Conseil d’État, 335784
- wikisource:fr, 2/08/2010
30 juillet 2010
Visas
Vu le pourvoi, enregistré le 21 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présenté pour M. Philippe A demeurant… ; M. A demande au Conseil d’État :
1°) d’annuler l’ordonnance en date du 23 décembre 2009 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à la suspension de la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 ;
2°) statuant en référé, d’ordonner la suspension du recouvrement des impositions supplémentaires en litige ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 4 000 euros, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Motifs
- Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumises au juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux qu’à la suite du rejet, par une ordonnance, prise en application des dispositions de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, du président du tribunal administratif de Limoges en date du 25 mai 2009, de sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003, M. A a présenté, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, une requête tendant à la suspension de l’avis de mise en recouvrement du 21 juillet 2009 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 23 décembre 2009 par laquelle le juge des référés a, statuant en application des dispositions de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, rejeté sa requête ;
Considérant qu’en l’absence de mention de la date de distribution d’un courrier recommandé avec accusé de réception, celle-ci doit être regardée comme indiquée par la date figurant sur le cachet de la poste apposé sur l’avis de réception lors de la remise du pli au destinataire au bureau de poste ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que l’avis de réception du pli recommandé portant notification du rejet par le directeur des services fiscaux le 25 avril 2008 de la réclamation de M. A comporte la seule mention manuscrite de la date de présentation de ce pli, le 30 avril suivant, que la date figurant sur le cachet de la poste est celle du 14 mai 2008 et que M. A a signé l’accusé de réception ; que le juge des référés a, dès lors, dénaturé les éléments qui lui étaient soumis en retenant que le pli recommandé avait été notifié au requérant le 30 avril 2008, date de sa présentation, et en en déduisant la tardiveté de la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Limoges le 15 juillet 2008, alors que, par application des dispositions de l’article R. 199-1 du livre des procédures fiscales et de l’article 642 du code de procédure civile, le délai ouvert pour demander au tribunal administratif la décharge des impositions en litige expirait le 14 juillet, jour férié, et devait être prorogé jusqu’au 15 juillet 2008 ; que, dès lors, M. A est fondé, pour ce motif, à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant qu’il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire, au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que le contribuable, qui a saisi le juge de l’impôt de conclusions tendant à la décharge d’une imposition à laquelle il a été assujetti, est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l’imposition, dès lors que celle-ci est exigible ; que le prononcé de cette suspension est subordonné à la condition, d’une part, qu’il soit fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d’imposition ou sur le bien-fondé de l’imposition et, d’autre part, que l’urgence justifie la mesure de suspension sollicitée ; que, pour vérifier si la condition d’urgence est satisfaite, le juge des référés doit apprécier la gravité des conséquences que pourrait entraîner, à brève échéance, l’obligation de payer sans délai l’imposition ou les mesures mises en œuvre ou susceptibles de l’être pour son recouvrement, en tenant compte de la capacité du contribuable à acquitter les sommes qui lui sont demandées ; qu’en se bornant à alléguer qu’il ne disposerait d’autre bien que sa résidence principale et que le montant des impositions qui lui sont réclamées le contraindrait à la vendre, M. A n’apporte aucun élément permettant d’établir les conséquences graves qui résulteraient pour lui du paiement des impositions contestées, alors même que leur montant s’élèverait à 328 065 euros ; que, par suite, la condition d’urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu’ainsi, la requête présentée par M. A ne peut qu’être rejetée ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’État, qui n’est pas dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 23 décembre 2009 est annulée.
Article 2 : La requête de M. A et ses conclusions présentées devant le Conseil d’État sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.