Conseil d’État, 342530
- wikisource:fr, 21/09/2010
17 septembre 2010
Sommaire |
Visas
Vu 1°/, sous le n° 342530, la requête, enregistrée le 17 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour la Fédération française de rugby, dont le siège est 3-5 rue Jean Montaigu à Marcoussis (91460) ; la Fédération française de rugby demande au Conseil d’État :
- d’annuler l’ordonnance du 12 août 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’une part, a ordonné la suspension de l’exécution de la décision du 11 mai 2010 par laquelle la commission d’appel de la Fédération française de rugby a confirmé la rétrogradation de l’équipe première du Lille Métropole Rugby MRC en championnat de France de 2ème division fédérale à l’issue de la saison 2009-2010, d’autre part, lui a enjoint, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l’ordonnance et sous astreinte de 7 500 euros par jours de retard, de qualifier l’équipe première de l’Association Lille Métropole Rugby pour le championnat de France de Fédérale 1, saison 2010-2011, dans l’attente de l’intervention de la décision du tribunal administratif de Lille statuant sur le fond du litige ;
- de mettre à la charge de l’association Lille Métropole Rugby le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°/, sous le n° 342705, la requête, enregistrée le 24 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour la Fédération française de rugby, dont le siège est au 3-5, rue Jean Montaigu à Marcoussis (91460) ; la Fédération française de rugby demande au Conseil d’État :
- d’ordonner le sursis à exécution de l’ordonnance du 12 août 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a, d’une part, ordonné la suspension de l’exécution de la décision du 11 mai 2010 par laquelle la commission d’appel de la Fédération française de rugby a confirmé la rétrogradation de l’équipe première du Lille Métropole Rugby MRC en championnat de France de 2ème division fédérale à l’issue de la saison 2009-2010, et a, d’autre part, enjoint à la Fédération française de rugby, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 7 500 euros par jours de retard, de qualifier l’équipe première de l’Association Lille Métropole Rugby pour le championnat de France de Fédérale 1, saison 2010-2011, dans l’attente de l’intervention de la décision du tribunal administratif de Lille statuant sur le fond du litige ;
- de mettre à la charge de l’Association Lille Métropole Rugby le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du sport ;
Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 ;
Vu les statuts particuliers de la Fédération française de rugby, notamment son annexe VIII et l’annexe 1 de cette dernière ;
Vu le code de justice administrative ;
Motifs
Considérant que le pourvoi enregistré sous le n° 342530 et la requête à fin de sursis à exécution enregistrée sous le n° 342705, introduits par la Fédération française de rugby, sont dirigés contre la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le pourvoi n° 342530 :
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant, en premier lieu, que pour prononcer la suspension de l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a estimé qu’il ressortait des pièces du dossier et des explications fournies à l’audience qu’eu égard à l’importance et aux effets, pour l’association requérante, de la sanction de rétrogradation en Fédérale 2 de son équipe première, la condition d’urgence devait être regardée comme remplie ; qu’en statuant ainsi après avoir relevé dans les visas de son ordonnance que l’association précisait que cette décision lui causerait un préjudice sportif et économique grave et immédiat, les contrats de partenariat et les subventions dont elle bénéficie étant subordonnés à la participation de son équipe première en Fédérale 1, le juge des référés a suffisamment motivé son ordonnance sur la situation d’urgence ; qu’il ressort en outre des pièces du dossier qu’il a apprécié l’urgence objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, la suspension étant intervenue avant le début du championnat et n’ayant pas d’autre conséquence que l’intégration d’une équipe supplémentaire en Fédérale 1 ; qu’ainsi, le juge des référés du tribunal administratif n’a pas entaché son ordonnance sur ce point d’une erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que, pour faire droit à la demande de l’association Lille Métropole Rugby tendant à la suspension de cette sanction de rétrogradation, prononcée le 11 mai 2010 par la commission d’appel de la Fédération française de rugby, confirmant une précédente décision du conseil supérieur de la direction nationale d’aide et de contrôle de gestion (DNACG) de cette fédération, le juge des référés du tribunal administratif de Lille s’est fondé sur un premier moyen relevé d’office et tiré de ce que la DNACG ne serait pas compétente pour assurer le contrôle des clubs amateurs était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction ; qu’aux termes de l’article L. 131-1 du code du sport : « Les fédérations sportives ont pour objet l’organisation de la pratique d’une ou de plusieurs disciplines sportives (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 132-2 du même code : « Chaque fédération disposant d’une ligue professionnelle crée un organisme assurant le contrôle juridique et financier des associations et sociétés sportives » ; qu’il en résulte que toutes les fédérations disposant d’une ligue professionnelle sont tenues de se doter d’un tel organisme de contrôle ; que toutefois ni cet article, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’interdit aux fédérations délégataires, dont la mission est d’assurer la régularité de toutes les compétitions sportives qu’elles organisent, de prévoir que cet organisme peut aussi avoir, à cette fin, compétence pour contrôler la gestion administrative, financière et juridique des clubs amateurs participant à ces compétitions, en particulier de ceux qui, évoluant au plus haut niveau amateur, sont susceptibles de devenir des clubs professionnels ; que, dès lors, le juge des référés a, sur ce premier motif de suspension, entaché son ordonnance d’une erreur de droit ;
Considérant, toutefois, que, pour prononcer la suspension litigieuse, le juge des référés s’est aussi fondé sur ce que le motif, également déterminant, tiré de ce que le moyen pris de la disproportion manifeste de la sanction de rétrogradation au regard des infractions financières commises par l’association était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cette sanction ; que, s’il a relevé que les dirigeants de l’association Lille métropole rugby n’avaient pas respecté les engagements pris antérieurement devant la DNACG et la fédération et avaient méconnu les ratios comptables et financiers prévus par l’article 5 du règlement particulier de la DNACG, il a estimé que la Fédération française de rugby n’apportait aucune explication justifiant le quantum de la sanction retenue au regard des risques que pouvait comporter la situation financière de l’association pour le bon déroulement du championnat de France de Fédérale 1 ; qu’en jugeant ainsi, le juge des référés s’est livré à une appréciation souveraine des circonstances de l’espèce qui n’est pas susceptible, en l’absence de dénaturation, d’être discutée devant le juge de cassation ; que ce second motif suffit à justifier l’ordonnance de suspension ;
Considérant, enfin, que le juge des référés ne peut prononcer d’injonction que si la mesure exigée présente un caractère provisoire et n’a pas d’effets en tout point identiques à ce qui aurait résulté de l’exécution par l’autorité administrative d’un jugement prononçant une annulation contentieuse ; qu’en enjoignant la qualification de l’équipe première de l’association Lille métropole rugby pour le championnat de France de Fédérale 1 pour la saison 2010/2011 à titre provisoire, c’est-à-dire, le cas échéant, en surnombre et sous réserve d’une nouvelle décision prise par la fédération après réexamen de la situation du club, le juge des référés du tribunal administratif de Lille n’a pas excédé son office ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la Fédération française de rugby n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Sur la requête n° 342705 :
Considérant que, dès lors qu’il est statué sur le pourvoi de la Fédération française de rugby, ses conclusions tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’ordonnance du tribunal administratif de Lille sont devenues sans objet ; qu’il n’y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’association Lille métropole rugby, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à la Fédération française de rugby des sommes demandées à ce titre ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Fédération française de rugby le versement à cette association de la somme de 3 000 euros sur ce fondement ;
DÉCIDE
Article 1er : Le pourvoi de la Fédération française de rugby est rejeté.
Article 2 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête de la Fédération française de rugby tendant au sursis à exécution de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 12 août 2010.
Article 3 : La Fédération française de rugby versera à l’association Lille métropole rugby la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de rugby, à l’association Lille métropole rugby et au ministre de la santé et des sports.