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Commission nationale du débat public

- Wikipedia, 9/12/2011

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La Commission nationale du débat public (CNDP) est une autorité administrative indépendante (AAI) instituée par la loi Barnier (1995) sur la protection de l'environnement, qui a réformé le Code de l'environnement français.

La loi lui confie mission de « veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement d'intérêt national de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes privées, relevant de catégories d'opérations dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, dès lors qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire » [1], mais elle n'a pas à se prononcer « sur le fond des projets qui leur sont soumis[1] ».

Plus précisément :

« Elle veille au respect de bonnes conditions d'information du public durant la phase de réalisation des projets dont elle a été saisie jusqu'à la réception des équipements et travaux[1] ».
« Elle conseille à leur demande les autorités compétentes et tout maître d'ouvrage sur toute question relative à la concertation avec le public tout au long de l'élaboration d'un projet[1] ».
Elle émet «  tous avis et recommandations à caractère général ou méthodologique de nature à favoriser et développer la concertation avec le public[1] ».

Sommaire

La participation du public

Elle peut prendre la forme d'un débat public.
C'est une phase obligatoire de la procédure d'instruction des grands projets d'aménagement ou d'infrastructure, qui permet aux citoyens de s'informer et d'exprimer leur avis sur l'intérêt et les conséquences de ces projets.
Dans ce cas :

  • Il porte sur l'opportunité, les objectifs et les caractéristiques principales du projet[1].
  • Il porte aussi sur les modalités d'information et de participation du public après le débat[1].
  • La participation du public est assurée durant « toute la phase d'élaboration d'un projet, depuis l'engagement des études préliminaires jusqu'à la clôture de l'enquête publique réalisée en application des dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du présent code ou du chapitre Ier du titre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique[1] ».


En France, ce principe de participation du public a été instauré par la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement, dite « loi Barnier », répondant à plusieurs directives européennes et à la Convention d'Aarhus.

En pratique, la CNDP constitue généralement des commissions particulières du débat public (CPDP) pour chacun des dossiers ouverts. Elle peut aussi confier l'animation du débat public au maître d'œuvre.

Historique

Reconnaissance du principe de participation

  • France - 10 juillet 1976 - La loi n°76-629 relative à la protection de la nature créé l’étude d'impact, ce qui permet au public de prendre connaissance des conséquences environnementales de l’ouvrage prévu.
  • Europe - Juin 1985 - Directive 85/337/CEE relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (révisée par la directive 97/11/CE de mars 1997).
  • France - 12 juillet 1983 – Loi Bouchardeau n° 83-630 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement, qui réforme l’enquête publique dont l’objet est d’informer le public et de recueillir ses appréciations, ses suggestions et ses contre-propositions.
  • Monde - 25 juin 1998 - La convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement est signée par 39 États
  • Europe - 7 juin 1990 - Directive 90/313/CEE concernant la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement applique la convention d'Aarhus, qui doit être déclinée par tous les états-membres.
  • Monde - Juin 1992 - Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement durable, adoptée en juin 1992, déclare en son principe 10 que « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens ».
  • France - 15 décembre 1992 - Circulaire Bianco relative à la conduite des grands projets nationaux d’infrastructures, prévoit une procédure de concertation sur l’opportunité des grands projets d’infrastructures dès la conception des projets.
  • France - 14 janvier 1993 - Circulaire Billardon relative aux lignes à haute tension, première application concrète de la circulaire Bianco.
  • France - Décembre 1993 - Rapport sur l’évaluation de la mise œuvre de loi Bouchardeau du 12 juillet 1983 remis au ministre de l’Environnement Michel Barnier insistant sur le caractère trop tardif de l’enquête publique et sur la nécessité de mettre en place une instance permanente et indépendante tant de l’administration que du maître d’ouvrage, garante de la participation du public.
    Des initiatives existent : Le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais entame une démarche de démocratie participative avec une volonté d'intégrer transversalement le développement durable à son « plan régional » et à son contrat de plan État-Région. Pour cela, fin 1992 et début 1993, l'institution interroge le Conseil économique et social régional (CESR), et invite les acteurs de la société civile à « douze débats publics et contradictoires », délocalisés dans différentes villes de la région. Les thèmes de ces débats correspondent à ceux traités par les commissions d'élus de l'institution. Chaque débat est préparé durant plusieurs mois, avec des représentants de la société civile, choisis par politiques, qui sont invités à faire des propositions. Ces débats sont préparés durant sic mois avec des groupes de travail représentant la société civile, dont les propositions sont présentées et discutées dans un débat final thématique. Ces propositions ont servi à construire les plans régionaux et contrats de plan, ainsi qu'à hiérarchiser certains enjeux et priorités[2].

Élargissement du principe de participation et Commission nationale du débat public

  • France - 2 février 1995 La loi "Barnier" relative à la protection de l'environnement pose le principe de participation du public ainsi « un débat public peut être organisé sur les objectifs et les caractéristiques principales des projets pendant la phase de leur élaboration » et pour en garantir son organisation et la qualité de sa mise en œuvre une instance est mise en place : la Commission nationale du débat public, dont le secrétariat est assuré par le ministère chargé de l'environnement.
  • Monde - 25 juin 1998 - Convention d'Aarhus, sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée par 39 Etats, membres du Conseil économique et social des Nations-Unis et la Communauté européenne.
  • France - 25 novembre 1999, Adoption par le Conseil d'Etat du rapport du groupe d’étude présidée par Nicole Questiaux redéfinissant la place de l'utilité publique et l'appréciation de l'intérêt général, notamment en y associant les collectivités territoriales, préconisant information et concertation avec le public non seulement en amont mais tout au long du processus de décision et proposant de transformer la CNDP en une instance indépendante, garante du bon déroulement du débat public.
  • France - 27 février 2002 la loi relative à la démocratie de proximité, conformément aux dispositions de la Convention d'Aarhus, intègre un nouveau chapitre intitulé « Participation du public à l’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».


Après des débats difficiles organisés de 2000 à 2006 sur les OGM, l'EPR, ITER ou la gestion des déchets nucléaires, le besoin d'une démocratie plus participative se fait sentir.

  • France - En 2007, le Grenelle de l'environnement instaure un grand débat national, régionalisé mobilise des milliers d'acteurs, sur la base d'un travail réalisé par des personnalités réunies par le Ministère de l'Écologie, produisant plus de 1000 propositions, en grande partie et en principe retenues par le gouvernement.
    En 2009 la [loi Grenelle I] confirme ce principe, et en 2010, la loi Grenelle II le précise en créant 3 nouveaux articles dans le code de l'environnement et en précisant les missions de la commission[3].

Limites et difficultés du débat public

Une première difficulté est liée à l'acculturation des administrations et du public dans un pays qui n'était pas habitué à la consultation constructive du public, ce qui produit parfois des débats qui suscitent plus d'émotion que de proposition constructive, ou qui ne sont que des chambres passives d'enregistrements d'avis, entretenant une inertie, sans réflexivité, là où le débat aurait pu produire de la co-construction et de l'évaluation partagée. Selon certains chercheurs, un débat public bien conduit a cependant une vertu intrinsèque d'apprentissage - voir notamment les réflexions de Louis Simard et Jean-Michel Fourniau (voir ouvrage[4] cité en bibliographie).


Le rôle parfois ambigu des administrations et des lobbies, la légitimation des acteurs (dont les experts, ou encore les riverains, volontiers décrédibilisés par référence au syndrome de Nimby quand ils posent des questions difficiles), et la pertinence du choix des critères du débat public sont questionnées, par exemple par Romain Rollant et Xavier Godard (dans l'ouvrage cité dans la bibliographie).
Les commissaires enquêteurs donnent des avis, dont la légitimité est également parfois discutée, en raison notamment du fait qu'ils n'ont pas de formation d'experts.


Limites liées aux critères de débat public

En France, les dossiers devant légalement faire l'objet d'un débat public sont retenus sur des critères quantitatifs plus que qualitatifs ; Seuls les projets importants (en termes d'argent dépensé ou d'importance matérielle des travaux) tels que des infrastructures de transport (routes, autoroutes, lignes de chemin de fer, ports et aéroports), des lignes de transport d'électricité à haute tension, des aménagements hydrauliques, des installations industrielles, notamment centrales nucléaires, usines de traitement de déchets, etc. sont soumis à enquête et débat. Or, d'un point de vue écosystémique, des petits travaux concernant des zones critiques peuvent aussi générer des impacts environnementaux importants et étendus.

Dans le domaine des infrastructures, la saisine de la CNDP par le maître d'ouvrage et la publication des caractéristiques du projet dans la presse nationale et locale sont obligatoires pour les aménagements de types création d'autoroutes, de routes express ou de routes à 2×2 voies à chaussées séparées ou élargissement d'une route existante à 2 ou 3 voies pour en faire une route à 2×2 voies ou plus à chaussées séparées, à partir des seuils suivants :

Type d’action Seuil de coût du projet
Saisine de la CNDP supérieur à 300 millions d'euros

ou longueur supérieure à 40 km

Publication des caractéristiques du projet

dans la presse nationale

compris entre 150 et 300 millions d'euros

ou longueur comprise entre 20 et 40 km

Modalités d’organisation du débat public[5].

La CNDP décide dans un délai de deux mois après la saisine des suites à donner :

  • soit, elle organise elle-même un débat public et met en place une commission particulière du débat public (CPDP),
  • soit, elle décide l'organisation d'un débat public qu'elle confie au maître d'ouvrage,
  • soit, elle recommande au maître d'ouvrage une concertation ou les modalités de concertation à mettre en œuvre,
  • soit, elle rejette la saisine.

Dans les deux premiers cas, le maître d'ouvrage dispose d'un délai de 6 mois pour établir le dossier du débat et pour proposer les modalités d'organisation.
Le débat se déroule pendant 4 mois. Cette durée peut être allongée de 2 mois en cas de contre-expertise demandée au cours du débat.
Il porte sur l'opportunité, les objectifs et/ou les caractéristiques principales du projet. À l'issue du débat, les organisateurs du débat rédigent un bilan et un compte rendu. Le maître d'ouvrage prend une décision motivée, publiée au Journal officiel, indiquant le principe et les conditions de la poursuite du projet.

Notes

  1. a, b, c, d, e, f, g et h Article L121-1 du Code de l'environnement, modifié par l'art. 246 de la loi Grenelle II n° 2010-788 du 12 juillet 2010
  2. Les actes de ces 12 débats sont archivés au conseil régional, ainsi que des documents préparatoires intitulés "Paroles d'acteurs"
  3. Article L121-1 du Code de l'environnement, modifié par l'art. 246 de la loi Grenelle II n° 2010-788 du 12 juillet 2010
  4. « Le débat public : une expérience française de démocratie participative »
  5. Les étapes du débat public sur le site du ministère de l’Équipement (France)

Voir aussi

Bibliographie

  • Le Débat public : une expérience française de démocratie participative, ouvrage collectif sous la direction de Martine Revel, Cécile Blatrix, Loïc Blondiaux, Jean-Michel Fourniau, Bertrand Hériard Dubreuil, Rémi Lefebvre, Édition La découverte, Collection : Recherches, novembre 2007, 416 pages ISBN : 978-2-7071-5341-8 (Table des matières)

Lien externe


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