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Des sites Internet créés par un salarié à l’épreuve de l’originalité, critère de protection au titre du droit d’auteur

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Cécile Fontaine, 12/01/2015

La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt rendu le 13 mai 2014 a adopté une position assez stricte quant au critère de l’originalité pour refuser que des éléments graphiques de sites Internet bénéficient de la protection du droit d’auteur. Le grief de contrefaçon, invoqué à l’encontre de l’entreprise qui ne s’était pas fait céder les droits sur ces sites Internet par le salarié qui les avait créés dans le cadre de son contrat de travail, a donc été rejeté.
La Cour d’appel de Rennes a rappelé, en premier lieu, le principe selon lequel « un site Internet est susceptible de protection par le droit d’auteur si son créateur démontre que sa facture témoigne d’une physionomie caractéristique originale et d’un effort créatif témoignant de la personnalité de son auteur. »

En l’espèce, un salarié infographiste dont l’activité consistait dans la conception, le développement et la maintenance de sites Internet reprochait, à son ancien employeur, à la suite de son licenciement, l’utilisation sans son autorisation des prestations qu’il avait réalisées dans le cadre de son contrat de travail.

Alors qu’en première instance, les juges avaient considéré que les sites Internet créés par le salarié présentaient un caractère original et étaient donc protégeables au titre du droit d’auteur et avaient accueillis les demandes du salarié, la Cour d’appel a réformé le jugement en adoptant une position assez stricte quant au critère de l’originalité appliquée aux sites Internet.

Les juges d’appel ont rappelé que le savoir-faire technique n’induisait pas l’originalité ni la créativité. En effet, il a été relevé que les travaux réalisés par le salarié témoignaient « d’une technicité graphique et d’un savoir-faire certains lui permettant […] de conserver une certaine autonomie dans le choix des éléments, des couleurs et des ambiances à mettre en valeur ».

Mais, selon la Cour, son autonomie était en fait limitée par les instructions très précises des clients quant aux tailles et emplacements des logos, images et caractères d’impression et qu’en outre, les sites Internet étaient de facture très classique ; les réalisations du salarié ayant seulement consisté « à créer des cadres colorés et dynamiques dans lesquels sont représentés des objets immédiatement reconnaissables en relation directe avec l’activité du client ». A titre d’exemple, il est évoqué un « site d’électricien chauffagiste qui présente des photos de lave-linge et de pompe à chaleur » ou encore « un site de séjour à la neige présentant des montagnes enneigées… ».

La Cour d’appel a ainsi considéré que les sites Internet revendiqués par le salarié n’étaient pas protégeables au titre du droit d’auteur et a rejeté le grief de contrefaçon à l’encontre de l’entreprise.

Si, les premiers juges ont conclu à l’originalité des créations du salarié, la Cour d’appel en a décidé autrement. Cela démontre bien que l’originalité est soumise à l’appréciation souveraine des juges.

Cette décision donne aussi l’occasion de rappeler que le contrat de travail n’emporte pas cession automatique des droits sur les créations réalisées par le salarié dans le cadre de sa mission. Les difficultés liées à cette absence de cession se cristallisent souvent au moment du départ du salarié de l’entreprise ou après et donnent lieu à de nombreux contentieux indépendamment ou en plus des conflits sociaux.

On ne peut donc que recommander aux entreprises de sécuriser systématiquement l’acquisition des droits sur les créations de leurs salariés, en bonne et due forme, tout en veillant à éviter l’écueil de l’interdiction de la cession globale des œuvres futures.

Vendredi de l'IT n°32 du 9 janvier 2015


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