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Soyez le juge aux affaires familiales (1)

Journal d'un avocat - Eolas, 8/03/2012

Proposé par Asor, magistrat exerçant les fonctions de juge aux affaires familiales.


La justice familiale fait peu parler d’elle dans les médias et s’efface bien souvent, elle aussi, devant la justice pénale, qui semble être la seule à rapporter des voix aux élections passionner l’opinion publique. Pourtant, le juge aux affaires familiales (l’ancien juge aux affaires matrimoniales) est celui dans le bureau duquel vous avez le plus de chances de vous retrouver au cours de votre vie.

Le JAF est un juge du tribunal de grande instance, dont les attributions, très larges, sont fixées par l’article L. 213-3 du code de l’organisation judiciaire. Pour faire simple, disons que ce juge est notamment compétent pour toutes les procédures de divorce, mais également pour tous les contentieux relatifs à la famille dans des couples non mariés ou déjà divorcés, qu’il s’agisse des personnes (autorité parentale, résidence de l’enfant, droits de visite et d’hébergement de l’autre parent, pension alimentaire…) ou du patrimoine (homologation des changements de régime matrimonial, liquidation de régime matrimonial, indivisions entre concubins ou partenaires liés par un PACS…). C’est aussi le JAF qui juge les dossiers de changement de prénom ou de droits de visite et d’hébergement des tiers (surtout les grands-parents).

Souvent, le JAF siège également à la chambre de la famille, qui connaît par exemple des demandes d’adoptions, des délégations d’autorité parentale ou de toutes les actions relatives à la filiation (contestation de paternité, etc.). Depuis peu, le JAF est également le juge des tutelles des mineurs et le juge qui délivre (ou pas) en urgence les ordonnances de protection pour une personne en danger vraisemblablement victime de violences conjugales. Enfin, il est juge des référés dans certaines des matières pour lesquelles il est compétent au fond.

Il faut bien distinguer le juge aux affaires familiales du juge des enfants. Le premier intervient pour tous les enfants, à l’occasion d’un désaccord des parents (qui va exercer les droits de l’autorité parentale ? où va vivre l’enfant ? à quelle fréquence l’autre parent va-t-il le voir ? à combien d’euros sera fixée la pension alimentaire?). Mais heureusement, le désaccord parental ne va que rarement de paire avec un danger pour l’enfant. Le juge des enfants, quant à lui, est saisi en assistance éducative lorsqu’il existe un danger pour l’enfant, et ce même à supposer que les deux parents soient en totale symbiose sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Sauf exceptions, donc, la particularité du JAF est de ne voir les dossiers (et donc les justiciables) qu’une seule fois, contrairement aux procédures d’assistance éducative qui sont traitées sur le moyen ou le long terme par le juge des enfants avec des audiences régulières. Les armes du JAF sont également plus restreintes que celles du juge des enfants : ici, pas de mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), de mesure d’investigation et d’orientation éducative (IOE) ni de placement. Tout au plus le JAF peut-il ordonner une mesure d’enquête sociale et/ou un examen médico-psychologique de la famille « avant dire droit », c’est-à-dire avant de prendre une décision durable[1]. Si en revanche il estime, au détour d’un dossier, qu’il existe un danger pour un enfant, il en informe alors le procureur de la République, afin que celui-ci décide, le cas échéant, de saisir le juge des enfants. On dit parfois que ce que le JAF voit de pire est ce que le juge des enfants voit de meilleur.

L’enquête sociale est définie par l’article 373-2-12 du code civil, elle a pour but de recueillir des renseignements sur la situation de la famille et les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants. L’expertise médico-psychologique permet quant à elle d’évaluer les aspects de personnalité, le fonctionnement psychique des membres d’une famille et la dynamique familiale.

Last but not least, l’étoile polaire du JAF est l’intérêt de l’enfant. La formule est un peu vague mais aide à comprendre que ce qui compte n’est pas l’intérêt d’un parent, mais celui de son enfant.

Voici donc trois cas pratiques qui reflètent chacun un aspect du quotidien d’un juge aux affaires familiales. Les trois dossiers ont été inventés. Il est donc inutile de s’y reconnaître ou de penser qu’il s’agit de la situation des voisins du dessus ou de tante Jeanine. Les ressemblances ne sont dues qu’au fait que, par delà la singularité de chaque famille, se retrouvent souvent des situations, des problématiques, des argumentations et des attentes semblables. Il va donc de soi que les prénoms n’ont même pas eu à être modifiés et font simplement partie de la fiction.

Mais avant tout, quelques éléments de contexte. Dans le premier cas pratique, le juge statue seul, en audience de cabinet, c’est-à-dire dans son bureau, porte close, où ne sont admis que les intéressés et leurs avocats, s’ils en ont. Il tient généralement l’audience sans robe, bien que certains magistrats pratiquent différemment. La procédure est dite « orale », c’est-à-dire qu’il n’existe pas nécessairement d’échanges de conclusions écrites avant l’audience, et qu’en tout cas, ce qui compte est ce qui sera dit oralement à l’audience.

Nous sommes donc en mars 2012, vous êtes assis à votre bureau, une affiche pour une expo de Modigliani en 1996 sur le mur à votre droite, les quatre chaises sont en arc de cercle devant vous (une par parent et une par avocat éventuel), votre greffe est assis à un autre bureau juste à côté du vôtre et prendra des notes d’audience : son rôle sera d’authentifier ce qui a été dit et les demandes de chacune des parties. C’est un rôle d’autant plus fondamental que la procédure est orale[2].

Il est 09h00 ce lundi matin, l’audience comporte 19 dossiers différents, c’est beaucoup trop pour pouvoir consacrer le temps nécessaire à chaque affaire[3]. Si 15 dossiers sont retenus (imaginons qu’il y ait 4 renvois), cela fait environ 15 minutes d’audience par dossier seulement, pour entendre chaque partie, chaque avocat, poser toutes les questions qu’on a à poser, et répondre aux interrogations des parents. Sans pause pour le juge, qui enchaîne les dossiers et les situations familiales différentes en essayant de rester concentré. C’est sportif. Surtout qu’il n’y a pas toujours 4 renvois.

Il est déjà 09h05, vite, on a pris du retard. Le couloir devant votre bureau est noir de monde, vous rangez un peu votre bureau pendant que votre greffière sort faire l’appel des dossiers.

Païkan et Éléa

Le premier dossier est celui de Païkan et Eléa. Ils entrent tous les deux dans votre cabinet, chacun précédé de son avocat. Ils sont jeunes et ont la mine anxieuse de ceux qui passent pour la première fois devant le JAF et ne savent pas exactement ce qui les attend[4]. C’est Païkan qui a déposé la requête qui vous saisit. Il est donc demandeur. Son avocat choisit de prendre la parole tout de suite. Vous êtes encore dans le brouillard et vous le laissez faire[5].

L’exposé de l’avocat du père

Il dépeint rapidement la situation du couple. Païkan et Eléa ont tous les deux 32 ans. Ils se sont rencontrés à l’été 2004 et ont très vite emménagé ensemble. Deux enfants sont nés. Léo a aujourd’hui quatre ans et demi ; Léa, elle, n’est âgée que de deux ans et huit mois. Le couple est séparé depuis le mois de juin 2011, suite à une mésentente persistante des parents.

Au moment de la séparation, ils ont d’abord décidé qu’ils allaient se débrouiller sans juge et régler les problèmes liés aux enfants entre eux. Après tout ils se séparaient car ils ne s’aimaient plus, mais ils s’entendraient encore suffisamment dans l’intérêt des enfants[6]. L’avocat explique que, d’un commun accord, ils se sont partagés les vacances d’été 2011 par quinzaines, comme on fait souvent lorsque les enfants sont petits, surtout pour Léa, qui n’avait que deux ans fin-juin : les quinze premiers jours de juillet et d’août chez papa, le reste chez maman. Tout s’est très bien passé, comme en attestent les amis et les voisins qui ont vu le père et ses enfants heureux en vacances sur le bassin d’Arcachon.

L’avocat poursuit en expliquant qu’à compter de la rentrée scolaire de Léo, début-septembre, les parents ont mis en place pour les deux enfants une résidence alternée, mais qu’elle n’a duré que jusqu’à mi-octobre, date à laquelle la maman a décidé unilatéralement de garder les deux enfants chez elle. La directrice de la crèche de Léa atteste qu’en septembre, une semaine sur deux, c’est le père qui venait l’accompagner et sa nouvelle concubine qui venait la rechercher. Depuis la mi-octobre, Païkan ne voit ses enfants qu’au gré de la bonne volonté de son ex, un ou deux week-ends par mois, et encore. C’est précisément pour ça qu’il a déposé une requête devant le JAF à ce moment là.

Il dit qu’il ne comprend pas ce revirement inattendu dans l’attitude de la mère, que la résidence alternée se passait très bien et que les deux enfants étaient heureux chez lui. La mère ne veut pas laisser sa place au père et a du mal à se séparer des enfants, elle fait tout désormais pour faire obstruction aux droits du père. Il produit des attestations de toute sa famille, de quelques amis et de collègues, qui disent l’avoir déjà vu en compagnie de Léo et de Léa et qui certifient que c’est un bon père de famille. Un médecin généraliste atteste quant à lui qu’il a vu le père venir consulter deux fois pour ses deux enfants, le samedi 17 septembre et le mardi 11 octobre 2011.

Païkan demande donc la mise en place d’une résidence alternée. Techniquement, ce mode de garde est tout à fait réalisable car il habite à 25 minutes à peine en voiture de l’ancien domicile du couple, où Eléa est restée vivre après la séparation, et à côté duquel se trouve l’école et la crèche des enfants. Il justifie qu’il peut s’arranger avec son employeur pour aménager ses horaires de travail pour pouvoir accompagner Léo à l’école tous les jours et venir le rechercher le soir car c’est sur le chemin de son travail. Quant à Léa, il explique qu’elle est en crèche et qu’il pourra aussi l’accompagner et venir la rechercher, ou qu’à défaut, sa nouvelle concubine pourra le faire car elle passe bientôt son permis de conduire.

L’avocat du père concède que le nouveau logement de son client est modeste puisqu’il s’agit d’un trois pièces de 39 mètres carrés mais il y a quand même une chambre pour le couple et une pour les deux enfants, dans laquelle ils ont très bien vécu en résidence alternée en septembre et octobre. Il produit quelques photos sombres d’une chambre avec un lit superposé et un lit bébé en dessous, et des jouets d’enfant. On ne voit pas grand chose. Il dit qu’il cherche un logement plus grand dans le même secteur.

Enfin, il conteste que la résidence alternée soit mauvaise pour un enfant en bas âge. Il dit que les spécialistes ne sont pas unanimes du tout, que le législateur lui non plus n’a pas pris position car il n’a pas fixé d’âge minimal, et que ce qui compte c’est l’intérêt des enfants de ce couple là et non pas de grands principes absolus, et qu’en l’espèce, de septembre à mi-octobre, Léo et Léa allaient parfaitement bien en résidence alternée, alors qu’il les trouve tristes depuis qu’ils vivent chez leur mère et que Léo, notamment, pleure à chaque fois qu’il doit quitter son père pour retourner chez sa mère le dimanche soir.

À la fin de sa plaidoirie, l’avocat expose que son client est ingénieur en informatique, il travaille dans la même société depuis huit ans, il a un revenu de 3.200 € par mois. Il vit avec sa nouvelle concubine depuis août 2011, elle travaille dans la même entreprise mais à mi-temps seulement et perçoit un salaire de 1.450 € par mois. Ils paient ensemble un loyer de 900 € et Païkan rembourse un crédit auto de 350 € par mois, outre des mensualités de crédits à la consommation pour 290 € par mois pendant encore un an. Il propose que les frais scolaires et extrascolaires des enfants soient pris en charge par les deux parents à parts égales.

Subsidiairement[7], il sollicite de voir ses enfants tous les week-ends, du vendredi à la sortie des classes au lundi matin à la rentrée des classes, et offre de payer une pension alimentaire de 400 € par mois (200 € par enfant).

L’exposé de l’avocat de la mère

L’avocat de la mère commence son propos en se disant très étonné de ce qu’il vient d’entendre de l’autre côté de la barre[8]. Il tient à replacer les faits dans leur contexte. Il expose que le couple s’est séparé suite à différents épisodes de violences du père sur la mère, qui ont débuté lorsque sa cliente était enceinte de Léa, puis que l’ambiance dans le couple s’est dégradée jusqu’à la séparation. D’ailleurs, Païkan a fait l’objet d’une médiation pénale[9] en avril 2010 suite à de graves violences commises sur la mère de ses enfants.

Lorsque le couple s’est séparé en juin 2011, Eléa était très affaiblie psychologiquement et a accepté les conditions de Païkan, c’est-à-dire le partage des vacances d’été par quinzaines. Mais les difficultés ont tout de suite commencé car le père ne la laissait pas parler à ses enfants au téléphone et refusait de lui donner des nouvelles lorsqu’ils étaient chez lui, et ce alors que Léa a été malade pendant une semaine début-août, ce qu’elle n’a su qu’après le 17 août, quand le père lui a rendu l’enfant, avec deux jours de retard d’ailleurs.

Elle conteste qu’il y ait eu une résidence alternée en septembre-octobre et dit que les enfants vivaient chez elle au quotidien mais que leur père usait d’un large droit de visite et d’hébergement, ce qui le conduisait à héberger les enfants parfois trois ou quatre jours dans la semaine. Elle conteste aussi qu’il y ait eu un accord entre les parents et dit simplement qu’elle ne voulait pas braquer son ex, et qu’elle le laissait donc faire un peu comme il voulait. Elle produit une attestation de la directrice de l’école du 20 janvier 2012 qui indique qu’elle la voit régulièrement accompagner et rechercher Léo, qui ne présente aucune difficulté particulière à l’école, est éveillé et semble très épanoui.

Elle précise qu’à la mi-octobre, elle a récupéré Léa en pleurs un dimanche soir au retour de chez son père et que l’enfant avait 38°C de fièvre, sans que le père ne l’ait accompagnée chez le médecin. Elle ajoute que, vu que les droits de visite et d’hébergement du père n’étaient pas fixés, les enfants n’avaient pas de cadre et n’arrivaient pas à comprendre quand ils seraient chez leur père ou chez leur mère. C’est pour ça qu’elle a décidé de garder les deux enfants et qu’elle a déposé une main courante au commissariat.

Elle dit qu’elle ne souhaite pas priver les enfants de leur père et reconnaît leur attachement à celui-ci ainsi que ses qualités éducatives et pédagogiques, simplement elle a eu peur qu’en lui confiant les enfants pour un week-end, il les garde chez lui et ne les lui rende plus, comme il avait menacé un jour de le faire, avant leur séparation. C’est pour ça qu’elle a freiné des quatre fers pour les droits de visite et d’hébergement et qu’elle n’y a consenti que lorsqu’il était trop insistant pour voir Léo et Léa.

Enfin, elle dit que désormais, les enfants ont pris l’habitude de vivre chez elle depuis quatre mois et de ne voir leur père que certains week-ends. Ils se sont habitués à ce cadre stable et il convient donc de le maintenir, surtout qu’une résidence alternée pour un enfant de deux ans et demi, ce n’est pas sérieux du tout, comme le disent tous les pédopsychiatres. D’ailleurs, elle produit deux articles de deux médecins qui vont dans ce sens.

Elle ajoute que la résidence alternée suppose un minimum d’entente entre les parents, alors qu’ils n’arrivent plus du tout à communiquer depuis la mi-octobre.

La mère s’oppose donc à la mise en place d’une résidence alternée, elle demande à ce que la résidence habituelle des enfants soit fixée chez elle, avec un droit de visite et d’hébergement habituel pour le papa, c’est-à-dire un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Elle dit cependant ne pas être opposée à un droit de visite et d’hébergement élargi, par exemple en ajoutant, une semaine sur deux, une journée pour le père, du mardi soir au mercredi soir. Elle sollicite que la contribution du père pour l’entretien et l’éducation des enfants[10] soit fixée à la somme de 1.000 € par mois (500 € par enfant).

L’avocat fait le point sur la situation personnelle de la mère, qui a repris en octobre un travail d’assistante infographiste après une longue période d’arrêt maladie. Elle vit seule, et perçoit un salaire de 1.150 € par mois, avec les allocations familiales de 125 € et une aide personnalisée au logement (APL) de 400 €, pour un loyer de 750 €. Elle règle chaque mois des mensualités de crédit à la consommation de 114 €.

La parole du père

Païkan précise que les violences, c’était juste une claque un jour où elle l’avait vraiment provoqué, début 2010. Il dit que d’ailleurs il n’a pas été condamné, ils sont juste allés voir un Monsieur qui lui a dit de ne pas recommencer, ce qu’il n’a jamais fait depuis, car c’était juste un accident isolé, qu’il regrette d’ailleurs. Il ajoute qu’en tout cas il n’y a jamais rien eu sur les enfants ou devant eux, que Eléa est instable et était parfois difficile à supporter, surtout depuis qu’elle était enceinte de Léa.

Il maintient qu’il y avait bien un accord entre les deux parents sur une résidence alternée et le dit en regardant son ex droit dans les yeux et en disant qu’il ne comprend pas pourquoi elle dit le contraire aujourd’hui. Il dit qu’il a besoin de voir ses deux enfants et qu’eux ont besoin de le voir bien plus pour être équilibrés. Leur chambre les attend chez lui.

La parole de la mère

Eléa a la parole en dernier. Elle ne rajoute rien sur les violences et reconnaît que Léo réclame souvent son papa, mais qu’elle a peur de lui confier l’enfant. Elle dit qu’effectivement elle a traversé une période de dépression avant et pendant la grossesse de Léa mais qu’elle va beaucoup mieux aujourd’hui. Interrogée sur ce point, elle déclare que Léo s’entend bien avec la nouvelle concubine de son papa mais elle trouve qu’une résidence alternée va à nouveau perturber la sérénité des enfants, qui ont été affectés par la séparation parentale et ont trouvé un mode de vie qui leur convient à son domicile.

Épilogue

L’affaire est mise en délibéré. La décision sera rendue dans un mois.

Les avocats vous remettent leurs dossiers, qui contiennent de nombreuses pièces. Dans cette affaire, après lecture attentive, aucune pièce n’apparaît déterminante à l’exception de celles dont il a été fait état plus haut. Chaque parent produit en effet une dizaine d’attestations de proches disant qu’il s’agit de bons parents qui savent bien s’occuper de leurs enfants, lesquels sont heureux à leur contact.

Voici les possibilités que la loi (c’est-à-dire les articles 373-2 et suivants du code civil) vous offre :

  • ► faire droit à la demande du père et instaurer une résidence alternée ;
  • ► faire droit à la demande reconventionnelle de la mère et fixer la résidence habituelle des enfants chez elle, il faut alors statuer sur le droit de visite et d’hébergement du père et sa contribution alimentaire mensuelle pour chaque enfant ;
  • ► mettre en place une résidence alternée provisoire dont vous déterminez la durée et à l’issue de laquelle vous réexaminerez la situation familiale ;
  • ► ordonner une mesure d’enquête sociale familiale ; il faut alors statuer provisoirement tout de même (en choisissant l’une des deux solutions ci-dessus), dans l’attente du dépôt du rapport d’enquête sociale et de la nouvelle audience où vous reverrez le couple, et qui aura lieu dans quatre à six mois, et à l’issue de laquelle vous rendrez à nouveau une décision, cette fois notamment à la lumière des éléments mis en relief par l’enquêteur social ;
  • ► et/ou ordonner une expertise médico-psychologique de la famille confiée à un médecin psychiatre, et statuer provisoirement de la même façon ;
  • ► dans tous les cas, fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, s’il y a lieu (l’article 4 du code de procédure civile prévoit qu’on ne peut pas donner plus que ce qui est demandé ni moins que ce qui est offert).

Le quotidien de Léo et de Léa est entre vos mains. Votre décision sera exécutoire par provision, c’est-à-dire qu’elle s’exécutera même s’il en est fait appel, le temps que l’appel soit jugé (ce qui peut prendre jusqu’à un an et demi…).

N’oubliez pas de motiver votre décision, c’est obligatoire mais surtout, Païkan et Eléa comprendraient mal qu’on leur impose quelque chose sans le leur expliquer. L’un d’eux ferait alors encore plus probablement appel.

Le délibéré sera rendu sur ce blog dans une semaine.

Notes

[1] La notion d’autorité de chose jugée est toutefois très relative devant le juge aux affaires familiales, puisque l’article 373-2-13 du code civil dispose notamment que : « les dispositions contenues dans la convention homologuée ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non. »

[2] Bien que malheureusement, faute de moyens, certains juges sont conduits à prendre des audiences sans greffier, ce qui est à la fois illégal et dangereux, car personne ne pourra attester de la réalité des propos qui ont été tenus et des demandes qui ont été formulées à l’audience. Il sera par exemple difficile de formuler une requête en omission de statuer si la demande n’a pas été consignée par le greffier dans les notes d’audience. Il s’agit d’un des nombreux accommodements procéduraux induits par le manque de moyens de la justice, et d’un motif d’annulation de la décision rendue…

[3] Mais les gens attendent déjà entre trois et dix mois (selon les TGI) entre le dépôt d’une requête et la date de l’audience, et prendre moins de dossiers par audience conduirait inéluctablement à allonger ce délai déjà bien trop long.

[4] Pour le juge en revanche, ce contentieux est malheureusement un contentieux de masse (15 dossiers par audience plus les dossiers de renvoi, une audience de ce type chaque semaine, sans compter les autres audiences relatives aux autres contentieux, exposés en introduction…), et il faut se faire violence pour se souvenir que les justiciables qui entrent dans le bureau dorment parfois très mal depuis une semaine.

[5] Alors que, généralement, on commence par relever les points d’accord entre les parties, pour concentrer le temps d’audience sur les points de désaccord. Ici, le seul point d’accord semble être l’exercice en commun de l’autorité parentale par les parents sur les deux enfants.

[6] On voit parfois des parents qui nous saisissent alors qu’ils n’ont aucun point de désaccord entre eux, mais simplement parce qu’ils pensaient que le passage devant le juge était obligatoire en cas de séparation. C’est donc l’occasion de rappeler que les gens sont adultes et peuvent très bien s’occuper de leurs enfants sans l’intervention d’un juge, qui n’a lieu d’être saisi qu’en cas de désaccord entre les parents, ou bien, si ceux-ci sont d’accord sur l’ensemble des points, si pour une raison X ou Y ils souhaitent que leur accord prenne la forme officielle d’un jugement.

[7] C’est-à-dire, si il n’était pas fait droit à sa demande principale, qui est d’instaurer une résidence alternée, et qu’il est fait droit à la demande d’Eléa, qui consiste à fixer la résidence habituelle des enfants chez elle.

[8] Ce qui veut dire, en jargon judiciaire, « ce que vient de dire mon contradicteur »

[9] Il s’agit d’une procédure alternative aux poursuites.

[10] C’est le nom que la loi donne à la traditionnelle « pension alimentaire ».


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