Affaire Deveaux
- Wikipedia, 29/12/2011
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Faits et circonstances
Bron-Parilly dans la proche banlieue lyonnaise : le 7 juillet 1961, une petite fille de sept ans Dominique Bessard est trouvée morte dans une cave, frappée de plusieurs coups de couteau avant d'être égorgée. Le jeune apprenti boucher des parents de la jeune fille, Jean-Marie Deveaux est aussitôt fortement soupçonné par la police. Sans alibi, il ne sait pas se défendre, s'embrouille et se contredit. Au bout de plusieurs heures d'interrogatoire et suite à un chantage policier de le soumettre à un sérum de vérité[1], il craque et avoue sans donner de preuves formelles, d'éléments précis sur le déroulement des faits[2]. Puis se rétracte quelques jours plus tard.
Les choses vont alors s'accélérer. Trop contentes de cette conclusion rapide, la police va bâcler son enquête sans explorer d'autres pistes ou d'autres hypothèses et la justice mettre en œuvre un procès inique et déséquilibré.
Le coupable a priori va être lourdement condamné : vingt ans de réclusion criminelle.
Déroulement du procès
Le procès va se dérouler en février 1963 devant la cour d'assises du Rhône, présidée par un juge qui a la réputation d'être d'une sévérité exemplaire. En l'occurrence, il sera particulièrement partial, s'acharnant sur le prévenu, s'entêtant à démontrer à l'aide d'un vague histoire de chat qu'aurait tué Deveaux, que 'qui tue un chat, tue une fillette'. Les experts eux-mêmes cafouillent, leurs conclusions ne sont pas compatibles avec les aveux. Les délibérations se passent dans de mauvaises conditions, de l'aveu même de certains jurés[3].
Les suites de l'Affaire
Pourtant, Jean-Marie Deveaux continue de proclamer son innocence. Au père Boyer, un jésuite visiteur des prisons, il écrit en 1966 : « Le criminel a toute liberté, et moi, innocent, je suis enfermé entre quatre murs. Ma vie est gâchée. J'en ai marre de la vie, je vais mourir. Et effectivement, il fait une tentative de suicide en 1967 à la prison de Melun puis l'année suivante, c'est une grève de la faim pendant quarante jours.
Après deux tentatives infructueuses de pourvoi en cassation portant sur un vice de procédure 'imparable', celui-ci est enfin accepté après menace de scandale et intervention du garde des sceaux de l'époque René Capitant. Le 30 avril 1969 arrive enfin la nouvelle : le pourvoi est accepté et c'est la cour d'assises de la Côte-d'Or qui sera désignée pour juger de nouveau Jean-Marie Deveaux.
Le second procès est très différent du premier : les experts et les policiers ne cessent de se contredire et les témoins ont des trous de mémoire. Dans la cité brondillane, la situation s'est dégradées depuis : en août 1963, une jeune femme a été assassinée à Bron-Parilly non loin de la cave où avait été retrouvée la petite Dominique et peu de temps après, une femme et une fillette y ont été agressées... mais la police reste impuissante.
Aussi, sans grande surprise, Jean-Marie Deveaux est acquitté le 27 septembre 1969 et dès lors parvient à reprendre une vie 'normale' : il trouve un travail et se marie. En mars 1972, la justice lui accorde généreusement une indemnité de 125 000 francs pour ses huit années de prison.
L'Affaire Deveaux par Bernard Clavel
Quel immense fossé note d'emblée Bernard Clavel, entre le procès tel qu'il s'est déroulé et la lecture du dossier à tête reposée. Les magistrats, professionnels de la justice et rompus aux arcanes du droit, savent comment instiller le doute dans l'esprit du jury, comment le circonvenir en jouant sur les mots, les faits et les gestes pour transformer en coupable un homme sur qui pèsent quelques soupçons. Un prétoire est un peu comme une arène, on sait d'avance qui est le sacrifié.
On admire trop les grandes envolées lyriques des avocats et des magistrats dans une justice spectacle à leur service et qui se fait au détriment d'un accusé parfois sacrifié à ce spectacle et des victimes dont le chagrin sert trop souvent d'alibi à l'accusation, elles-mêmes sacrifiées, spectatrices d'une pièces où l'on joue avec leurs sentiments. Bernard Clavel pense que « Deveaux n'a pas été jugé par une Cour d'Assises mais écrasé par le président Combas qui, durant les débats, s'était joué de lui. » Les Assises, en jouant trop souvent sur la corde sensible, sur l'affectivité du jury, laissent trop souvent de côté ce principe : "c'est à l'accusation de prouver la culpabilité de l'accusé et non l'inverse".
Jean-Marie Deveaux, malgré doutes et dépressions, ne veut pas d'une grâce qui le désignerait définitivement comme coupable, il ne veut qu'une chose : la justice. C'est-à-dire la reconnaissance de son innocence et de l'erreur judiciaire, ce qu'il n'obtiendra qu'après plusieurs années au terme d'un combat toujours difficile et incertain.
Bibliographie
- L'Affaire Devaux, le père Boyer, Bernard Clavel, Frédéric Pottecher, Daniel Sarne, Les éditions spéciales, dirigées par Jacques Lanzman
(Article de Bernard Clavel, Édition Publication Première, collection Édition Spéciale, 265 pages, 1969)
- Défense de Jean-Marie Deveaux, extrait de Bernard Clavel dans la biographie écrite par Michel Ragon, éditions Séghers
Voir aussi
- Patrick Dils, Je voulais juste rentrer chez moi, (Paris : éditions Michel Lafon, 2002), (ISBN 978-2-84098-870-0) (poche : J'ai Lu, 2003, (ISBN 978-2-290-33415-7))
- Emmanuel Charlot, Vincent Rothenburger L'affaire Dils-Heaulme, (Paris: éditions Flammarion, 2008) (ISBN 978-2-08-120905-3)
- Liste des erreurs judiciaires en France
Notes et références
- ↑ C'est le commissaire Durin qui a proféré cette menace. Or, Deveaux avait toujours éprouvé une peur maladive des piqûres
- ↑ Les détails du crime,Deveaux les a lus dans les journaux; quant à la reconstitution, ce sont les policiers eux-mêmes qui lui soufflaient les réponses
- ↑ Voir par exemple L'Express du 27 septembre 2010