Château de La Roche-Guyon
- Wikipedia, 28/01/2012
Le château de La Roche-Guyon est un château français de la commune de La Roche-Guyon dans le Val-d'Oise aux portes de la Normandie sur la rive droite de la Seine.
L'ancien château fort en ruine, dominé par son donjon, au sommet du coteau a reçu des ajouts importants au XVIIIe siècle au pied du coteau et un jardin et potager « à la française » : le potager du château de la Roche-Guyon.
Ce château, classé au titre des monuments historiques[1], propriété de la Maison de La Rochefoucauld est aujourd'hui géré par un établissement public de coopération culturelle (EPCC) regroupant le département du Val-d’Oise, la commune de La Roche-Guyon, le syndicat mixte d’aménagement et de gestion du parc naturel régional du Vexin français et l'État.
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Histoire
Les origines
Une villa gallo-romaine existe probablement vers les IIIe et IVe siècles après J.-C., mais aucune découverte ne l'atteste, même si le plateau du Vexin est occupé dès la préhistoire et voit un important réseau de villæ gallo-romaines s'implanter dans le Vexin français, à Rhus ou Genainville en particulier. Aux premiers temps du christianisme, une légende raconte que Pience, veuve du propriétaire du domaine et plus ancien personnage connu de l'histoire de La Roche, rencontre saint Nicaise, l'évangélisateur du Vexin, contemporain de saint Denis. Elle fait alors creuser au lieu de la rencontre un sanctuaire, qui serait la nef ouest de l'actuelle chapelle du château.
Une petite nécropole mérovingienne mise au jour atteste de la présence d'une petite communauté humaine durant le haut Moyen Âge[2].
Mais c'est le traité de Saint-Clair-sur-Epte conclu en 911 qui place le site de La Roche dans une position stratégique exceptionnelle de frontière face au duché de Normandie, sur la rive droite de l'Epte. Un premier château troglodytique est édifié pour défendre l'Île-de-France, territoire royal, dans le cadre de la fortification de l'Epte. Il est décrit par Suger en ces termes :
« Au sommet d'un promontoire abrupt, dominant la rive du grand fleuve de Seine, se dresse un château affreux et sans noblesse appelé La Roche-Guyon. Invisible à sa surface, il se trouve creusé dans une haute roche. L'habile main du constructeur a ménagé sur le penchant de la montagne, en taillant la roche, une ample demeure pourvue d'ouvertures rares et misérables. »[3].
Vers 1190, un donjon est édifié relié au château par un escalier souterrain d'une centaine de marches creusé dans la falaise, il domine les vallées de la Seine et de l'Epte dans une position stratégique exceptionnelle. Au XIIIe siècle est construit le manoir d'en bas qui fait peu à peu disparaître le château troglodytique, l'ensemble constituant alors avec le donjon une remarquable forteresse double.
Les Guy de La Roche
La famille Guy de La Roche sont les seigneurs du fief du Xe au XVe siècle. Au XIIe siècle, Guy de la Roche est un fidèle vassal du roi Philippe-Auguste, qui séjourne au château en 1185 et récompense sa loyauté en lui accordant le droit de péage pour les bateaux naviguant sur la Seine, puis le droit exclusif de chasse partagé avec le roi en la forêt d'Arthies. Ce seigneur est présent à la bataille de Bouvines en 1214 au côté du roi. Le droit de péage procure d'importants revenus à la famille de La Roche mais des devoirs lui incombent : garantir la navigabilité du fleuve par l'entretien des berges, le dragage, puis à partir de 1480, le halage des navires[4]. Durant la guerre de Cent Ans, Guy VI de la Roche, familier du dauphin, épouse Perrette de La Rivière, fille de Bureau de La Rivière, premier chambellan des rois Charles V (qui est mort dans ses bras[5]) et Charles VI. Mais il est tué à Azincourt le 25 octobre 1415. Sa veuve prend parti pour les Armagnacs comme ses voisins de Château-Gaillard et des Deux-Goulets. En 1419, Rouen le 13 janvier, puis Vernon le 3 février et Mantes le 8 février tombent au mains des Anglais. Un détachement dirigé par Richard de Beauchamp, comte de Warwick est envoyé devant La Roche, mais est surpris par l'opiniâtre résistance rencontrée : le château se révèle imprenable. Après un siège de six mois, Henri V d'Angleterre qui séjourne à Mantes demande une entrevue à dame Perette : le 20 juin, elle doit capituler, les Anglais menaçant de saper les caves. Elle reçoit la proposition de quitter le château, ou de prêter serment, ce qu'elle refuse. Les chroniqueurs Jean Juvénal des Ursins et Enguerrand de Monstrelet rapportent :
« Lors, lui dit le sire roi, si elle voulait pour elle et ses enfants qui estaient jeunes, lui prêter serment, il les laisserait, à elle et à sesdits enfants, ses meubles terres et seigneuries ; sinon il aurait sa place et ses biens ; mais elle, mue d'un noble courage, aima mieux perdre tout et s'en aller, dénuée de tous biens elle et ses enfants que de se mettre avec ses enfants ès mains des ennemis de ce royaume et de laisser son souverrain seigneur ; ainsi elle en partit et ses enfants dénuée de tous ses biens. »
C'est ainsi que le château est finalement occupé par les Anglais en 1419, Perette de La Rivière rejoignant alors la cour du « roi de Bourges ». Le roi d'Angleterre confie la seigneurie à Guy le Bouteillier, qui la conserve jusqu'en 1439. Son fils lui succède jusqu'en 1449, date à laquelle le château est finalement repris par Guy VII de La Roche, fils de dame Perette[6].
De la Renaissance au XVIIe siècle
Guy VII de La Roche meurt en 1460 sans postérité mâle, sa fille Marie épouse en secondes noces le chambellan du roi Louis XI, Bertin de Silly en 1474. Le fief passe alors à la famille de Silly, jusqu'en 1628, période pendant laquelle débute une importante période de prospérité. Le château perd sa fonction défensive et se transforme en résidence, qui accueille des personnalités célèbres, jusqu'aux rois de France François Ier et Henri IV[7]. En 1513, le fief des Silly est vaste : il s'étend de Copières et Arthies au nord à Rolleboise au sud, et de Aincourt et Guernes à l'est à Limetz à l'ouest. Le seigneur détient le droit de justice et perçoit les impôts et revenus.
En 1628, le domaine entre en la possession de la famille Rohan-Chabot et enfin de la famille La Rochefoucauld en 1659 par le mariage de Jeanne du Plessis-Liancourt avec François VII de La Rochefoucauld (1634-1714). Le château reste dans cette famille jusqu'à nos jours, sauf de 1816 à 1829 où il appartient aux ducs de Rohan.
Le XVIIIe siècle
Au XVIIIe siècle, de grands travaux sont entrepris au château et dans le village par le duc Alexandre de La Rochefoucauld (1690-1762), sixième fils de François VIII de La Rochefoucauld et de Madeleine Le Tellier de Louvois. Ils sont poursuivis ensuite par sa fille, Marie-Louise de La Rochefoucauld (1716-1797), duchesse d'Enville. Le vieux manoir de La Roche-Guyon, d'origine médiévale, ne pouvait plus convenir au duc et à sa mère, fille de Louvois, habitués aux fastes de la Cour.
Le château est doté en 1733 d'une entrée monumentale baroque percée dans son rempart est, elle donne sur un grand escalier donnant sur la salle des gardes et aux pièces de réception. En 1739, la cour d'honneur est entourée de communs qui remplacent les anciennes bâtisses médiévales.
Mais la cour basse conservait encore son apparence médiévale, il est donc décidé de la réaménager également. Le duc fait appel à l'architecte Louis Villars, qui édifie des écuries à l'est de 1740 à 1745, très similaires à celles de Chantilly par leur style ou leurs dimensions, la porte centrale est surmontée d'un cheval cabré sculpté par Jamay. Une grande grille d'entrée est installée, couronnée de la couronne ducale et des armes des La Rochefoucauld.
Deux pavillons neufs sont ensuite ajoutés au château, le pavillon Villars (ou pavillon Fernand) sur l'emplacement d'une ancienne tour ronde à l'est et le pavillon d'Enville, bâti en « L » sur une cour, à l'ouest. En 1741, un petit observatoire est créé sur la terrasse occidentale.
Le salon de la duchesse est très fréquenté par de grands esprits du siècle des Lumières, comme Turgot, qui y a séjourné sept mois en 1776 après sa disgrâce, Condorcet (en 1785 et 1791), l'agronome anglais Arthur Young, le peintre Hubert Robert qui a un moment un atelier au château, ou encore d'Alembert, les Choiseul, les Rohan[8].
La devise "C'est pour plaisir" (sous-entendu "c'est pour plaisir de servir le roi") est présente dans le château.
Le 2 octobre 1793, le conseil général de Seine-et-Oise ordonne la destruction du donjon afin d'éviter qu'il ne tombe aux mains des contre-révolutionnaires. Le donjon est arasé d’un tiers, pour ne plus mesurer que vingt mètres de nos jours, mais le travail n'est pas terminé, les démolisseurs s'étant semble-t-il vite lassés de cette besogne. Les pierres tombées constituent alors des matériaux bon marché et servent à édifier d’autres bâtiments dans le village, chose courante à cette époque, la pierre étant rare et chère[9].
Le XIXe siècle
En 1819, Lamartine passe la semaine Sainte à La Roche-Guyon, il y écrit une de ses Méditations poétiques.
En 1821 puis en 1835, Victor Hugo séjourne au village, d'abord en tant qu'invité au château du cardinal de Rohan, qu'il a rencontré deux ans auparavant au séminaire de Saint-Sulpice, puis quatorze ans plus tard à l’auberge[10].
Afin d'être protégées et de recevoir des crédits pour leur conservation, les ruines du vieux château rejoignent la liste des monuments historiques de 1862[1].
Le XXe siècle
En complément de la précédente protection, le château, la cour d'honneur avec les grandes écuries et la grille d'entrée, la cour des communs, les communs, le potager compris entre la route et la Seine et le parc attenant au château et au vieux donjon sont classés au titre des monuments historiques[11] par arrêté du 6 janvier 1943[1].
Le château de La Roche-Guyon est occupé à partir de février 1944 par l'état-major du général-Feldmarechal Erwin Rommel. Celui-ci a été nommé plus tôt responsable de la défense des côtes françaises contre le débarquement allié qui s'annonce. Il choisit le château comme siège de son quartier général, lui faisant ainsi retrouver provisoirement sa vocation militaire.
Des boves sont creusées au pied de la falaise et abritent des munitions. Séparées par d'épais murs de craie, elles sont de plus protégées par des portes blindées ; des pare-éclats en béton sont de plus disposées dans les cours du château. Le maréchal Rommel s'installe au pavillon d'Enville, il choisit comme cabinet de travail le grand salon, prolongé par sa terrasse plantée de roses. La famille de La Rochefoucauld vit alors à l'étage supérieur.
Dès le début de 1944, Rommel sait la défaite nazie inévitable. Au cours d'une rencontre secrète avec Carl-Heinrich von Stülpnagel, commandant en chef de l'armée allemande en France, les deux hommes s'accordent sur la nécessité de renverser le régime nazi et de mettre fin à la guerre. Mais leur position sur les moyens divergent : Rommel craint une guerre civile dans le cas de l'assassinat d'Adolph Hitler. Durant les semaines qui suivent, de nombreuses rencontres secrètes se déroulent au château : « Presque chaque jour arrivaient des personnalités du Reich pour s'exprimer librement dans l'oasis de l'état-major de Rommel, loin des griffes de la Gestapo. »[12]
Parti en permission près d'Ulm le 4 juin 1944, en Bavière, Rommel revient précipitamment à La Roche-Guyon à la nouvelle du débarquement allié en Normandie. Il rencontre Hitler près de Soissons le 17 juin et souhaite le faire venir à La Roche dans le but de le faire arrêter[réf. nécessaire] ; mais le dictateur préfère retourner en Allemagne. Le 17 juillet, de retour d'une tournée d'inspection du front en Normandie, la voiture de Rommel est mitraillée par deux avions alliés sur la route de Livarot à Vimoutiers près de Sainte-Foy-de-Montgommery. Le chauffeur est mortellement blessé et la voiture accidentée, accident dans lequel le général est gravement blessé. Il est amené à l'hôpital militaire de Bernay puis après cinq jours de coma, évacué vers celui du Vésinet avant d'être transféré à sa demande en Allemagne auprès de sa famille. Le maréchal Hans Günther von Kluge arrive le 19 juillet à La Roche-Guyon pour le remplacer dans ses fonctions. Lors d'un dîner le 20 juillet au château, von Kluge refuse de se rallier aux idées de von Stulpnagel qui souhaite soutenir la rébellion et capituler. Suite à l'échec de l'attentat contre Hitler le 20 juillet, von Kluge se suicide le 18 août, et Rommel, accusé de haute trahison, reçoit l'ordre de se suicider le 30 octobre 1944 afin de le préserver lui et sa famille d'une arrestation et d'une condamnation à mort.
Le 18 août 1944, l'armée allemande évacue le village. La Roche-Guyon subit alors un inutile bombardement allié la soirée du 25 août 1944, les Allemands ayant alors tous déjà quitté les lieux ; soixante-quatre bombes frappent le village et huit le château. Le bombardement anéantit les communs du château, la toiture des écuries s'effondre et le château lui-même est éventré[13].
Après guerre, de longues restaurations sont engagées. Les parties les moins atteintes sont mises hors d'eau, puis les travaux se succèdent : la tour carrée en 1946, la couverture de l'escalier d'honneur et le passage de la chapelle en 1948, une partie des intérieurs de 1948 à 1953, les écuries en 1956, les communs en 1959[14].
Plusieurs fauteuils recouverts de tapisserie de la Savonnerie acquise par le comte Moise de Camondo (1860-1935), sont conservés au « musée Nissim de Camondo » à Paris[15].
Le château dans la littérature et la peinture
Au XVIIIe siècle, le coteau de La Roche-Guyon et son château troglodytique ont été peints en tant que paysages de peinture pittoresque par le peintre Hubert Robert. Au XIXe siècle Claude Monet, qui a résidé non loin à Vétheuil puis à Giverny, a également peint des paysages de La Roche-Guyon et de ses falaises. Au XXe siècle, Georges Braque représente le village en 1909 durant sa période dite du cubisme analytique.
Au XIXe siècle, un de ses propriétaires et habitants, le duc et cardinal Louis François de Rohan-Chabot y a invité en séjours le poète, écrivain, historien, et homme politique Alphonse de Lamartine qui y a écrit une de ses plus admirables méditations poétiques : la Semaine sainte à la Roche-Guyon.
Le château de La Roche-Guyon et le village servent de toile de fond à l'aventure du héros de BD le professeur Philip Mortimer, de Blake et Mortimer, intitulée Le Piège diabolique. Celle-ci fait également l'objet d'une scénographie dans les locaux du château, également présentée sur son site web. Les faits sur lesquels l'histoire s'appuie sont présentés de manière à paraître authentiques, mais sont apocryphes et nés de l'imagination de l'auteur, Edgar P. Jacobs.
Jardin et potager du château
Le potager du château de la Roche-Guyon, reconstitué et d'une surface de trois hectares environ, a rouvert ses portes temporairement au public le 5 juin 2004. Une nouvelle phase de rénovation, engagée en 2007, a permis une nouvelle ouverture au printemps 2009.
Annexes
Articles connexes
- Potager du château de la Roche-Guyon
- Autres lieux liés à la Maison de La Rochefoucauld :
Lien externe
Bibliographie
- Alain Quenneville et Thierry Delahaye, Photos de Christian Broutin, La Roche-Guyon, l'un des plus beaux villages de France, éditions du Valhermeil, 1996, 122 p. (ISBN 2905684690)
- Alain Quenneville et Thierry Delahaye, Rommel à La Roche-Guyon, éditions du Valhermeil, 1995, 47 p.
- Alain Quenneville, La Roche-Guyon, dix siècles d'histoire, 1991, 24 p.
Notes et références
- ↑ a, b et c Notice no PA00080181, sur la base Mérimée, ministère de la Culture
- ↑ La Roche-Guyon, l'un des plus beaux villages de France, p. 8.
- ↑ Suger, Vie de Louis VI le Gros, 1125, cité dans La Roche-Guyon, l'un des plus beaux villages de France, p. 8-10.
- ↑ Ibid., p. 15.
- ↑ « et entre les bras du seigneur de La Rivière que moult chèrement il aimait, rendit l'esprit à Nostre Seigneur, à l'heure de Midy, le 24e jour de septembre, ledict an 1380 et le 44e de son âge, le 17e de son règne. » (Christine de Pisan, Faits et actes du sage Roy Charles Quint)
- ↑ Ibid., p. 21-24.
- ↑ Ibid., p. 31
- ↑ Ibid., p 63.
- ↑ Ibid., p. 70.
- ↑ Ibid., p. 86-89.
- ↑ Notice no , sur la base Mérimée, ministère de la Culture
- ↑ Hans Speidel, Invasion 44
- ↑ Ibid., p. 111-114
- ↑ Ibid., p. 114-119
- ↑ P. Assouline, Le Dernier des Camondo, NRF/Gallimard, 1997, p. 54