Cour de cassation - 06-14.842
- wikisource:fr, 15/07/2007
30 mai 2007
Visas
Demandeur(s) à la cassation : société Paris Première SA
Défendeur(s) à la cassation : société nationale de télévision France 3 SA
Motifs
- Sur le moyen unique
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 février 2006), que la société Paris Première est titulaire depuis 1995 d’une marque semi-figurative composée de la dénomination "Paris Première", inscrite sur un fond rectangulaire dans un bandeau noir surmonté d’un bandeau orangé, enregistrée sous le n° 95.592.241, afin de désigner notamment les services de diffusion d’émissions de télévision, de production d’émissions audiovisuelles destinées à la télédiffusion ou à la cinématographie, de production d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, d’exploitation de chaînes ou de programmes de télévision par câble et voie hertzienne ; qu’elle a agi, en 2202, en contrefaçon de cette marque à l’encontre de la société France 3, qui, pendant une certaine période à partir de 1998, a utilisé les dénominations "Bordeaux Première", "Limoges Première", "Basse Normandie Première", "Haute Normandie Première", "Picardie Première" et "Poitou Charente Première" pour désigner des émissions audiovisuelles ;
Attendu que la société Paris Première fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté son action, alors, selon le moyen :
- que le caractère distinctif particulier acquis par la marque grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public est un facteur parmi d’autres qui peut contribuer à créer un risque de confusion ; que le juge qui est saisi d’une action en contrefaçon doit statuer sur les actes de contrefaçon commis jusqu’au jour où il statue ; qu’il doit donc apprécier si la marque antérieure dispose d’un caractère distinctif particulier à raison de la notoriété qu’elle a pu acquérir, non seulement au moment où l’usage du signe incriminé a commencé, mais également, si celui-ci continue, au jour où il statue ; qu’en l’espèce, ayant constaté, non pas l’absence de toute similitude entre les signes en présence alors qu’ils ont en commun le terme Première associé dans le même ordre à une indication géographique, mais leur faible similitude à raison des différences qu’elle a par ailleurs relevées entre eux, la cour d’appel, qui a dénié toute portée dans l’appréciation du risque de confusion au moyen de la société Paris Première tiré de la notoriété acquise par sa marque parce qu’elle ne justifierait pas de celle-ci en 1998, date à laquelle ont été lancées les émissions de France 3 sous les dénominations contestées, et a refusé d’apprécier et de prendre en compte dans son appréciation du risque de confusion la notoriété ultérieurement acquise par la marque, a violé l’article L. 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il doit s’interpréter à la lumière de la directive 89/104/CE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
- que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts, un faible degré de similitude entre les signes pouvant être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts ; qu’en l’espèce, ayant constaté, d’un côté, l’identité des services en cause et, de l’autre, non pas l’absence de toute similitude entre les signes en présence qui ont en commun le terme Première associé à une indication géographique, mais leur faible similitude à raison des différences qu’elle a relevées par ailleurs entre eux, la cour d’appel ne pouvait en déduire que tout risque de confusion était exclu sans rechercher si la faible similitude qu’elle croyait pouvoir ainsi constater entre les signes n’était pas compensée par l’identité des services ; qu’à défaut de s’être interrogée à cet égard, la cour d’appel, qui ne s’est pas livrée à une appréciation interdépendante des facteurs en présence, a méconnu le principe d’appréciation globale du risque de confusion, en violation de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il doit d’interpréter à la lumière de la directive 89/104/CE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques es marques
Mais attendu, d’une part, que pour déterminer l’étendue de la protection d’une marque en fonction de son pouvoir distinctif, la cour d’appel a exactement pris en considération la perception du public concerné au moment où le signe, dont il était prétendu qu’il porterait atteinte à cette marque, a commencé à faire l’objet d’une utilisation ;
Et attendu, d’autre part, qu’en excluant tout risque de confusion dans l’esprit d’un téléspectateur d’attention moyenne qui ne saurait être amené à penser que les émissions d’information régionale diffusées par France 3 puissent émaner de la chaîne exploitée par la société Paris Première, la cour d’appel a procédé à l’examen prétendument omis ;
D’où il suit que le moyen manque en fait en sa seconde branche, et n’est pas fondé en sa première branche ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Tricot
Rapporteur : M. Sémériva, conseiller référendaire
Avocat général : M. Main
Avocat(s) : la SCP Thomas-Raquin, la SCP Piwnica et Molinié