Paul Déroulède
- Wikipedia, 3/01/2012
Paul Déroulède | |
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Portrait par Jean-François Portaels (1877).
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Parlementaire français | |
Date de naissance | 2 septembre 1846 à Paris |
Date de décès | 30 janvier 1914 à Nice |
Mandat | Député |
Début du mandat | 1889 |
Fin du mandat | 1901 |
Circonscription | Charente |
Groupe parlementaire | Ligue des patriotes |
IIIe République | |
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Paul Déroulède est un poète, auteur dramatique, romancier et militant nationaliste français, né à Paris le 2 septembre 1846 et mort sur le mont Boron près de Nice le 30 janvier 1914 (à 67 ans). Son nationalisme intransigeant et son revanchisme en font un acteur important de la droite nationaliste française.
Sommaire |
Guerre de 1870
Jusqu'à la Guerre de 1870, c'est un versificateur (admirant beaucoup Le Cid) qui fréquente les milieux littéraires républicains. La déclaration de guerre lui fait abandonner son pacifisme. Il rejoint son unité lors de la guerre franco-prussienne de 1870 où il montre un certain courage (assaut de Montbéliard). Il est fait prisonnier à Bazeilles, s'évade et rejoint les tirailleurs algériens. Cité à l’ordre du jour et décoré en février 1871, il participe à la répression de la Commune de Paris lors de la Semaine sanglante de mai. À la suite d'une chute de cheval, il doit renoncer à la carrière militaire en 1874.
Carrière littéraire et politique
Désormais, par son œuvre littéraire et son action politique, il incarne la France de la « revanche » en réclamant le retour de l'Alsace et de la Lorraine. Il écrit les Chants du soldat (1872), vendus à plus de 100 000 exemplaires, dont le fameux Clairon, qui lui vaut la gloire et reste longtemps au programme scolaire. À l'instigation de Gambetta, Déroulède, dont la devise est « Qui vive ? France ! », crée la Ligue des patriotes en 1882. Cette passion pour la « revanche » sur l'Allemagne lui vaut de devenir également l'un des chefs du parti anticolonial. Pour lui, la conquête coloniale puiserait l'énergie dont la France a besoin pour la future guerre contre l'Allemagne. De même, il estime que jamais les colonies ne pourraient offrir une compensation à la perte de l'Alsace-Lorraine et c'est dans ce sens qu'il répond au colonialiste Jules Ferry : « J'ai perdu deux sœurs, et vous m'offrez vingt domestiques ». Adepte du général Boulanger, (« celui qui nous délivrera des chinoiseries parlementaires et des bavards impuissants ») il est porté par sa notoriété à l'Assemblée nationale en 1889. Le 27 janvier 1889 il tente en vain de persuader le général Boulanger de marcher sur l'Elysée. Le Gouvernement dissout alors la Ligue des Patriotes, et après la fuite de Boulanger, Déroulède reste député de la Charente de 1889 à 1893 et de 1898 à 1901.
Anticolonialiste au nom de la revanche (cela « disperse les énergies françaises ») défendant le catholicisme avec parfois des accents antisémites (repos dominical, refus de la séparation[1]), il attaque vivement Clemenceau lors de l'affaire de Panama.
Lors de l'affaire Dreyfus (1894 - 1906), Paul Déroulède, quoique défendant l'armée, croit Dreyfus innocent[2] ; d'ailleurs, malgré ses préjugés certains contre les Juifs, il a toujours refusé l'antisémitisme politique et n'a jamais rallié le slogan « À bas les juifs »[3]. Profitant des obsèques de Félix Faure en 1899, il tente le coup d'État que le général Boulanger avait refusé dix ans plus tôt. Il tente en effet de faire tourner bride au général Roget et à ses troupes pour prendre l'Elysée. Arrêté, jugé en haute cour, relâché et, finalement, banni (expulsé en Espagne), il bénéficie d'une amnistie en 1905. Il renonce à sa carrière politique après l'échec des élections de 1906 dans son département de la Charente.
En 1908, malgré l'insistance de Maurice Barrès, Paul Déroulède refuse de poser sa candidature à l'Académie française lors de la mort de François Coppée : « Ma place n'est pas parmi votre élite, elle est dans la foule. Je puis m'en tenir à l'écart, mais je dois toujours être prêt à reprendre contact avec elle… L'habit à palmes vertes et l'épée à poignée de nacre me transformeraient trop. »
Dès lors, Paul Déroulède se retire à Langély (commune de Gurat, Charente) où il entreprend la rédaction de ses Feuilles de route. Cependant, peu à peu, il se retrouve laissé de côté par les nouveaux nationalistes qui (comme l'écrivent les frères Tharaud) « pensent comme lui mais refusent d'admirer les moyens dont il s'est servi ».
Il meurt d'une crise d'urémie dans sa propriété à Mont Boron avec une bénédiction papale. Sa dépouille est ramenée à Paris, où le cortège funèbre suscite des manifestations de la Ligue des patriotes. Il est enterré dans le caveau familial à la Celle-Saint-Cloud[4].
« Je sais bien ce qu'on me reproche. On dit de moi : Déroulède c'est un exalté ou un simple. Je ne suis ni l'un, ni l'autre ; je ne suis ni fou ni sot. Si ma carrière peut sembler déraisonnable, la faute n'en est pas à moi, ou plutôt la faute en est au caractère d'une existence qui a toujours été en mouvement. Et rien ne donne si naturellement l'idée du désordre et de la complication que l'action au jour le jour. En réalité, rien n'est plus simple, plus logique, plus sage que ma vie. Oui, j'ai voulu la guerre, la revanche. Mais avant de l'entreprendre, j'ai voulu que nous fussions prêts. »
Duels
Déroulède s’est battu deux fois dans des duels au pistolet :
- contre Georges Clemenceau, car Déroulède l’avait accusé de corruption dans le scandale de Panama. Le duel a lieu le 23 décembre 1892 à Saint-Ouen devant 300 personnes[5] contenues par des gendarmes ; six balles échangées au commandement à 25 m, sans conséquence ;
- contre Jean Jaurès à Hendaye le 4 décembre 1904 à propos de Jeanne d’Arc ; échange de deux balles, sans conséquence.
Citation
Dans une page des Feuilles de route restée célèbre, Paul Déroulède évoque les débuts de sa conversion au nationalisme, qui le laissait jusqu'alors indifférent. La scène se déroule peu après la déclaration de guerre en 1870. Paul Déroulède se promène à la campagne avec une amie :
« Je me souviens qu'un vieux paysan, qui avait son fils sous les drapeaux, eut l'indiscrétion de troubler notre tête-à-tête pour me demander, avec anxiété, quand les troupes partiraient.
J'eus l'impudence de lui répondre : « Est-ce que je sais ! »
Le regard de mépris que me lança cet homme entra dans mes yeux comme un éclair [...] le reproche silencieux de ce père de soldat, dissipa ma torpeur et commença le réveil de ma conscience de Français.
Je sentis que je venais de manquer à la solidarité qui m'unissait, avant tout et malgré tout aux hommes de mon pays.
Pour la première fois, ma prétendue philosophie humanitaire m'apparut comme une apostasie et mon égoïsme amoureux comme une désertion.
La cruauté de ma réponse se révéla à moi dans toute sa vilénie. J'eusse voulu en demander pardon sur l'heure au vieillard, mais il nous avait brusquement tourné le dos, et nous étions de nouveau seuls sur la route [...] un grand pas était fait sur mon chemin de Damas. »
— Paul Déroulède, Feuilles de route, 1907
« Celui qui n’aime pas sa mère plus que les autres mères et sa patrie plus que les autres patries n’aime ni sa mère ni sa patrie. »
Principales publications
- Chants du soldat (1872)
- Nouveaux chants du soldat (1875)
- Marches et sonneries (1881)
- Le Livre de la Ligue des patriotes, extraits des articles et discours de Paul Déroulède (1887)
- Histoire d'amour (1890)
- Chants du paysan (1894)
- Poésies militaires (1896)
- Le Premier grenadier de France, La Tour d'Auvergne, étude biographique (1896)
- Affaire de la place de la Nation, procès Paul Déroulède - Marcel Habert : cour d'assises de la Seine, 29 juin 1899. Discours de Paul Déroulède et de Marcel Habert aux jurés de la Seine (1899)
- 1870, feuilles de route : des bois de Verrières à la forteresse de Breslau (1907), Société d'Édition et de Publications Librairie Félix Juven, Paris.
- Pages françaises, précédées d'un essai par Jérôme et Jean Tharaud (1909)
- Théâtre
- Juan Strenner, drame en 1 acte, en vers, Théâtre-Français, 9 juin 1869
- L'Hetman, drame en 5 actes, en vers, Théâtre de l'Odéon, 2 février 1877
- La Moabite, drame, 1881
- Messire du Guesclin, drame historique en 3 actes, 1 prologue, 1 épilogue, Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 22 octobre 1895
- La Mort de Hoche, 5 actes en prose, Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 5 octobre 1897
- La Plus Belle Fille du monde, conte dialogué en vers libres, Comédie-Française, 24 décembre 1897
Voir aussi
Bibliographie
- Jérome Tharaud et Jean Tharaud, La Vie et la mort de Paul Déroulède, 1925
- Bertrand Joly, Déroulède. L’inventeur du nationalisme, Perrin, 1998, 440 p.
Iconographie
- Buste de Paul Déroulède devant la mairie de Gurat, où Paul Déroulède écrivit Feuilles de route et Nouvelles feuilles de route.
- Statue de Paul Déroulède devant l'entrée du square Marcel-Pagnol, située avenue César Caire, dans le 8e arrondissement de Paris
Liens internes
- Amiati
- Boulangisme
- Pour les diverses tentatives de récupération politique et religieuse du personnage de Jeanne d'Arc, voir l'article : Jeanne d'Arc : naissance d'un mythe.
- Jules Lemaître
- Ligue de la patrie française
- Revanchisme
- Gabriel Syveton
- Jules Guérin
- Edouard Drumont
- Henri Rochefort
Liens externes
- Monsieur le Hulan, conte de Noël (1884)
- Sculpture de Déroulède par Paul Landwoski
- Notice biographique sur un site nationaliste
Notes et références
- ↑ Face au député Camille Dreyfus, il déclare : « Je suis surpris qu'un débat semblable soit précisément ouvert devant nous, non pas par un des trente-six millions de catholiques mis en cause, mais bien par un des cinq cents ou six cents mille israélites. […] Je proteste quand je vois que l'on veut déchristianiser la France pour la judaïser ! ».
- ↑ Michel Leymarie, De la belle époque à la grande guerre, Livre de poche, p. 106.
- ↑ Bertrand Joly, Déroulède, l'inventeur du nationalisme.
- ↑ Les funérailles de Paul Déroulède : Le Petit Parisien du 4 février 1914 sur Gallica
- ↑ Sur 19e.org