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Suggérer c’est pirater

Le blog Dalloz - bley, 31/07/2012

Tel pourrait être résumée hâtivement la décision rendue par la Cour de cassation du 12 juillet 2012 (V. Dalloz actualité, 16 juill. 2012, obs. C. Manara) au sujet de la fonctionnalité « Google Suggest ».  « Google Suggest » est un outil qui propose en temps réel, aux internautes qui tapent leur requête, une liste de mots ou expressions [...]

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Tel pourrait être résumée hâtivement la décision rendue par la Cour de cassation du 12 juillet 2012 (V. Dalloz actualité, 16 juill. 2012, obs. C. Manara) au sujet de la fonctionnalité « Google Suggest ».  « Google Suggest » est un outil qui propose en temps réel, aux internautes qui tapent leur requête, une liste de mots ou expressions se rapprochant de leur recherche. Ces suggestions résultent d’un algorithme basé sur les recherches les plus régulièrement effectuées par les internautes. Dans cette affaire, le Syndicat national de l’édition phonographique (le SNEP) faisait grief à Google de proposer aux internautes recherchant des noms d’artistes, des titres de chansons ou d’albums, des suggestions de mots-clés tels que « torrent » (qui est un système d’échange de fichiers), « Megaupload » ou « Rapidshare » (qui sont des sites d’hébergements de fichiers), ce qui a pour vocation d’inciter, selon ce syndicat, au « téléchargement éventuellement illégal ».

Le SNEP estime que Google, en proposant ces mots-clés, porte atteinte au droit d’auteur ou à un droit voisin. Ce dernier souhaitait donc voir ordonner des mesures pour empêcher ces atteintes, conformément aux dispositions de l’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle en obtenant, d’une part, la suppression des termes litigieux des suggestions proposées par le moteur de recherche et, d’autre part, l’interdiction de proposer sur celui-ci des suggestions associant ces termes aux noms d’artistes et/ou aux titres d’albums ou de chansons.

Le déréférencement et l’opération de filtrage mis en œuvre par Google n’ont pas eu raison des griefs du SNEP, seule la suppression des trois mots-clés étant de nature, selon lui, à constituer « une mesure proportionnée au but poursuivi et efficace pour combattre le piratage en ligne ».

La Cour de cassation, dans sa décision du 12 juillet 2012, semble partager ce raisonnement et affirme que « Google Suggest » offre « les moyens de porter atteinte aux droits des auteurs ou aux droits voisins » en orientant « systématiquement les internautes […] vers des sites comportant des enregistrements mis à la disposition du public sans l’autorisation des artistes-interprètes ».

Cette décision prend le contrepied de celle rendue par la cour d’appel de Paris le 3 mai 2012, qui avait considéré que la suggestion de ces sites ne constituait pas en elle-même une atteinte au droit d’auteur dès lors que les fichiers figurant sur ces sites n’étaient pas tous nécessairement destinés à procéder à des téléchargements illégaux. De plus, l’échange de fichiers contenant des œuvres protégées, notamment musicales, sans autorisation ne rendait pas ces sites en eux-mêmes illicites, seule l’utilisation qui en est faite par ceux qui y déposent des fichiers et les utilisent peut devenir illicite.

La Cour de cassation rejette par ailleurs l’argument de l’inefficacité des mesures soulevé en appel.

Selon elle, « les mesures sollicitées tendaient à prévenir ou à faire cesser cette atteinte par la suppression de l’association automatique des mots clés avec les termes des requêtes de la part des sociétés Google, qui pouvaient ainsi contribuer à y remédier en rendant plus difficile la recherche des sites litigieux sans, pour autant, qu’il y ait lieu d’en attendre une efficacité totale ».

La décision rendue par Cour de cassation peut paraître surprenante puisque, quand bien même Google serait dans la capacité d’exclure ces mots-clés suggérés pouvant inciter au téléchargement, à l’instar de ce qui a déjà été fait pour les mots à caractère pornographique ou violent, il n’en demeure pas moins que le téléchargement de ces fichiers suppose un acte volontaire et réfléchi de l’internaute, comme cela avait été souligné par la cour d’appel.

La cour d’appel de Versailles, devant laquelle l’affaire a été renvoyée, devra ainsi confirmer (ou non) la décision rendue par la Cour de cassation.

Antoine Cheron
Avocat au Barreau de Paris et de Bruxelles, ACBM avocats


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