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Attentat de l'Observatoire

- Wikipedia, 3/02/2012

François Mitterrand en 1959

L'attentat de l'Observatoire, l'affaire de l'Observatoire ou parfois attentat des Jardins de l'Observatoire, est un attentat qui aurait été mené contre François Mitterrand en 1959. Cette affaire sera à l'origine d'une controverse politique et juridique, François Mitterrand ayant été suspecté d'avoir lui-même commandité l'attentat dans le but de regagner les faveurs de l'opinion publique.

Sommaire

Déroulement des faits

Dans la nuit du 15 au 16 octobre 1959, après avoir dîné à la brasserie Lipp avec Georges Dayan, François Mitterrand, ancien ministre de la IVe République, sénateur de la Nièvre, décide de rentrer chez lui, rue Guynemer, vers minuit trente. François Mitterrand, selon sa version, suspecte une autre voiture de le suivre, modifie son parcours, arrête sa 403 au niveau de l'avenue de l'Observatoire, enjambe une haie du jardin de l'Observatoire et se réfugie derrière un buisson. Sa voiture est alors criblée de 7 balles. Le lendemain de l'affaire, les journaux relatent l'histoire en faisant l'éloge de Mitterrand, qui n'aurait dû son salut qu'à sa rapidité de réaction. Il redevient le leader de la lutte contre l’extrême droite[1].

La Ve République a quelques mois et la guerre d'Algérie est à son comble. On pense trouver les coupables parmi les partisans de l'Algérie française. La police enquête, sur la base de la plainte et du témoignage de François Mitterrand. Une semaine plus tard, le 21 octobre, le journal Rivarol publie un témoignage de Robert Pesquet, ancien résistant, ancien député gaulliste, proche de l'extrême droite, qui déclare qu'il est l'auteur de ce qui serait un faux attentat, et qui aurait été commandité par François Mitterrand en personne, dans le but de regagner les faveurs de l'opinion publique au détriment de Mendès France et de provoquer des perquisitions dans les milieux d'extrême droite.

La justice inculpe Robert Pesquet et deux comparses (le tireur Abel Dahuron et André Pequignot qui a fourni la mitraillette) pour détention d'armes, François Mitterrand (après la levée de son immunité parlementaire le 25 novembre 1959, car il est sénateur) pour « outrage à magistrat », pour avoir caché à la justice ses rencontres avec Robert Pesquet et suite à la nouvelle version qu'il donne au juge d’instruction Braunschweig : Pesquet, devant participer directement à l'attentat, lui aurait suggéré un attentat manqué[2].

Sept ans plus tard, la loi d'amnistie initiée par le gouvernement de Georges Pompidou en 1966 permet de clore les poursuites. La justice conclut également la plainte initiale de François Mitterrand par un non-lieu. Après avoir perdu en appel, il se pourvoit en cassation, puis se désiste, la Justice le condamnant simplement aux frais et aux dépens.

L'amnistie se déroule dans un climat tendu entre François Mitterrand et plusieurs de ses adversaires à droite, notamment Michel Debré, ancien Premier ministre. Persuadé que celui-ci est derrière l'affaire, le jour du vote de sa levée d'immunité, François Mitterrand tente un coup de bluff et menace de rendre publics des documents qui, selon lui, impliqueraient Michel Debré dans l'attentat au bazooka contre le général Salan en 1957, alors que Mitterrand était cette même année Ministre de l'Intérieur et avait refusé la demande de levée de l'immunité parlementaire.

Pour de nombreux observateurs politiques, cette haine réciproque et ces affaires sont la raison pour laquelle les gaullistes n'ont finalement pas souhaité exploiter cette affaire — qui a considérablement affaibli François Mitterrand jusqu'en 1964 au moins — pendant l'élection de 1965[3]. Le gaulliste Pierre Lefranc écrit[4] pour sa part que c'est la répulsion de de Gaulle pour les attaques ad hominen, manquant de grandeur, qui explique la non exploitation de l'affaire au détriment de Mitterrand.

Les liens de Robert Pesquet avec l'extrême droite laissent alors place à de nombreuses manipulations.

Quelques années plus tard, l'hypothèse d'une participation de François Mitterrand à la conception de l'attentat est remise en doute. Robert Pesquet lui-même a exposé ensuite plusieurs versions[3], parfois contradictoires. En 1965, il prétend ainsi que l'attentat a été commandité par l'extrême droite, plus particulièrement par Tixier-Vignancour et son directeur de campagne Jean-Marie Le Pen[5].

Une nouvelle version de Robert Pesquet

Après la mort de François Mitterrand et de plusieurs autres protagonistes, Robert Pesquet fournit une explication, accréditée comme plausible par plusieurs proches et adversaires de François Mitterrand[3].

Robert Pesquet explique ainsi, notamment dans un entretien inclus dans un documentaire télévisé de Joël Calmettes diffusé le 16 décembre 2005 sur la chaîne France 3, qu'il fut le seul instigateur de ce coup d'éclat destiné à éveiller l'opinion française sur la question algérienne et à discréditer Mitterrand qui avait cessé de soutenir l'Algérie française après la démission du gouvernement Mollet en 1957.

Il explique ainsi avoir dans un premier temps rencontré François Mitterrand à deux reprises pour lui faire part des intentions d'un groupe d'extrême droite (ce qui sera confirmé par Roland Dumas[6]), dont Pesquet se disait proche, de commettre un attentat sur sa personne. Il profitait ainsi du climat en France tendu sur l'affaire algérienne qui faisait dans la même semaine la une des journaux avec l'annonce qu'un « groupe de tueurs qui serait rentré en France », et l'assassinat d'un homme politique français en Algérie. Ce faisant, Robert Pesquet mit en garde François Mitterrand contre la révélation à la police de ce complot, affirmant craindre alors pour sa vie. Indiquant à François Mitterrand une soirée possible où l'attentat pourrait avoir lieu, il aurait recueilli alors des informations sur son itinéraire.

Il écrivit ensuite, quelques heures avant l'« attentat », deux lettres qu'il s'adressait à lui-même dans laquelle il affirmait que François Mitterrand lui-même avait convenu avec lui de mettre en scène un faux attentat et qu'il fit ouvrir par un huissier de justice. Robert Pesquet organisa alors avec un complice la filature en voiture de François Mitterrand la soirée en question, jusqu'à l'avenue de l'Observatoire où François Mitterrand s'échappa de sa voiture, croyant avoir affaire au groupe extrémiste décrit par Robert Pesquet, juste avant que celle-ci fût mitraillée. Selon Robert Pesquet, les choses se sont déroulées parfaitement comme il l'avait espéré : François Mitterrand est dubitatif jusqu'au moment où sa famille reçoit des menaces de mort par téléphone. Dès lors, il croît à un vrai attentat, mais sitôt la lettre révélée, il comprend que Robert Pesquet lui a menti et l'a manipulé.

Constantin Melnik, conseiller de Michel Debré chargé des services secrets entre 1959 et 1962, a également souligné que Mitterrand n'avait plus aucune confiance dans les services de police français et que cette méfiance n'était pas, selon lui, dénuée de fondement[7].

L'entretien de Robert Pesquet corrobore certains commentaires développés par Franz-Olivier Giesbert, qui considèrent notamment que la principale erreur de François Mitterrand est de ne pas avoir cru vraiment Robert Pesquet, sauf au dernier moment ; Franz-Olivier Giesbert note que le sénateur de la Nièvre n'a pas prévenu la police, ce qui lui aurait certainement évité tout ennui[2].

Notes et références

  1. Gilbert Guilleminault, Le roman vrai de la Ve République, chapitre le faux attentat de l'Observatoire, éditions Julliard, 1980
  2. a et b Franz-Olivier Giesbert, op. cit., chap. 6, p. 186-198.
  3. a, b et c Mitterrand et l’affaire de l’observatoire émission d'Europe 1, 7 janvier 2011.
  4. Pierre Lefranc, ... Avec qui vous savez, Plon, 1979
  5. Déclaration de Robert Pesquet dans Le Monde du 24 novembre 1965 sur une nouvelle version des faits qu'il donne au juge Simon
  6. Jean Lacouture, Patrick Rotman, Mitterrand, le roman du pouvoir, Éd. du Seuil, 2000
  7. Constantin Melnik, Mille jours à Matignon, Grasset 1988

Bibliographie

Filmographie

Lien externe



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