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Affaire des avions renifleurs

- Wikipedia, 1/12/2011

Des informations de cet article ou section devraient être mieux reliées aux sources mentionnées dans la bibliographie ou en liens externes.

L'affaire des avions renifleurs est une affaire majeure d'escroquerie au détriment d’Elf Aquitaine qui s’est déroulée entre 1975 et 1979 en France. Elle a débouché sur un scandale politico-financier en 1983. Il s’agit du financement très coûteux d’un appareil fantaisiste censé détecter les gisements de pétrole. Un dispositif étant embarqué à bord d'un avion, le simple survol d'une zone aurait suffi à localiser à coup sûr les gisements.

L’expression « avions renifleurs » a été lancée par les journalistes de l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné. Outre l'aspect cocasse de cette mystification et le montant des sommes engagées, c’est le fait que le nom de Valéry Giscard d'Estaing soit associé à cette affaire qui lui a donné un tel retentissement.

Sommaire

L’affaire

L’« invention » et ses « inventeurs »

Deux personnages sont à l’origine de la pseudo-invention : Aldo Bonassoli, un agriculteur italien autodidacte et Alain De Villegas, un riche aristocrate vivant en Belgique. Ce dernier possède un diplôme d’ingénieur. Tous deux sont férus de science et avides de publicité.

À la fin des années 1960, les deux inventeurs prétendent déjà avoir fabriqué un appareil permettant la détection de nappes phréatiques. Le nouvel appareil est censé restituer sur un écran la composition du sous-sol, et donc déterminer l’emplacement de gisements de pétrole. C'est cette nouvelle version qui sera l'objet de la fraude.

Ils rencontrent dans des circonstances obscures un avocat français du nom de Jean Violet. Celui-ci a longtemps travaillé pour le SDECE, en collaboration avec certains responsables de l’Église catholique romaine afin de financer des opérations de déstabilisation dans les territoires satellites de l’Union soviétique via les communautés religieuses locales. C'est pourquoi il a pu développer un réseau de relations important, dont l'ancien président du Conseil Antoine Pinay et Philippe De Weck, un des patrons de l’Union des Banques Suisses (UBS).

Il est naturel que les promesses d'un tel appareil aient pu intéresser Elf. En effet, une détection aérienne des gisements de pétrole réduirait considérablement les frais engagés pour la prospection pétrolière.

La médiation avec Elf et les expérimentations

Elf est à l’époque une entreprise publique. Cela implique que les décisions importantes doivent avoir le consentement des représentants de l’État. D’autre part, l’invention pouvait également avoir des implications militaires importantes, notamment dans le domaine de la détection des sous-marins. Enfin, de nombreux membres actifs ou anciens du SDECE (les services secrets français de l’époque) travaillaient au sein d'Elf. Ces trois facteurs expliquent pourquoi l’implication des pouvoirs publics est si importante dans cette affaire.

Ce sont ces particularités que vont exploiter les médiateurs. Jean Violet utilise ses connaissances dans les milieux politiques et des services de l’État pour persuader la direction d’Elf d’investir dans le développement de l’appareil. Avec l’aide d’Antoine Pinay, du dirigeant d’UBS, de ses contacts parmi les anciens fonctionnaires des services secrets recyclés chez Elf (dont Jean Tropel, responsable de la sécurité au sein de l’entreprise) et dans la hiérarchie catholique (notamment le révérend père Dubois, dominicain français), il persuade Pierre Guillaumat, président d’Elf à ce moment, de réaliser des expérimentations.

La manipulation devient alors une véritable mystification. En effet, des expériences ont lieu avec un avion équipé de l’appareil des inventeurs au-dessus de sites déjà connus des ingénieurs d’Elf. L’appareil détecte tous les gisements car des sources internes à l’entreprise avaient fourni aux inventeurs les données nécessaires.

Les responsables politiques, dont le président de la République Valéry Giscard d'Estaing et le Premier ministre Raymond Barre donnent leur agrément.

Les contrats

Le Président Valéry Giscard d'Estaing

L'expérience débouche en 1975 sur un premier contrat pour le perfectionnement et le développement de l’appareil miraculeux. Le premier contrat représente 400 millions de francs de l’époque. Un deuxième contrat est signé en 1977, puis un troisième de 600 millions de francs en 1978. Au total, 1 milliard de francs sont engagés. Une partie de la somme servira aux pseudo-recherches, en particulier pour acquérir une flotte aérienne (dont un Boeing 707).

Entre-temps, les inventeurs prétendent avoir développé un appareil plus perfectionné et d’autres expériences réussies sont menées. L’une d’elles se déroule au-dessus du golfe du Lion et conduit à la fausse détection de onze gisements, selon le procédé décrit plus haut. Au printemps 1979, une autre est conduite en présence de Valéry Giscard d'Estaing.

Il existe deux versions de la réaction de Giscard. Les inventeurs ont soutenu que celui-ci était enthousiasmé par l'appareil. L’intéressé affirme qu’il était circonspect. Plus tard, ll rendra publique une note dans laquelle il exprime ses doutes et son inquiétude d’être face à une escroquerie.

La fin de la manipulation

La Cour des comptes

Albin Chalandon, président d'Elf à partir de 1977, diligente deux jeunes physiciens qui ne trouvent pas de trace de fraude. Cependant, la crédibilité des deux inventeurs s’effrite. Ils affirment en effet avoir découvert un gisement de pétrole en Afrique du Sud. Elf perd 100 millions de francs dans des forages qui ne révèlent aucune trace d’or noir.

Jules Horowitz, physicien au Commissariat à l'énergie atomique, dévoile l’escroquerie par une astuce très simple. Les inventeurs ont l’habitude de démontrer l’efficacité de leur appareil en faisant apparaître sur l’écran un objet placé derrière un mur. Le professeur y dispose une règle. L’image de celle-ci apparaît effectivement, mais Jules Horowitz avait pris soin au préalable de la plier. Or elle apparaît droite sur l’écran. Cela prouve que l’image était une simple photo préalablement rentrée dans l’appareil.

Enfin, la Cour des comptes s’intéresse de près à l’opération. Son rapport révèle des manipulations au sein d'Elf pour soutirer 800 millions de francs[1]et pointe du doigt la légèreté des pouvoirs publics. Raymond Barre exige d’être l’unique destinataire du document.

Le scandale

La révélation de l'affaire

Le 21 décembre 1983, Le Canard enchaîné révèle au grand public une partie de l’affaire. Il titre : « L’affaire des avions renifleurs ».

Dès le lendemain à l’Assemblée nationale, Henri Emmanuelli, alors secrétaire d’État au Budget qualifie de « forfaiture » la destruction du dernier exemplaire du rapport de la Cour des comptes. Le même jour, Valéry Giscard d'Estaing présente au journal télévisé d’Antenne 2 l’exemplaire du rapport en sa possession et dénonce ceux qui prennent « le risque honteux de l'abaissement de la France ».

Gilbert Rutman, n°2 d’Elf de l’époque, donne le 27 décembre 1983 une conférence de presse où il s’explique sur les choix de la direction de l’entreprise. Il déclare notamment « si c'était à refaire, je le referais ». D’autre part, il confirme que l'utilisation militaire de l’appareil a été envisagée.

Le lendemain, Albin Chalandon qualifie l’affaire de « misérable querelle ».

Le Canard enchaîné, à l’occasion d'un autre article sur l’affaire, conclut : « dans ce milieu, il vaut mieux passer pour un JR [en référence à John Ross "J.R." Ewing du feuilleton Dallas] que pour un gogo ».

Plus tard, le journaliste d’investigation Pierre Péan parvient à se procurer un exemplaire du rapport de la Cour des comptes.

Les suites de l’affaire

Raymond Barre parle d’« opération basse et indigne » et remet en 1981 à son successeur Pierre Mauroy un exemplaire du rapport.

Une commission d'enquête parlementaire rend un rapport de 650 pages qui laisse de nombreuses zones d’ombres. François Mitterrand intervient pour que son prédécesseur n’ait pas à être entendu par la commission.

Les zones d’ombres

Les intermédiaires

Les responsabilités n’ont pas toutes été mises en lumière. Il semble que de nombreuses personnes au sein d’Elf aient eu connaissance de l’escroquerie et aient volontairement trompé leur direction.

Pierre Péan évoque des ramifications lointaines de l’affaire. Il révèle notamment que certains rendez-vous ont eu lieu en territoire suisse, afin de compliquer les investigations policières et les poursuites judiciaires.

L'utilisation des fonds détournés

Les crédits ont été versés principalement à Fisalma, une société implantée à Panama et dont le fondé de pouvoir est Jean Violet et le président Philippe de Weck, président de la banque suisse UBS[2]. C'est cette société qui profitera des fonds détournés, et non les deux inventeurs.

Or cet individu se trouve lié à un cercle de conservateurs défendant les valeurs de l’Occident et ayant en Italie des liens étroits avec des membres de la hiérarchie catholique (comme le cardinal Marcinkus). La justice italienne a plus tard mis au jour une organisation qui ressemble plutôt à une entreprise mafieuse. Cette affaire a fait également scandale.

Il semble que les fonds détournés aient servi au financement de cette organisation. Cependant, le manque de sources sérieuses ne permet pas à ce jour de connaître toutes les dimensions de cette vaste escroquerie.

Dans son ouvrage Les Industriels de la fraude fiscale, Jean Cosson, ancien chef de la section financière du parquet de Paris, devenu conseiller à la Cour de cassation, démontre qu'il s'agit d'une fausse escroquerie. En effet, selon l'ouvrage (pp. 146/149), les escrocs n'étaient pas crédibles et la somme aurait pu être récupérée. S'appuyant sur le rapport parlementaire et sa propre enquête, Jean Cosson conclut que la décision d'accepter, en toute connaissance de cause, cette fausse escroquerie et ce vrai détournement, incombe au Premier ministre de l'époque, c'est-à-dire Jacques Chirac. Il conclut également que les sommes ont servi, au moins en partie, à constituer une caisse noire électorale pour la droite française (pp. 149/150).

Voir aussi

Affaire Elf

Bibliographie

Notes et références

  1. Cécile Bonneau, Quand les scientifiques trichent, Science et Vie, novembre 2008, page 62.
  2. Bilan, juin 1992

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