C.A.A. Paris - 06PA03647
- wikisource:fr, 19/08/2007
3 avril 2007
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Vu la requête, enregistrée le 20 octobre 2006, présentée pour la Société Altitude Développement, dont le siège social est 11 cours Valmy, Tour Pacific à Paris La Défense cedex (92977) par Me Vève ; la Société Altitude Développement demande au juge des référés de la cour :
- d’annuler l’ordonnance n° 0518578/7 du 26 septembre 2006 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a déclaré sa requête en référé-provision irrecevable car tardive ;
- d’accorder à la Société Altitude Développement, une provision du montant de sa créance soit 647 908,32 euros au titre du paiement de la taxe de constitution de dossier ;
- de condamner l’État à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ; la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil européen du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications ; la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987 ; la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991 ; la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 portant loi de finances pour 1997 ; la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998 ; le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l’ application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; le code des postes et des communication électroniques ; le code de justice administrative ;
Motifs
Sur la régularité de l’ordonnance
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative : « Lorsque la décision lui paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office ; le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu’y fasse obstacle la clôture éventuelle de l’instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué » ;
Considérant qu’à l’appui de la fin de non recevoir qu’elle opposait en défense devant le tribunal administratif à la demande de provision formulée par la Société Altitude Développement venant aux droits de la société Broadnet France, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) qui a succédé à l’ART s’est bornée à exciper de la tardiveté de la réclamation en date du 31 décembre 2003 de la société ; que, pour rejeter comme tardive et par suite irrecevable ladite demande de provision, le juge des référés s’est fondé, non sur une tardiveté de ladite réclamation, qu’il a au contraire jugée recevable, mais sur ce que la lettre du 5 janvier 2005 de l’ARCEP, accusant réception du recours hiérarchique introduit le 22 décembre 2004 par la société contre le refus opposé le 10 mars 2004 par l’ARCEP à la réclamation initiale, avait fait régulièrement courir le délai de recours contentieux qui, selon l’ordonnance attaquée, expirait le 11 mars 2005 et que dès lors tant la demande en annulation des décisions de refus de remboursement des taxes litigieuses, enregistrée le 22 juin 2005 au greffe du tribunal que la demande de provision sur le remboursement de ces taxes, enregistrée le 10 novembre 2005, étaient tardives et par suite irrecevables ; que ce faisant, le juge des référés a soulevé d’office un moyen d’ordre public sans en avoir préalablement avisé les parties, fût-ce à une audience publique, comme l’article R. 611-3 du code de justice administrative lui en faisait obligation ; qu’il en résulte que son ordonnance, rendue à l’issue d’une procédure irrégulière doit être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Société Altitude Développement devant le Tribunal administratif de Paris ;
Sur la recevabilité de la demande de la Société Altitude Développement
Considérant qu’aux termes de dispositions de l’article R. 541-1 : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie » ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 45 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Les demandeurs ou les titulaires d’autorisations relatives à des réseaux et services de télécommunications visés aux articles L. 33-1, L. 33-2 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications sont assujettis au paiement d’une taxe de constitution de dossier, forfaitaire et non remboursable dans les conditions suivantes : A - Réseaux ouverts au public, visés à l’article L. 33-1 du code des postes et télécommunications. 1° Le montant de la taxe est fixé à 50 000 francs pour les réseaux couvrant tout ou partie d’une unité urbaine d’au plus 100 000 habitants, 100 000 francs pour les réseaux couvrant au plus un département, 250 000 francs pour les réseaux couvrant au plus une région, 500 000 francs pour les réseaux couvrant au plus cinq régions, 1 750 000 francs pour les réseaux couvrant plus de cinq régions 4° Lorsque les autorisations sont délivrées à l’issue d’une procédure d’appel à candidatures le montant résultant de l’application du 1° ci-dessus est multiplié par deux. » F .- Fourniture du service téléphonique au public visé à l’article L. 34-1 du code des postes et télécommunications. 1° Le montant de la taxe est fixé à 50 000 francs pour les réseaux couvrant tout ou partie d’une unité urbaine d’au plus 100 000 habitants, 100 000 francs pour les réseaux couvrant au plus un département, 250 000 francs pour les réseaux couvrant au plus une région, 500 000 francs pour les réseaux couvrant au plus cinq régions, 750 000 francs pour les réseaux couvrant plus de cinq régions » ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 772-1 du code de justice administrative : « Les requêtes en matière d’impôts directs et de taxe sur le chiffre d’affaires ou de taxes assimilées dont l’assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales. Les requêtes relatives aux taxes dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative et autres que celles qui sont mentionnées à l’alinéa 1 sont, sauf disposition spéciale contraire, présentées et instruites dans les formes prévues par le présent code » ; qu’aux termes de l’article R. 772-2 dudit code : « Les requêtes mentionnées au deuxième alinéa de l’article précédent doivent être précédées d’une réclamation adressée à la personne morale qui a établi la taxe. Lorsqu’ aucun texte spécial ne définit le délai propre à cette contestation, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l’année qui suit celle de la réception par le contribuable du titre d’imposition ou d’un extrait de ce titre » ; qu’aux termes de l’article 45 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 dans sa rédaction applicable à l’espèce : « VI- Le recouvrement et le contentieux des taxes visées au présent article sont suivis par les comptables du trésor selon les modalités fixées aux articles 80 à 95 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique » ; que l’article 7 du décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique dispose que : « avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit, dans les délais fixés à l’article 8 adresser sa réclamation appuyée de toutes justifications au comptable qui a pris en charge l’ordre de recette. » ; que l’article 8 du même décret prévoit que : « La réclamation doit être déposée : 1°) En cas d’opposition à l’exécution d’un titre de perception dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre et à défaut du premier acte de poursuite qui en procède. L’autorité compétente délivre reçu de la réclamation et statue dans un délai de six mois. A défaut d’une décision notifiée dans ce délai, la réclamation est considérée comme rejetée ; 2°) En cas d’opposition à poursuites, dans les deux mois qui suivent la notification de l’acte poursuivi dont la régularité est contestée. L’autorité compétente délivre reçu de la réclamation et statue dans un délai de deux mois. A défaut d’une décision notifiée dans ce délai, la réclamation est considérée comme rejetée » ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » ; qu’aux termes de l’article R. 421-3 du même code : « Toutefois l’intéressé n’est forclos qu’après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d’une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux » ; qu’aux termes de l’article R. 421-5 du même code : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. » ; qu’enfin il résulte des dispositions de l’article 1er du décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 pris pour l’application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l’accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives, que l’accusé de réception que doit adresser l’administration à l’auteur d’une demande, comporte obligatoirement certaines mentions, à savoir la date de la réception de cette demande et la date à laquelle à défaut d’une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée, ainsi que les délais et voies de recours à l’encontre de la décision ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’absence de la mention, tant sur l’ordre de paiement émis par une autorité administrative en vue du recouvrement d’une taxe que sur la décision rejetant la demande de décharge des sommes versées au titre de cette taxe, des voies et délais de recours fait obstacle à ce que les délais fixés par l’article 8 du décret du 29 décembre 1992, d’une part, et l’article R. 421-1 du code de justice administrative, d’autre part, soient opposables au requérant ; qu’il résulte de l’instruction que l’ordre de paiement émis le 25 janvier 2001, par l’autorité de régulation à l’encontre de la société Altitude développement pour un montant de 647 908,32 euros, au titre de la taxe de constitution de dossier, ne mentionnait pas les voies et délais de recours et que par conséquent le délai de deux mois prévu par l’article 8 du décret du 29 septembre 1992 n’était pas opposable à ladite société ; que la requérante a pu dès lors déposer valablement, le 31 décembre 2003, auprès de l’autorité de régulation sa réclamation en vue d’obtenir le remboursement de la somme susmentionnée ; que la décision de rejet de cette réclamation en date du 10 mars 2004, ne comportait pas non plus la mention des voies et délais de recours ; qu’en admettant même qu’elle ait comporté toutes les mentions prescrites par le décret susmentionné du 6 juin 2001, la lettre du 5 janvier 2005, notifiée le 10 janvier 2005 à Me Vève, avocat de la société requérante, par laquelle l’administration défenderesse a accusé réception du recours gracieux formé, le 22 décembre 2004, par la Société Altitude Développement, contre la décision du 10 mars 2004 précitée, n’a pu faire naître qu’une décision implicite de rejet ; que, par suite, la requête enregistrée le 23 juin 2005 de ladite société, tendant à l’annulation des décisions litigieuses et au remboursement des sommes dont elle s’est acquittée, n’était pas tardive ni par conséquent la demande de provision enregistrée le 10 novembre 2005 ; que dès lors ladite demande était recevable ;
Sur le bien-fondé de la demande de provision
Considérant que pour demander la condamnation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à lui verser une provision, la Société Altitude Développement soutient que la taxe de constitution de dossier, eu égard aux montants des forfaits fixés par l’article 22 de la loi de finances du 30 décembre 1997 modifiant l’article 45 de la loi de finances pour 1987, n’est pas proportionnelle au volume de travail administratif requis pour la délivrance des autorisations et méconnaît ainsi les dispositions de l’article 11 de la directive du 10 avril 1997 du Parlement Européen et du Conseil ;
Considérant, qu’aux termes de l’article 11 de la directive 97/13/CE du Parlement Européen et du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisation générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications : « 1- Les États membres veillent à ce que les taxes imposées aux entreprises au titre des procédures d’autorisation aient uniquement pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à l’application des licences individuelles applicables. Les taxes applicables à une licence individuelle sont proportionnelles au volume de travail requis » ; que l’article 22 de la loi de finances du 30 décembre 1997 pour 1998 a modifié l’organisation des forfaits de la taxe de constitution de dossier fixés par l’article 36 de la loi de finances du 30 septembre 1996 en portant, d’une part, à 3 500 000 francs ( 533 571,56 euros) celui applicable aux réseaux visés à l’article L. 33-1 du code des postes et télécommunications couvrant plus de cinq régions lorsque l’autorisation est délivrée à l’issue d’une procédure d’appel à candidature, d’autre part, à 750 000 francs celui applicable aux opérateurs fournissant un service téléphonique au public visé à l’article L. 34-1 du code des postes et télécommunications couvrant plus de cinq régions ; que la société requérante soutient que l’autorité de régulation ne donne aucun élément chiffré ni la méthode de calcul d’une taxe qui devait au minimum se baser sur des critères objectifs de coût, tels que la durée de l’instruction de la demande d’autorisation et le coût horaire des agents ; que les éléments apportés en défense par l’autorité de régulation ne sont pas de nature à établir que la taxe litigieuse satisferait à l’exigence de proportionnalité instituée par l’article 11 précité ; qu''il ne ressort pas des pièces du dossier que le produit de la taxe de constitution de dossier susmentionné ait été calculé de telle sorte qu’il n’y ait pas un écart manifestement excessif entre le produit de la taxe de constitution de dossier et le travail requis pour la délivrance des autorisations ; que dans ces conditions, la loi du 30 décembre 1997 en augmentant les forfaits de la taxe de constitution de dossier a méconnu les objectifs de proportionnalité fixés par l’article 11 de la directive du 10 avril 1997’ ; que, par suite, l’ordre de paiement émis le 25 janvier 2001, par l’Autorité de régulation à l’encontre de la requérante, ainsi que la décision du 10 mars 2004 rejetant la réclamation de la société et la décision implicite de rejet de son recours gracieux manquent de base légale ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que dans son principe ’la créance dont se prévaut la Société Altitude Développement, à raison de l’illégalité des décisions précitées, n’est pas sérieusement contestable’ ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’ARCEP à verser à la requérante une provision d’un montant limité à 600 000 euros, pour tenir compte des frais que l’ARCEP a nécessairement engagés pour délivrer des autorisations à la société ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant, d’une part, que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à verser à la Société Altitude Développement une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant, d’autre part, que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes présentées sur le fondement des dispositions précitées ;
D E C I D E
Article 1er : L’ordonnance en date du 26 septembre 2006 du juge des référés du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est condamnée à verser à la Société Altitude Développement une provision de 600 000 euros.
Article 3 : L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes versera à la Société Altitude Développement une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la Société Altitude Développement est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.