquerait pas de se produire à nouveau et qui ferait de vos engagements renouvelés - je vous entends déjà nous vanter, oublieux d'hier, une République irréprochable - un second champ de ruines. Même votre surestimation de vous-même n'y résisterait pas !

Vous ne seriez peut-être pas insensible à cet acte républicain de générosité qui consisterait - et ce serait exceptionnel dans notre Histoire - à donner raison, avec lucidité, à ceux nombreux qui aspirent à ce que vous ayez toujours une place mais pas toute la place ? Les Français ont un faux normal, ils ne voudraient pas d'un faux repenti !

Vous qui êtes si bien à leur écoute, vous avez évidemment dans votre for intérieur tiré toutes les leçons du fait que seulement 22% de ceux-ci souhaitaient votre candidature contre 33% au mois de juillet 2014. Jusqu'où allez-vous descendre ?

Pourtant vous pourriez, devriez avoir le champ libre en face d'un pouvoir dont la principale occupation est de critiquer les vérités émises par le président du Crif et de se demander s'il convient de supprimer "Français de souche" de notre langue. Si vous ne profitez pas de ces aberrations, n'est-ce pas le signe que votre heure est venue ?

Non pas de tout abandonner mais de vous mettre vraiment, sincèrement au service d'une cause dont vous ne seriez plus le centre imparfait mais l'auxiliaire remarquable ?

Il y a des replis qui sont des triomphes.

Il y a encore tellement de choses à mener à bien, à inventer, une droite concentrée sur elle, une justice à la fois vigoureuse et humaine, tant de redressements à opérer, tant de confiance à retrouver, tant d'unité à restaurer, tant d'insupportables inégalités et discriminations à mettre à bas, tant de vrais mérites à récompenser. La République du verbe n'a que trop duré !

Alors, avec de telles perspectives, président de l'UMP, ce serait bien, non? Au moins jusqu'en 2017 ?

Mais je me suis réveillé.


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