Loi des trois ans
- Wikipedia, 30/11/2011
La Loi des trois ans est une loi française votée le 19 juillet 1913 par la Chambre des députés, augmentant la durée du service militaire de deux a trois ans en vue de préparer l'armée française à une guerre éventuelle avec l'Allemagne.
Depuis la crise de Tanger (1905) et celle d'Agadir (1911), le conflit apparaissait en effet, aux yeux d'une partie de l'opinion, de plus en plus inévitable, tandis que la droite nationaliste et une partie de la gauche républicaine revendiquait la Revanche contre le vainqueur de 1870. Néanmoins, toute une partie de la gauche, des radicaux-socialistes à la SFIO, s'y opposait, au nom de l'antimilitarisme et de la négociation diplomatique avec l'Allemagne visant à éloigner le spectre de la guerre. Cette loi fut ainsi l'un des débats majeurs de l'année 1913.
Sommaire |
Débats
Le projet de loi avait d'abord vu le jour sous le cabinet Briand. Une fois celui-ci renversé, il fut repris par le gouvernement Barthou avec l'appui du président de la République Raymond Poincaré.
Si la SFIO était opposé à cette loi, le sénateur radical Clemenceau, en revanche, la soutenait. Bien qu'éloigné de tout revanchisme, il craignait particulièrement l'éclatement d'une guerre avec l'Allemagne, et ce depuis la crise de Tanger de 1905[1]. Dans son journal L'Homme libre, il ne cesse ainsi d'avertir l'opinion publique du danger provoqué par la menace allemande (« Pour la défense nationale », 21 mai 1913 ; « Vouloir ou mourir », 24 mai ; « Ni défendus ni gouvernés », 15 juillet, etc.).
Le 23 mai 1913, Poincaré reçoit ainsi Clemenceau à l'Élysée: ce signe était destiné à la Chambre des députés, l'avertissant que si celle-ci renversait le gouvernement, Clemenceau, plutôt que Joseph Caillaux, serait nommé Président du Conseil[1]. L'Humanité voit jaune, et publie une caricature se moquant de cette réconciliation entre ces deux adversaires.
En effet, Jean Jaurès, député de la SFIO et pacifiste, était résolument contre cette loi et comptait sur l'internationalisme ouvrier pour empêcher l'éclatement d'une guerre, tout en préférant la voie diplomatique et à long terme concernant l'Alsace-Lorraine. Le 25 mai 1913, la SFIO organise une manifestation contre la loi au Pré-Saint-Gervais, qui réunit de 70 000 (selon L'Homme libre de Clemenceau) à 150 000 personnes (selon L'Humanité)[1], avec des dizaines d'orateurs, dont Jaurès. L'antimilitarisme était alors largement partagé à gauche, entre autres en raison de l'utilisation constante de l'armée française pour réprimer les grèves (à Draveil en 1908, dans le Languedoc en 1907, etc.). Jaurès défend ainsi une proposition alternative, visant à mettre en place des milices citoyennes (voir ci-dessous).
Vote de la loi
Le projet de loi est discuté à la Chambre des députés à partir du 2 juin 1913, et voté le 19 juillet 1913, par 358 voix contre 204, avec l'appui de la droite contre les deux-tiers des députés radicaux-socialistes et la SFIO [1]. Le projet est ensuite discuté au Sénat du 31 juillet au 7 août, alors que les Balkans sont à nouveau touchés par la guerre. La majorité radicale du Sénat vote sans trop de problèmes le projet.
D'autres propositions ont été écartées: certains défendaient un service à 30 mois plutôt que 36[1], voire à 20 mois (proposition de Louis Briquet[2]) tandis que Jaurès défendait une sorte de théorie des milices, proche de l'exemple suisse[1]: un service de 18 mois, un jour par mois d'exercice pour les jeunes de 17 à 21 ans, deux jours de manœuvre pour les réservistes par trimestre, et, à partir d'octobre 1916, un an de service, puis six mois en octobre 1918[1].
Conséquences
L'abrogation de la loi des 3 ans est l'un des thèmes de la campagne des législatives d'avril-mai 1914.
Celle-ci avait augmenté le nombre des soldats français de 480 000 à 750 000, alors que l'armée allemande était forte de 850 000 hommes. De nouveaux régiments sont créés, tels que le 49e régiment d'artillerie. L'armement demeure, toutefois, ancien.
Le député catholique conservateur Albert de Mun, ardent défenseur de la loi, entre à la Commission du budget pour y défendre son application, appuyant le projet d'un emprunt de 1 400 millions de francs à cette fin[3].
Références
- ↑ a, b, c, d, e, f et g Michel Winock, Clemenceau, éd. Perrin, 2007, p. 400-402
- ↑ « La proposition Briquet », L'Humanité du 28 mai 1913 [lire en ligne]
- ↑ Notice biographique d'Albert de Mun sur le site de l'Assemblée nationale