Conseil d’État, 329168
- wikisource:fr, 11/11/2009
Visas
Vu le pourvoi, enregistré le 24 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présenté pour M. Kaolu A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler l’arrêt du 26 novembre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 16 octobre2007 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 28 juin 2007 du préfet de police lui retirant la carte de séjour portant la mention vie privée et familiale et, d’autre part, à enjoindre au préfet de police de lui délivrer un nouveau titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt à intervenir ;
2°) réglant au fond, de faire droit à ses conclusions d’appel ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 octobre 2009, présentée pour M. A ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; le code de l’entrée et du séjour des étrangers ; le code de justice administrative ;
Motifs
Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « (…) La carte de séjour temporaire peut (…) être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, en infraction avec l’article L. 341-6 du code du travail ; que selon l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ;
Considérant que la sanction prévue à l’article L. 313-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a pour effet, sauf lorsqu’elle n’est pas assortie d’une obligation de quitter le territoire français et s’accompagne de la délivrance d’un autre titre de séjour, de mettre fin au droit au séjour de l’étranger concerné ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales peut être utilement invoqué à l’appui d’un recours dirigé contre une telle sanction ;
Considérant que, pour rejeter l’appel formé par M. A à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 octobre 2007 rejetant sa demande tendant à l’annulation du retrait de titre de séjour prononcé le 28 juin 2007 par le préfet de police, la cour administrative d’appel de Paris s’est notamment fondée sur l’absence de méconnaissance en l’espèce, par le préfet de police, des stipulations de l’article 8 de la convention européenne susvisée ; que M. A, à la suite d’un contrôle de l’atelier de confection qu’il dirigeait, a été condamné, pour travail dissimulé et emploi d’étrangers en situation irrégulière, à une amende de 3 000 euros et à une interdiction pendant trois ans d’exercice de l’activité professionnelle ayant permis la commission de l’infraction ; que s’il pouvait, à ce titre, faire l’objet, sur le fondement de l’article L. 313-5 précité, de la sanction de retrait de la carte de séjour temporaire qui lui avait été délivrée, il ressort toutefois des pièces du dossier que l’intéressé vit en France avec son épouse depuis 1999 et que leurs deux enfants, nés en Chine en 1992 et 1996, sont scolarisés en France ; qu’eu égard à cette situation familiale, ainsi qu’à la durée et aux conditions du séjour de M. A en France, la mesure de retrait de sa carte de séjour a porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à la gravité des faits qui lui étaient reprochés ; que, la cour ayant ainsi méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, M. A est fondé à demander, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;
- Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par M. A à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en estimant que le retrait de titre de séjour formulé par le préfet de police à l’encontre de M. A ne portait pas à ce dernier une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, le tribunal administratif de Paris a méconnu l’article 8 de la convention européenne susvisée ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l’annulation du jugement en date du 16 octobre 2007, ainsi que de la décision du préfet de police en date du 28 juin 2007 lui retirant son titre de séjour vie privée et familiale ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’État le versement à M. A de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;… (Annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 26 novembre 2008, du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 octobre 2007 et de la décision du préfet de police en date du 28 juin 2007 ; condamnation de l’État à verser à M. A. la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.)