La protection des données personnelles, un atout pour la France et l'Europe !
RSS CNIL - , 28/09/2012
Car la ressource première de l'économie du numérique ce sont les données produites par des centaines de millions de citoyens et de consommateurs. De ce point de vue l'Europe est une mine, un gisement majeur puisque 10 pays européens figurent au top 20 du Web Index des pays les plus avancés dans leurs usages d'internet. Un gisement de ressources rares, avec un PIB par habitant de l'Union européenne parmi les plus hauts de la planète. Avec 500 millions de consommateurs européens éduqués, disposant des infrastructures et du pouvoir d'achat, l'Europe des données est un eldorado.
Ce constat va au-delà de l'internet. La constitution de larges bases de données de clients n'est en effet pas seulement au cœur du modèle économique des réseaux sociaux mais elle fonde l'innovation et les services de demain. La voiture intelligente, les nouveaux compteurs électriques, la santé en ligne… tous ces services nécessitent de traiter les données des clients et de les analyser finement. Ce n'est pas une démarche nouvelle mais la puissance des nouveaux outils de traitement de l'information, la connexion croissante des objets du quotidien donnent à ce marketing et à ce développement de produits une efficacité sans précédent.
Or le client s'inquiète. Il veut bien être toujours "connecté", mais sous réserve d'avoir confiance. Selon une étude récente de la Pew review (septembre 2012), plus d'un américain sur deux a décidé de désinstaller une application sur son smartphone en apprenant que celle-ci collectait des données personnelles qu'il ne souhaitait pas partager. Les utilisateurs sont demandeurs de garanties, de transparence, de maitrise, sinon ils se détourneront de ces nouveaux usages qui seront très vite identifiés comme conduisant à l'installation de mouchards dans leurs maisons ou leurs voitures, pillant leurs secrets les plus intimes et échappant à leur contrôle. Dès lors, si les industriels veulent construire une croissance durable de leurs marchés, ils ont intérêt à donner des gages au consommateur en termes de protection des données personnelles. Celle-ci, loin d'être une contrainte, voire un handicap comme l'estiment certains, devient un facteur de différenciation concurrentielle, un outil de compétitivité. Nous sommes donc arrivés à un point où la protection des données personnelles, portée par la défense des libertés fondamentales de l'individu, est en train de devenir aussi un argument économique.
Cette conviction doit être partagée au moment où s'engage la révision de la directive de 1995 sur les données personnelles. Nous devons en effet moderniser le cadre juridique européen pour coller aux nouvelles réalités d'internet. Il nous faut être extrêmement vigilants car cet exercice se déroule dans un contexte de forte concurrence entre l'Europe, les Etats-Unis et l'Asie, l'enjeu étant d'élaborer le cadre normatif le plus attractif pour le développement de l'économie numérique et des échanges de données. Le débat parlementaire européen s'est engagé il y a quelques semaines. Il faut insister sur la nécessité absolue de construire un cadre de protection de haut niveau, ne donnant aucune prise au dumping intracommunautaire au profit des Etats les moins exigeants au moment même où nous devons discuter, pied à pied, avec les acteurs mondiaux du numérique. Dans cette discussion en effet, ce haut niveau de protection des données partagé par tous les pays en Europe est un levier considérable. Il protège les consommateurs et les citoyens et sert les entreprises en élevant les exigences à l'entrée du marché européen. Il faut donc favoriser l'harmonisation et la simplification du cadre juridique, notamment en renforçant l'intégration européenne, mais sans fragiliser la protection offerte aux individus.
La protection des données personnelles est entrée dans le débat public aujourd'hui ; elle concerne chacun d'entre nous. Elle fait l'objet d'affrontements stratégiques considérables. La France et l'Europe ont un atout, marqué par leur tradition humaniste mais conforté aujourd'hui par les attentes du marché : le haut niveau de protection qu'elles offrent. Nous devons clairement et sereinement poser celui-ci sur la table.
Tribune d'Isabelle Falque-Pierrotin, Présidente de la CNIL, publiée dans les Echos le 25 septembre 2012.