Jules Dufaure
- Wikipedia, 26/01/2012
Jules-Armand-Stanislas Dufaure[1], né le 4 décembre 1798 à Saujon (Charente-Inférieure) et mort le 27 juin 1881 à Rueil-Malmaison (Seine-et-Oise), est un homme politique français.
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Biographie
Après de solides études classiques (il séjourna à l'école des Oratoriens de Vendôme à la même époque qu'Honoré de Balzac), Dufaure fit son droit à Paris et, reçu avocat, s'inscrivit au barreau de Saintes, puis à celui de Bordeaux (1820). Premier avocat à plaider sans avoir écrit d'avance sa plaidoirie, il ne tarda pas à acquérir une grande réputation.
Membre de l'Assemblée constituante au lendemain de la révolution de 1848, il est un des artisans de la Constitution de 1848. Il est ministre de l'Intérieur du 13 octobre au 20 décembre 1848 dans le gouvernement de Cavaignac, puis sous la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte du 2 juin au 31 octobre 1849, gouvernement dans lequel il fait entrer son ami Tocqueville au poste de Ministre des Affaires étrangères.
Sous la monarchie de Juillet
Le 21 juin 1834, il fut élu député libéral par le 7e collège électoral de la Charente-Inférieure (Saintes)[2]. Cet arrondissement ne cessa de le réélire jusqu'en 1848 : le 14 août 1836, le 4 novembre 1837[3], le 2 mars et le 8 juin 1839, le 9 juillet 1842[4] et le 1er août 1846[5]. À la Chambre des députés, il siégea avec le tiers parti, se fit bientôt remarquer comme orateur d'affaires et conquit une haute situation parlementaire par ses discours à la tribune ou dans les bureaux par ses rapports.
En 1836, sous le ministère Thiers, il fut nommé conseiller d'État et cette circonstance détermina le premier renouvellement de son mandat législatif. Il se retira, à la chute du cabinet, avec Thiers, dont il était devenu le collaborateur, et entra avec lui dans une farouche opposition au ministère Molé.
À la chute de celui-ci, il brava la consigne de non-participation donnée par Thiers et entra le 12 mai 1839 dans le ministère Soult comme ministre des Travaux publics. Il eut à soutenir en cette qualité les grandes discussions qui s'ouvrirent au Parlement sur les modalités de réalisation des chemins de fer. Il quitta le ministère le 1er février 1840 et ne fit pas partie du second ministère Thiers, qu'il ne combattit cependant pas. Néanmoins, il attaqua vivement le projet de loi sur les fortifications de Paris. Il se signala également comme rapporteur du projet de loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
En 1842, il fut nommé vice-président de la Chambre des députés avec l'appui du gouvernement, et il fut renommé en 1845, cette fois grâce à l'appui de l'opposition.
Cormenin évoquait en ces termes son talent parlementaire : « Lorsqu'il demande la parole à la fin de la séance, c'est que la discussion s'égare et qu'il est temps de conclure. Il la prend, il la ramène dans ses voies ; il trace autour de ses débords les circonvallations puissantes de son raisonnement ; il dévide, il enroule ses preuves comme une ménagère fait tourner son fuseau sous ses doigts agiles ; ainsi il pousse ses fils dans toutes les directions ; il les rassemble, il les entre-croise et il en compose une maille si souple, si serrée et si forte que son adversaire enveloppé est obligé de mettre un genou en terre devant l'Assemblée et de s'avouer vaincu. »[6]
Il fut rapporteur de la loi sur les chemins de fer de 1842 et joua un rôle déterminant dans le vote de la loi qui créa un tracé général de six lignes partant de Paris.
En août 1846, Dufaure se rapproche politiquement d'Alexis de Tocqueville et de quelques autres députés (Corcelle, Rivet, Billault). Ils créent ensemble le parti de la « Jeune Gauche ». Malgré son hostilité grandissante à la politique de Louis-Philippe en 1847, il blâma vivement la « campagne des Banquets » et, lorsque le ministère Guizot fut mis en accusation par l'opposition dynastique, il lança aux ministres en passant devant leur banc : « Si vous aviez laissé faire le banquet, c'est alors que vous auriez mérité d'être mis en accusation ! »
Sous la Deuxième République et le Second Empire
Dufaure accepta la proclamation de la République après la Révolution de 1848 et fut élu, le 23 avril 1848, représentant de la Charente-Inférieure à l'Assemblée constituante[7].
Du 13 octobre au 20 décembre 1848, il fut ministre de l'Intérieur dans le gouvernement du général Cavaignac.
Du 2 juin au 31 octobre 1849, il devint ministre de l'Intérieur sous la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte.
Il se retire de la vie politique après le coup d'État du 2 décembre 1851, devenant membre du conseil de l'ordre puis bâtonnier du barreau de Paris. Il revient à la politique quelques années plus tard, en tant que membre de l'Union Libérale. Malgré plusieurs échecs aux élections législatives - notamment en 1859, en 1862 et en 1867 - il continue de lutter contre Napoléon III lors de nombreux procès politiques mettant en cause des personnalités de l'opposition libérale ou républicaine tels que le duc d'Aumale, Prévost-Paradol et Émile de Girardin, ou encore lors du célèbre "Procès des Treize" en 1864. Il est également directeur de campagne de Thiers lors de son élection à Paris en 1869 et s'oppose au référendum plébiscitaire de Napoléon III en 1870.
Le 23 avril 1863, il est élu à l'Académie française en remplacement du duc Étienne-Denis Pasquier.
Sous la Troisième République
En 1871, il est élu député par cinq départements.
Député modéré en 1871, il est nommé ministre de la Justice et vice-président du Conseil de février 1871 à mai 1873, et ministre de la Justice dans le cabinet Buffet en 1875. C'est en tant que Garde des Sceaux qu'il a contribué à la création du droit administratif français : lors d'une séance du Tribunal des conflits durant laquelle les voix se partageaient, il a dû voter et a choisi la compétence du Conseil d'État et non de la Cour de cassation. L'arrêt en question est aujourd'hui connu sous le nom d'arrêt Blanco rendu le 8 février 1873, il est considéré comme l'arrêt fondateur du droit administratif français[8].
Dufaure est nommé président du Conseil — il est le premier sous la Troisième République à porter ce titre — de mars à décembre 1876 puis de nouveau en décembre 1877 après la crise du 16 mai avec le triomphe de la coalition républicaine. Après la mort de Thiers, Dufaure devient le leader du parti Centre Gauche, aile modérée du bloc des gauches qui oblige Mac Mahon à « se soumettre ». Avec son Gouvernement il assurera encore l'intérim de ce dernier le 30 janvier 1879, jour de l'élection du président Jules Grévy.
Il a été nommé sénateur inamovible en août 1876. Les 14 mois pendant lesquels Dufaure gouverne constituent une année de calme relatif, avec la tenue de l'Exposition universelle de 1878 et le Congrès de Berlin. Mais endeuillé par la disparition de son épouse et âgé de 80 ans à la fin de l'année 1878, Dufaure préfère se retirer lors de la démission de Mac Mahon en janvier 1879, suite à l'ultimatum posé concernant les nominations dans le domaine militaire en particulier.
Mandats électifs
- 1834 : député de la Charente-Inférieure, élu à Saintes
- 1842 : vice-président de la Chambre
- 1845 : vice-président de la Chambre
- 1848 : représentant de la Charente-Inférieure à l'Assemblée constituante
- 1848 : député de la Charente-Inférieure à l'Assemblée nationale
- 1871 : député de la Charente-Inférieure
- 1876 : député de la Charente-inférieure, élu à Marennes
- 1876 : sénateur inamovible
Fonctions ministérielles
- 12 mai 1839-1er mars 1840 : ministre des Travaux publics
- 13 octobre 1848-20 décembre 1848 : ministre de l'Intérieur sous le gouvernement du Général Cavaignac
- 2 juin 1849-31 octobre 1849 : ministre de l'Intérieur dans le second gouvernement Odilon Barrot
- 19 février 1871-18 mai 1873 : vice-président du Conseil et ministre de la Justice (voir gouvernement Jules Dufaure (1) - le Grand Larousse encyclopédique ne mentionne pas de manière claire le changement de gouvernement du 18 mai comme le fait l'Encyclopedia Britannica)
- 18 mai 1873-24 mai 1873 : vice-président du Conseil et ministre de la Justice (voir gouvernement Jules Dufaure (2))
- 10 mars 1875-23 février 1876 : ministre de la Justice (voir gouvernement Louis Buffet)
- 23 février 1876-9 mars 1876 : président du Conseil, ministre de l'Intérieur et ministre de la Justice (voir gouvernement Jules Dufaure (3))
- 9 mars 1876-2 décembre 1876 : président du Conseil et ministre de la Justice (voir gouvernement Jules Dufaure (4) - à noter que le Grand Larousse encyclopédique, à la différence une fois encore de l'Encyclopedia Britannica, englobe les gouvernements Dufaure 3 et 4 comme un seul gouvernement)
- 13 décembre 1877-30 janvier 1879 : président du Conseil et ministre de la Justice (voir gouvernement Jules Dufaure (5))
Distinctions
- Bâtonnier du barreau de Bordeaux 1830-1832
- Bâtonnier du barreau de Paris 1862-1864
- Élu en 1863 à l'Académie française
Références
Notes
- ↑ Selon l’usage de l’époque, il n’était connu publiquement que sous le seul nom de « Dufaure » ou « M. Dufaure ». Les sources modernes le citent parfois comme « Jules Dufaure », parfois comme « Jules-Armand Dufaure », parfois comme « Armand Dufaure ».
- ↑ 319 voix sur 431 votants et 574 inscrits contre 73 à M. Brown
- ↑ 354 voix sur 442 votants et 628 inscrits
- ↑ 353 voix sur 464 votants et 668 inscrits contre 40 à M. Oudet, 33 à M. Boscal de Réals et 24 à M. Lemercier
- ↑ 422 voix sur 493 votants et 704 inscrits contre 12 à M. Oudet
- ↑ cité par le Dictionnaire des parlementaires français
- ↑ 5e sur 12 par 68.197 voix sur 111.907 votants et 136.016 inscrits
- ↑ Ce rôle de Dufaure est rappelé par le rapport du Tribunal des conflits pour 2005, p. 44
Liens externes
- Fiche biographique sur le site de l'Académie française
- Nécrologie parue dans Le Figaro daté du 28 juin 1881
- Nécrologie parue dans Le Petit Journal daté du 29 juin 1881
Sources
- « Jules Dufaure » , dans Robert et Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, 1889 [détail de l’édition]
- Georges Picot, M. Dufaure. Sa vie et ses discours, Paris, Calmann-Lévy, 1883
Bibliographie
- Yvert Benoît (dir.), Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007), Paris, Perrin, 2007, 916 p.
Précédé par Étienne-Denis Pasquier |
Fauteuil 3 de l’Académie française 1863-1881 |
Suivi par Victor Cherbuliez |