Cour de cassation, 09-17.275
- wikisource:fr, 16/03/2011
18 novembre 2010
Sommaire |
Visas
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Motifs
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article R. 231-66 du code du travail, applicable en la cause, devenu les articles L. 4541-1 et L. 4541-2 du même code ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, salariée de l’association American Hospital of Paris (l’association) de 1990 à 2005, ayant été reconnue atteinte d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 57 C, avec un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 2 %, a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une demande d’indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme X…, l’arrêt, après avoir énoncé que les dispositions de l’article R. 231-66 du code du travail imposent à l’employeur de prendre les mesures d’organisation appropriées ou d’utiliser les moyens adéquats pour éviter le recours à la manutention manuelle comportant des risques pour les travailleurs en raison de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables, retient qu’en l’absence de précisions relatives aux charges pesant sur les poignets de Mme X…, ces dispositions sont insuffisantes, à elles seules, et en l’absence de prescriptions plus précises ou de mises en garde spécifiques du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou du médecin du travail, pour considérer que l’association aurait dû avoir conscience du danger que la manutention prolongée des plateaux pouvait entraîner pour les articulations des poignets de son employée ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les dispositions de l’article R. 231-66 du code du travail, applicables en la cause, visent l’ensemble des manutentions manuelles comportant tout risque pour les travailleurs en raison des caractéristiques de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
- et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 juin 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;
Condamne l’association American Hospital of Paris aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile et les articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, condamne l’association American Hospital of Paris à payer à la SCP Laugier et Caston la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour Mme X…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Madame Carmen X… de sa demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l’Association Hôpital Américain concernant sa maladie professionnelle constituée par une tendinite bilatérale des poignets ;
AUX MOTIFS QUE la tendinite du poignet est inscrite au tableau 57C qui concerne les affections péri articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail ; que le délai de prise en charge est de 7 jours ; que les travaux susceptibles d’entraîner la maladie sont ceux comportant de façon habituelle des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts ; que selon le rapport sur le poste de Madame X… établi par l’Hôpital Américain le 16 septembre 2003, les tâches effectuées par cette dernière comme agent room service étaient : préparation et chargement des chariots repas au niveau de la cuisine centrale ; manutention pour transporter les chariots au niveau de l’étage (un ou deux en fonction du nombre de lits à servir) ; distribution et enlèvement des plateaux repas dans les chambres, tâches effectuées matin, midi et soir ; prise en compte des demandes supplémentaires des patients ou des accompagnants lors du service ou en dehors des heures de repas (déplacement et manutention) ; que les travaux étaient des gestes répétitifs, le poids moyen d’un plateau déjeuner et dîner étant de 5,1 kg, celui d’un plateau de petit déjeuner de 4,5 kg ; que ces travaux de manutention des plateaux pour le chargement du chariot et pour la distribution du plateau au patient entraînaient une tension permanente des épaules et des poignets : 4 manutentions par plateau et par repas ; qu’en réponse au questionnaire qui lui a été adressé par la Caisse, Madame X… confirme, d’une part, la nature des travaux qui lui étaient confiés, à savoir le chargement et la distribution des plateaux au cours des 3 services quotidiens imposant une cadence et, d’autre part, les circonstances dans lesquelles ils étaient exécutés lesquelles imposaient un appui de la charge du plateau au moment de sa distribution dès lors qu’il convenait concomitamment de libérer la place nécessaire des objets encombrant l’emplacement qui devait recevoir ces plateaux ; qu’il est vain pour l’Association Hôpital Américain d’affirmer que ces tâches n’occupaient qu’un partie de la journée de Madame X…, le restant de la journée étant consacré à des travaux d’entretien et de nettoyage des chambres dès lors que, selon le rapport sur le poste de travail qu’elle a elle-même établi, l’essentiel du temps de travail de la salariée est consacré à la manutention et à la distribution des plateaux ; qu’il s’ensuit que la liste des travaux confiés à Madame X… confirme l’exposition au risque de la maladie figurant au tableau 57 C des maladies professionnelles ; qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce dernier d’une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par de dernier ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger sans prendre les mesures pour l’en préserver ; que, pour retenir la faute inexcusable de l’Association Hôpital Américain, les premiers juges ont relevé le poids important des chariots que Madame X… devait pousser, lequel est très supérieur au poids indicatif mentionné par l’article R. 441-11 du Code du travail et considéré que l’Association, composée de médecins, ne pouvait ignorer ou être indifférente à la détérioration que des charges poussées ou tractées dans les couloirs entraîne sur les articulations des femmes qui se livrent à ces tâches sans prendre les mesures propres à en préserver la salariée comme confier ces tâches à des employés masculins ; que si l’apparition d’une maladie au tableau n’emporte pas prohibition pour une entreprise d’exercer une activité susceptible de la générer, force est de convenir que la classification emporte nécessairement publicité du danger encouru par les salariés exposés à effectuer des efforts comportant de façon habituelle des mouvements répétés et prolongés des tendons fléchisseurs ou extenseurs de la main et des doigts ; que, de plus, l’article R. 231-66 du Code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures d’organisation appropriées ou utiliser des moyens adéquats … pour éviter le recours à la manutention manuelle comportant des risques pour les travailleurs en raison de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables ; que, force est de relever que ces deux dispositions sont d’ordre général ; qu’en l’absence de précisions relatives aux charges pesant sur les poignets, celles-ci sont insuffisantes à elles seules, et en l’absence de prescriptions plus précises ou de mises en garde spécifiques du CHSCT ou du médecin du travail par exemple pour considérer que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger que la manutention prolongée des plateaux pouvait entraîner pour les articulations du poignet ; que dès lors, la faute inexcusable de l’employeur ne peut être retenue et le jugement mérite d’être infirmé de ce chef ;
- ALORS QUE l’employeur est, en vertu du contrat le liant à son salarié, tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; que dès lors, en l’état de ses constatations selon lesquelles la description du poste de travail de Madame X…, dont il ressortait que l’essentiel du travail de celle-ci consistait dans la manutention et le transport de lourds chariots de repas de 322 kg, ainsi que dans la manutention et la distribution de plateaux pesant 4, 5 kg, ce qui l’avait incontestablement exposée au risque de la maladie figurant au tableau 57 C des maladies professionnelles, la maladie considérée emportait nécessairement publicité du danger encouru par les salariés, n’a pu retenir que l’employeur n’avait pu avoir conscience du danger auquel était exposée Madame X…, compte tenu de l’absence de précisions relatives aux charges pesant sur les poignets ou de prescriptions plus précises ou de mises en garde émanant du CHSCT ou du médecin du travail ; qu’en statuant ainsi, l’arrêt attaqué, qui s’était pourtant livré à partir du poste de travail de Madame X… à une analyse précise du danger auquel était exposée celle-ci, a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a, partant, violé l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
- ALORS QUE la Cour d’appel s’est prononcée par une série de motifs dubitatifs afin de considérer que l’employeur avait pu ne pas avoir conscience du danger auquel était exposée Madame X… en relevant cumulativement qu’on ne connaissait pas les charges pesant sur les poignets ou que l’employeur n’avait été rendu destinataire d’aucune prescription ou mise en garde émanant du CHSCT ou du médecin du travail et a, partant, entaché sa décision d’un défaut de motif en violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;
- ALORS QUE la Cour d’appel n’a pas répondu au moyen des conclusions d’appel de Madame X… soulignant qu’en faisant pousser à celle-ci des charges de plus de cinq fois le minimum autorisé par la loi, l’employeur avait aggravé les risques d’exposition à la maladie professionnelle de sa salariée ; que, dès lors, l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motif en violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;
- ALORS QUE la Cour d’appel a également délaissé les conclusions d’appel de Madame X… en ce que celles-ci soulignaient que l’employeur s’était abstenu de conserver un document transcrivant les résultats de l’évaluation des risques auquel il avait procédé en ce qui concerne le poste de celle-ci ; que, par suite, l’arrêt attaqué n’est pas dument motivé et a, par suite, violé l’article 455 du Code de procédure civile.