Essai sur l'inégalité des races humaines
- Wikipedia, 6/01/2012
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Essai sur l'inégalité des races humaines est un essai du comte Arthur de Gobineau paru en 1853 pour la première édition, partielle, visant à établir les différences séparant les différentes races humaines, blanche, jaune et noire. Il est édité en entier pour la première fois en 1855. Joseph Anténor Firmin lui donnera la réplique en 1885. Gobineau inventa avec ce livre un des plus grands mythes du racisme contemporain : le mythe aryen.
Méthode
L'Essai sur l'inégalité des races humaines est un long ouvrage mêlant assertions scientifiques et préjugés populaires. Gobineau passe en revue l'histoire ancienne et sa succession de peuples et de civilisations à l'aune d'un critère unique: les trois races noire, jaune et blanche qu'il définit succinctement au début de l'ouvrage par quelques considérations essentiellement physiologiques et psychologiques. Son but est de "faire entrer l’histoire dans la famille des sciences naturelles"
Ainsi le mélange des races est pour Gobineau le moteur de l'histoire. Tout est réductible à cette cause comme il le souligne lui-même:
« je ne me dissimule pas non plus que la libre action des lois organiques, auxquelles je borne mes recherches, est souvent retardée par l'immixtion d'autres mécanismes qui lui sont étrangers. Il faut passer sans étonnement par-dessus ces perturbations momentanées, qui ne sauraient changer le fond des choses. À travers tous les détours où les causes secondes peuvent entraîner les conséquences ethniques, ces dernières finissent toujours par retrouver leurs voies. Elles y tendent imperturbablement et ne manquent jamais d'y arriver »
Gobineau analyse chaque peuple un à un, en expliquant ses réussites ou ses échecs selon la prédominance de tel ou tel élément ethnique en son sein; en réalité, sa vision ethnologique est marquée par une hiérarchie des races rarement dissimulée.
Guidé par ce principe raciste qu'il justifie peu au final, le contenu de l'œuvre apparaît donc essentiellement historique, avec l'aide de l'archéologie, de la linguistique, de la littérature. Parlant de l'ethnologie, Gobineau souligne que
« C’est la frapper de stérilité que de l’appuyer avec prédilection sur une science isolée, et principalement sur la physiologie. Ce domaine lui est ouvert, sans nul doute ; mais, pour que les matériaux qu’elle lui emprunte acquièrent le degré d’authenticité nécessaire et revêtent son caractère spécial, il est presque toujours indispensable qu’elle leur fasse subir le contrôle de témoignages venus d’ailleurs, et que l’étude comparée des langues, l’archéologie, la numismatique, la tradition ou l’histoire écrite, aient garanti leur valeur, soit directement, soit par induction, a priori ou a posteriori. »
Les analyses physiologiques des races sont en effet minoritaires chez Gobineau par rapport aux discours sur le caractère des peuples tels qu'il se révèle dans les annales ou dans l'archéologie. Au final, en plus de cette tendance à l'érudition, l'ouvrage frappe par sa forte charge littéraire, soulignée par exemple par Hubert Juin dans sa préface [1].
Résumé de l'ouvrage
Livre 1 : Considérations préliminaires
Gobineau y explique la cause de la chute des civilisations: Les civilisations sont
« Un état de stabilité relative, où des multitudes s'efforcent de chercher pacifiquement la satisfaction de leurs besoins, et raffinent leur intelligence et leurs mœurs »
Leurs décadences ne s'expliquent ni par des causes climatiques, ni par des considérations morales, ni par l'action du politique, mais par des causes raciales.
Contre l'idée d'une émergence de plusieurs races humaines dans le monde, Gobineau pose une origine commune à une époque adamique. Une période de climats très intenses (époque des géants) a modifié par la suite en profondeur la physiologie des hommes, et donné naissance à trois races bien distinctes, chaque race possédant son caractère propre. L'auteur affirme que ces caractères peuvent être hiérarchisés, avec au sommet les Blancs: Ainsi les noirs auraient le front fuyant, les traits affirmés, une intelligence inférieure, un sens de l'odorat et du goût développé, et un penchant pour l'extrême et le grotesque; les jaunes un front large d'où les traits peinent à se dégager, et un sens pratique visant à une jouissance tranquille de petit bourgeois; le blanc enfin est caractérisé par son sens de l'action et une largeur de vue très développée, associée à un manque de sensualité et de goût artistique.
Livre 2: Civilisation antique rayonnant de l'Asie centrale au Sud-Ouest
Gobineau dresse alors la carte des mouvements des races qu'il a définies: les Noirs se répandent d'Afrique jusqu'en Asie, les Jaunes depuis l'Amérique soit vers l'Europe, soit le long des côtes asiatiques (où ils fusionnent avec les Noirs dans le type du Malais), quant aux Blancs, le berceau de leur race serait situé autour de la Mongolie-Mandchourie.
Entre l'Asie et l'Afrique, plusieurs races, _notamment les Chamites, que Gobineau n'assimile pas aux noirs, et les Sémites_ développent des civilisations, toutes marquées à un degré plus ou moins fort, par un métissage avec la race noire: c'est le temps de l'Assyrie, de la Phénicie, ou de l'Egypte. Les monuments de ces civilisations s'expliquent selon lui par le goût de la démesure de ces peuples orientaux et le sens artistique des Noirs:
« « le nègre est la créature humaine la plus énergiquement saisie par l'émotion artistique » »
, mais cette émotion est toujours guettée par le grotesque.
Gobineau reconsidère ainsi les civilisations: la civilisation égyptienne aurait par exemple été stationnaire, tandis que l'Assyrie, berceau de l'art grec selon Winckelmann, lui serait supérieure.
Livre 3: Civilisation rayonnant de l’Asie centrale vers le Sud et le Sud-Est
L'Inde, pour laquelle Gobineau ne cache pas son admiration, voit la perpétuation d'une race arienne malgré de multiples invasions, grâce à une ségrégation par les castes: l'ordre de la société n'y est qu'un paravent d'un ordre racial.
Alors que les Ariens s'entredéchirent dans des divisions incessantes, la Chine se développe de manière presque autonome autour d'un Empire unifié, où règnent l'administration et l'utilitarisme.
Autour de ces deux civilisations, des peuples marqués par le sang noir se développent sans pouvoir atteindre à la perfection de l'Inde et de la Chine.
Les Blancs naissent en Mongolie, où ils sont surpris par la vitalité des Jaunes et se déplacent vers l'ouest, conquérant alors des territoires de peuples plus faibles.
Livre 4: Civilisations sémitisées du Sud-Ouest
Le miracle grec naît de la conjonction du sang blanc et jaune, et la décadence hellénistique s'explique par l'influence des peuples sémites environnants, sensible dans l'art monumental ou dans le despotisme politique.
Livre 5 : Civilisation européenne sémitisée
Rome se développe également grâce au sang blanc des différents peuples installés alors en Europe. Les Sabins, héritiers des Cimbres ou Gaulois, donnent une dimension aristocratique et guerrière à la Rome naissante. L'empire qui se crée par la suite ne fait qu'amalgamer les peuples et favoriser le métissage en ménageant les particularités de chacun par un droit de plus en plus développé. Rome, comme la Grèce, tombera à cause de ses tendances sémitiques visibles clairement dans le byzantinisme.
Livre 6: La civilisation occidentale
Tandis que les marches de l'Europe sont tenues par le Slave, marqué par son sang blanc, jaune et finnois, et sa personnalité
« trop faible et trop douce pour exciter de bien longues colères chez les hommes qui l'envahissent, sa facilité à accepter le rôle secondaire dans les nouveaux États fondés par la conquête, son naturel laborieux »
, les Ariens développent leur culture égalitaire de propriétaires terriens et de guerriers.
Les Ariens germains revivifient l'Empire romain et font entrer l'Europe dans le Moyen Âge, tandis que les Ariens scandinaves poussent leurs expéditions en mer noire et en Amérique. Cette vitalité, visible dans les villes italiennes, la France de l'Oïl ou la région du Rhin au Moyen Âge, se perpétuera dans l'entreprise d'expansion coloniale, avec le massacre, justifié dans la perspective naturaliste du développement des races, des peuples indiens, essentiellement jaunes, qui peuplaient l'Amérique.
Conclusion générale
Gobineau conclut sur un tableau pessimiste: la race blanche est pour lui le principe vivifiant qui met en contact les races et permet la civilisation; avec les empires coloniaux, elle a achevé sa tâche.
« Les deux variétés inférieures de notre espèce, la race noire, la race jaune, sont le fond grossier, le coton et la laine, que les familles secondaires de la race blanche assouplissent en y mêlant leur soie tandis que le groupe arian, faisant circuler ses filets plus minces à travers les générations ennoblies, applique à leur surface, en éblouissant chef-d'œuvre, ses arabesques d'argent et d'or. »
Dans le même temps, la race blanche s'annihile, puisqu'elle se dissout dans un métissage généralisé qu'elle a contribué à créer. L'histoire voit donc la disparition progressive de l'homme blanc, remplacé par des peuples métis uniformes et sans vitalité. Une fois que ce principe de vitalité aura disparu, l'humanité tout entière se laissera mourir.
Postérité
Théoriciens du racisme
Ces concepts ont servi à des groupes racistes pour justifier en partie leurs activités.
Polémiques et réfutations
En 1885, trois ans après la mort d'Arthur de Gobineau, l'écrivain haïtien Joseph Anténor Firmin publia un essai d'un volume comparable (650 pages) où il réfute les thèses sur l'inégalité des races. Le titre de son livre, De l'égalité des races humaines [lire en ligne], fait allusion au livre d'Arthur de Gobineau. Alors qu'il accepte a priori la notion de race, il explique le flou sur leurs définitions et l'absence de fondement des théories de hiérarchisation de ces races. Il souligne les réalisations noires à travers l'histoire, depuis l’Égypte antique et l’Éthiopie jusqu'à la République noire d'Haïti.
Citations
- Sur les Juifs, livre 1 chapitre 6
« On les vit guerriers, agriculteurs, commerçants ; on les vit, sous ce gouvernement singulièrement compliqué, où la monarchie, la théocratie, le pouvoir patriarcal des chefs de famille et la puissance démocratique du peuple, représentée par les assemblées et les prophètes, s’équilibraient d’une manière bien bizarre, traverser de longs siècles de prospérité et de gloire, et vaincre, par un système d’émigration des plus intelligents, les difficultés qu’opposaient à leur expansion les limites étroites de leur domaine. Et qu’était-ce encore que ce domaine ? Les voyageurs modernes savent au prix de quels efforts savants les agronomes israélites en entretenaient la factice fécondité. Depuis que cette race choisie n’habite plus ses montagnes et ses plaines, le puits où buvaient les troupeaux de Jacob est comblé par les sables, la vigne de Naboth a été envahie par le désert, tout comme l’emplacement du palais d’Achab par les ronces. Et dans ce misérable coin du monde, que furent les Juifs ? Je le répète, un peuple habile en tout ce qu’il entreprit, un peuple libre, un peuple fort, un peuple intelligent, et qui, avant de perdre bravement, les armes à la main, le titre de nation indépendante, avait fourni au monde presque autant de docteurs que de marchands. »
- Sur le tableau général des races, dans la Conclusion générale
« L’histoire humaine est semblable à une toile immense. La terre est le métier sur lequel elle est tendue. Les siècles assemblés en sont les infatigables artisans. Ils ne naissent que pour saisir aussitôt la navette et la faire courir sur la trame ; ils ne la posent que pour mourir. Ainsi, sous ces doigts affairés, va croissant d’ampleur le large tissu.
L’étoffe n’en revêt pas une seule couleur ; elle ne se compose pas d’une unique matière. Bien loin que l’inspiration de la sobre Pallas eu ait décidé les desseins, l’aspect en rappelle plutôt la méthode des artistes du Kachemyr. Les bigarrures les plus étranges et les enroulements les plus bizarres s’y compliquent sans cesse des caprices les plus inattendus, et ce n’est qu’à force de diversité et de richesse que, contrairement à toutes les lois du goût, cet ouvrage, incomparable en grandeur, devient également incomparable eu beauté.
Les deux variétés inférieures de notre espèce, la race noire, la race jaune, sont le fond grossier, le coton et la laine, que les familles secondaires de la race blanche assouplissent en y mêlant leur soie, tandis que le groupe arian, faisant circuler ses filets plus minces à travers les générations ennoblies, applique à leur surface, en éblouissant chef-d’œuvre, ses arabesques d’argent et d’or. »
- Sur l'avenir de l'humanité, dans la Conclusion générale
« En s’arrêtant même aux temps qui doivent quelque peu précéder le dernier soupir de notre espèce, en se détournant de ces âges envahis par la mort, où le globe, devenu muet, continuera, mais sans nous, à décrire dans l’espace ses orbes impassibles, je ne sais si l’on n’est pas en droit d’appeler la fin du monde cette époque moins lointaine qui verra déjà l’abaissement complet de notre espèce. Je n’affirmerai pas non plus qu’il fût bien facile de s’intéresser avec un reste d’amour aux destinées de quelques poignées d’êtres dépouillés de force, de beauté, d’intelligence, si l’on ne se rappelait qu’il leur restera du moins la foi religieuse, dernier lien, unique souvenir, héritage précieux des jours meilleurs. »
Bibliographie
- Première édition :
- Tomes I et II, livres 1 à 4, dédicace à Georges V, roi de Hanovre, Didot, Paris, 1853.
- Tomes III et IV, livres 5 et 6, conclusion générale, Didot, Paris, 1855.
- Deuxième édition en deux volumes, avec un avant-propos de l'auteur, Didot, Paris, 1884. Cette édition, préparée par l'auteur, est parue après sa mort. Le texte n'a pas été retouché.
- Essai sur l'inégalité des Races humaines, 1854. Édition de 1933.
- Réédition aux éditions Pierre Belfond, Paris, 1967, avec une introduction d'Hubert Juin. [lire en ligne] sur Les Classiques des sciences sociales.