Raymond Poincaré
- Wikipedia, 11/01/2012
Raymond Poincaré, né le 20 août 1860 à Bar-le-Duc (Meuse) et décédé le 15 octobre 1934 à Paris, fut un homme d'État français.
Ministre à plusieurs reprises, président du Conseil des ministres puis président de la République de 1913 à 1920, Raymond Poincaré fut l'une des plus grande figures politiques de la IIIe République. Il fut également l'un des personnages centraux de la Première Guerre mondiale, conflit durant lequel il appela « le Tigre », Georges Clemenceau, à la présidence du Conseil, en 1917.
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Biographie
Ses origines familiales
Raymond Poincaré est le fils d'un ingénieur des Ponts et Chaussées.
Par ailleurs, il est l'arrière-petit-fils d'un député ayant exercé ses fonctions sous le règne de Louis-Philippe; il est également le petit-fils du doyen de la faculté de médecine.
Il est enfin le cousin du mathématicien et savant Henri Poincaré.
Les débuts dans la politique
Formé à la politique par Jules Develle dont il est, pendant dix-huit mois, directeur de cabinet au ministère de l'Agriculture en 1886, élu ensuite conseiller général dans la Meuse, Poincaré se forge une réputation de républicain modéré et conciliant dès son premier mandat de député de la Meuse en 1887. Cela n'empêche pas ce fils de polytechnicien, entré avec réticence sur la scène politique, de s'y imposer rapidement.
Après des études à Nancy puis à la faculté de droit de Paris, il entre au barreau de Paris en tant que stagiaire en 1879 ; il est nommé premier secrétaire de la Conférence du barreau et devient secrétaire de Me Henry du Buit, célèbre avocat d'affaires. En 1883, il prononce un discours à l'ouverture de la Conférence des Avocats dans lequel il fait l'éloge du républicain Jules Dufaure, ancien bâtonnier et ex-président du Conseil décédé deux ans auparavant :
« S'il est à souhaiter que l'éloge d'un mort illustre éveille chez nous le désir de l'imiter, le simple récit de la vie de Dufaure contiendra, je crois, pour notre génération, un précieux exemple de travail, d'indépendance et de dignité . »
(Éloge de Dufaure à l'ouverture de la Conférence des Avocats 1883 Barreau de Paris)
En 1895, il ouvre son propre cabinet, qui obtient rapidement un grand succès et détient une clientèle très prestigieuse pour les affaires de presse, les affaires littéraires—il est notamment l'avocat de l'écrivain Jules Verne—et le droit des sociétés. Poincaré a parmi ses clients les plus grandes entreprises industrielles et financières du moment.
La carrière parlementaire
Il entre en politique en 1887, en étant élu député de la Meuse. En 1892, il est rapporteur de la commission des Finances, au moment du scandale de Panamá, et est réélu l'année suivante.
À trente-six ans, il a déjà été trois fois ministre : de l'Instruction publique (1893), sous Dupuy, puis des Finances dans le second cabinet Dupuy, après la victoire électorale des modérés (1894-1895), et de nouveau chargé de l'Instruction publique, dans le cabinet Ribot, en 1895. Il est partisan de la laïcité mais éloigné de l'anticléricalisme radical. Il prône en effet une « école neutre », dont la vocation aurait été de produire de vrais patriotes. Poincaré devient alors l'un des leaders en vue des modérés, qui arborent alors l'étiquette « progressiste » ayant remplacé l'ancien terme d'« opportunisme » utilisé par Gambetta et Jules Ferry. Au fil du temps, ces « républicains progressistes » évoluent du centre gauche vers le centre droit, selon le phénomène du sinistrisme.
Durant l’affaire Dreyfus, il adopte une attitude prudente. Il fait d'abord partie de ceux qui souhaitent étouffer un scandale qu'ils jugent contraire à la raison d'État. Il se rallie finalement au camp dreyfusard, plus par légalisme que par conviction [Quoi ?] .
Bien que républicain et laïque - signe sûr, à la Belle Époque, d'une appartenance à la gauche - Poincaré demeure cependant prudent envers les gauches, restant très modéré. En juin 1899, le président de la République Émile Loubet le pressent comme président du Conseil[1]. Mais il n'arrive pas à mettre d'accord les différentes tendances républicaines afin de composer son gouvernement, tandis que Clemenceau déclarait :
« Le don de Poincaré n'est pas à dédaigner : c'est l'intelligence. Il pourrait faire remarquablement à côté de quelqu'un qui fournirait le caractère[1] »
Aussi Poincaré conseille-t-il à Loubet d'appeler plutôt Waldeck-Rousseau [1], qui forme un cabinet de Défense républicaine. Néanmoins, Poincaré s'oppose à celui-ci [réf. nécessaire], et plus encore, après la victoire du Bloc des gauches aux élections de 1902, à la politique anticléricale d’Émile Combes. En tant que membre de l'Alliance libérale démocratique (centre-droit), il soutient cependant, de façon générale, le cabinet combiste.
Plus tard, c'est au Sénat que Poincaré décida de se présenter. Élu sénateur de la Meuse en 1903, il quittera ses fonctions en 1913, date à laquelle il sera élu à l'Élysée, puis reprendra ses fonctiond en 1920 et ce jusqu'en 1934, date de son décès.
En 1906, Clemenceau, qui juge pourtant Poincaré un peu trop mou - c'est lui qui aurait inventé l'expression « poincarisme » dans Le Bloc du 15 mars 1902 [2] - lui propose néanmoins d'entrer dans son gouvernement. Poincaré, peut-être par animosité, s'y refuse[2].
Belle consécration, il est élu à l’Académie française en 1909, et est également professeur aux écoles HEI-HEP.
Le président du Conseil (1912 - 1913)
En janvier 1912, il est nommé président du Conseil, et forme un gouvernement de républicains modérés avec Briand aux Affaires étrangères ; Théophile Delcassé à la Marine ; Jules Pams à l'Agriculture ; Albert Lebrun aux Colonies et Léon Bourgeois au Travail et à la Prévoyance sociale.
Du 6 au 12 août 1912, il est en visite officielle en Russie dans le cadre de l'alliance franco-russe et assiste à des revues militaires.
L'élection présidentielle de janvier 1913
Alors que le mandat présidentiel d'Armand Fallières touche à sa fin, Poincaré se présente comme candidat à l'élection présidentielle de janvier 1913. Le président du Conseil est en lice face au président de la Chambre, Paul Deschanel, et au président du Sénat, Antonin Dubost. Avec Clemenceau, les radicaux soutiennent Pams, le ministre de l'Agriculture, une personnalité considérée comme effacée et dont la candidature vise essentiellement à contrer Poincaré[2].
Selon la tradition républicaine, un scrutin préparatoire a lieu pour choisir le candidat du « camp républicain » ; les « modérés » (républicains de droite) d'un côté, de l'autre les socialistes, refusent toutefois d'y participer. Au troisième tour, Pams l'emporte avec 323 voix contre 309 pour Poincaré, classé à gauche à l'époque (dreyfusard, laïc, il s'était marié civilement)[2]. La discipline républicaine aurait voulu que, battu à ces primaires, il se retire, et c'est ce que lui demande une délégation conduite par Combes et Clemenceau[2].
Mais Poincaré refuse, sachant que lors du scrutin officiel, il serait soutenu par la droite républicaine : il se présente donc à Versailles, et est élu le 17 janvier 1913 au deuxième tour, avec 482 voix contre 296 à Pams et 69 pour le socialiste Édouard Vaillant[2]. Clemenceau conservera une rancune tenace contre Poincaré pour n'avoir pas respecté la discipline républicaine, que lui-même respectera lors de l'élection présidentielle de 1920.
L'Élysée (1913 - 1920)
Il préside la France jusqu'en 1920. Son mandat est marqué par la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il est l'artisan de l'Union Sacrée politique et sociale, aux côtés de René Viviani, d'Aristide Briand puis de Georges Clemenceau. Avec Briand et Clemenceau, et contre Jaurès et la SFIO, il soutient la loi des trois ans, votée en juillet 1913.
Son rôle dans le déclenchement de la guerre est controversé : il aurait poussé à la fermeté la Russie lors de son voyage officiel du 13 au 23 juillet 1914 en Russie, afin de renforcer les alliances deux semaines après l'attentat de Sarajevo. Le 4 août, son message est communiqué aux Chambres par Viviani : la France « sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l’ennemi, l'Union sacrée, et qui sont aujourd’hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l’agresseur, et dans une même foi patriotique ».
Il n'hésite pas, parfois au péril de sa vie, à venir au front (essentiellement dans la Meuse et dans la Somme) afin de juger du moral des troupes et des populations déplacées. Il visite à plusieurs reprises la partie de l'Alsace redevenue française dès le 7 août 1914 : au Col de la Schlucht, à Thann, Masevaux, Saint-Amarin et Dannemarie entre le 11 février 1915 et le 10 avril 1916.
Fin 1917, il nomme le radical-socialiste Clemenceau, qu'il n'apprécie guère mais dont il admire la fermeté de caractère, comme président du Conseil. Son rôle devient alors plus discret, et il se plaint même, dans ses écrits, d'être mis de côté. Il conserve toutefois une certaine influence : selon l'historien Michel Winock, une certaine forme de cohabitation se met en place entre les deux hommes.
Après sa présidence
Dès 1920, alors que son mandat n'est pas achevé, il se fait élire sénateur de la Meuse. Très vite, il accepte de redevenir président du conseil, à la place d'Aristide Briand qu'Alexandre Millerand, président nouvellement élu en 1920, a démis de ses fonctions en 1922, n’approuvant pas la façon dont il mène sa politique étrangère. Face à l’Allemagne qui refuse de payer les « réparations de guerre », il a recours à la force, faisant occuper la Ruhr ; mais sa politique de rigueur budgétaire le rend impopulaire et, en 1924, après la victoire du Cartel des gauches, il doit présenter sa démission, tout comme le président Millerand.
On le rappelle en 1926 devant l’ampleur de la crise financière. Il forme alors un ministère d’union, en conservant Briand aux Affaires étrangères, et en revenant à une politique d’austérité financière ; le franc Germinal est remplacé par le franc Poincaré d’une valeur cinq fois moindre, dévaluation qui se borne à entériner le change réel. Malade et fatigué, il démissionne et se retire de la scène publique en 1929. Mort à Paris en 1934, il est inhumé à Nubécourt, dans son département natal.
Mandats électifs
- Député de la Meuse (1887-1903)
- Sénateur de la Meuse (1903-1913 puis 1920-1934)
- Président de la République (1913-1920)
- Conseiller général de la Meuse : 1886-1913 / 1920-1934
- Président du Conseil général de la Meuse : 1910-1913
Fonctions gouvernementales
Il fut cinq fois président du Conseil :
- du 14 janvier 1912 au 21 janvier 1913 (1), cumule ces fonctions avec les Affaire étrangères
- du 15 janvier 1922 au 29 mars 1924 (2) cumule ces fonctions avec les Affaires étrangères
- 29 mars 1924 au 1er juin 1924 (3)
- du 23 juillet 1926 au 6 novembre 1928 (4) cumule ces fonction avec les Finances
- du 11 novembre 1928 au 20 juillet 1929 (5)
Œuvres de Raymond Poincaré
- Du droit de suite dans la propriété mobilière, 1883.
- Idées contemporaines, 1906.
- Questions et figures politiques, 1907.
- Messages, discours, allocutions, lettres et télégrammes (1914-1919), 1919.
- Histoire politique, chroniques de quinzaine, 4 vol. , 1921-22.
- Au service de la France, neuf années de souvenirs, 1926-1934.
- L'Invasion 1914, Paris, Plon (livre tiré à 100 exemplaires qui retrace le septennat du président).
- Ce que demande la cité, Hachette, 1911. Vingt textes de Raymond Poincaré extraits de la revue pour enfants "Au seuil de la vie" (Hachette, 1910). Réédition en 2010 aux Editions Nouvelles Mémoires (voir bibliographie).
Bibliographie
- Henry Girard, Raymond Poincaré, chez lui, au Parlement, à l'Élysée, A. Méricant, 1913
- René Dumesnil, Poincaré, Flammarion, vers 1930
- Gaston Gros, Mr. Poincaré mémorialiste (sa psychologie), Ed. Baudinière, 1930
- Dr. Georges Samné, Raymond Poincaré, Politique et personnel de la IIIe République, Les œuvres représentatives, 1933
- Fernand Payen, Raymond Poincaré, chez lui, au Parlement, au Palais, Grasset, 1936
- Jacques Chastenet, Raymond Poincaré, Julliard, 1948
- Pierre Miquel, Raymond Poincaré, Paris, Fayard, 1961.(Prix Broquette-Gonin de l'Académie française)
- Pierre Miquel, "Les Souvenirs de Raymond Poincaré", publication critique du XIe tome avec Jacques Bariéty, Plon, 1973
- Daniel Amson, Raymond Poincaré, l'acharné de la politique, Tallandier, 1997
- John Keiger, Raymond Poincaré, Cambridge, Cambridge University Press, 1997
- S. Jeannesson, Poincaré, la France et la Ruhr (1922-1924), histoire d'une occupation, Presses universitaires de Strasbourg, 1998
- François Roth, Raymond Poincaré, Paris, Fayard, 2000
- Alain Ostenga et Christian Gérini, "Raymond Poincaré. Ce que demande la cité", Pierrefeu du Var, Editions Nouvelles Mémoires, diffusion : HDiffusion, 6 rue de la Sorbonne, 75005 Paris, 2010.
Notes et références
Sources utilisées
- Nicolas Honecker, Les Visites des chefs d'État français en Lorraine, Éditions Lacour, 2006.
- Michel Winock, 2007, Clemenceau, éd. Perrin
Voir aussi
- Historique des gouvernements de la France
- Hôpital Raymond-Poincaré (Garches)
- Au service de la France sur Wikisource.
Liens externes
- Sa fiche sur le site du ministère des Finances
- Notice biographique sur le site de l'Académie de Nancy-Metz
Chronologies
Précédé par Émile Gebhart |
Fauteuil 34 de l’Académie française 1909-1934 |
Suivi par Jacques Bainville |