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Frissons d’assises, cet instant où le procès bascule

Le blog Dalloz - bley, 21/12/2012

Journaliste au Figaro, chroniqueur judiciaire depuis 2001, Stéphane Durand-Souffland nous livre, à travers cet ouvrage sorti en fin d’année aux éditions Denoël, un condensé de quelques-unes des scènes d’assises les plus mémorables de cette dernière décennie. Tragiques, glaçants, émouvants ou même drôles mais toujours surprenants, ces instants d’audience sont ceux qui, au cours du procès, [...]

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frissons_dassisesJournaliste au Figaro, chroniqueur judiciaire depuis 2001, Stéphane Durand-Souffland nous livre, à travers cet ouvrage sorti en fin d’année aux éditions Denoël, un condensé de quelques-unes des scènes d’assises les plus mémorables de cette dernière décennie. Tragiques, glaçants, émouvants ou même drôles mais toujours surprenants, ces instants d’audience sont ceux qui, au cours du procès, ont pu tout faire basculer.

L’auteur raconte avec minutie les secondes qui précèdent ces irrémédiables basculements, la moiteur ou la pesanteur de l’air et les dialogues qui s’enchaînent entre le juge et ses interlocuteurs jusqu’au revirement spectaculaire d’un témoin, aux aveux inattendus de l’accusé ou à la plaidoirie magistrale d’un avocat. « La plupart des procès basculent à un moment précis. Une fois ce moment passé, l’audience a pris une autre direction, elle file vers un  certain verdict et plus rien ne l’en détournera. Le destin de l’accusé se joue là, en une fraction de seconde durant laquelle le même frisson parcourt la salle », explique en avant-propos celui qui s’avoue « terrorisé » lorsqu’en mai 2000, on lui propose ce poste.

Le journaliste n’en est pas à son premier essai puisqu’il avait déjà publié en 2003 Un avocat général s’est échappé avec Philippe Bilger, en 2009 Face à Michel Fourniret avec Gilles Latapie ou encore Bête noire avec Eric Dupont-Moretti, sorti cette année également. Cette fois, c’est aux plus violentes et médiatiques affaires judiciaires qu’il s’attaque, en reprenant ses notes, procès par procès, et en y extirpant le meilleur ou le pire. Ainsi, on replonge dans les affres du procès de Guy Georges dit « le tueur de l’Est parisien », auquel il assiste quelques semaines seulement après sa prise de fonction. Il emmène le lecteur vers une inéluctable catharsis, celle des aveux de l’accusé qui finit par céder face aux interrogations des familles des victimes et au juge, qui le pousse dans ses retranchements. S’en suit sa dernière déclaration au procès retranscrite avec fidélité par le journaliste et dans laquelle le tueur multirécidiviste explique sa « haine contre la société » et demande pardon. L’année suivante, c’est le procès du tueur Patrice Alègre, décrit comme un « bloc de granit », totalement hermétique aux témoignages, jusqu’à ce qu’une avocate « aux collants rouges » réussisse quelques minutes à peine, à briser son silence. « L’instant où tout bascule » c’est aussi Myriam Badaoui, témoin clé de l’affaire Outreau, qui fléchit et innocente ses coaccusés alors que tous les éléments à charge du dossier reposent essentiellement sur ses déclarations. « La scène qui suit est gravée dans la mémoire de ceux qui l’ont vécue », prévient le journaliste. À côté des meurtres barbares et des viols sordides, il y a les criminels comme François Besse, ancien truand « considéré en son temps comme le roi de l’évasion », qui comparaît devant les assises après vingt ans de cavale. Arrivé en homme repenti, démythifiant l’épopée du gangster érigé en héros, il interroge par son charisme et son humilité les hommes de justice et le public sur la notion de juste peine.

À travers ces récits, Stéphane Durand-Souffland raconte le mystère des assises, ces audiences où tout peut arriver. Il en décortique la substance, décrivant par le menu ces atmosphères confinées, le rôle de ces personnages qui gravitent autour des accusés, eux-mêmes prisonniers de leurs mots, leurs attitudes et de l’image qu’ils renvoient depuis leur boxe. Particulièrement dur avec les avocats et magistrats qu’il ne juge pas à la hauteur de cet exercice aux enjeux immenses, il rend hommage à ceux qui, par leur finesse, leur éloquence et leur pugnacité, ont contribué à faire émerger le doute, la fragilité, le meilleur du procès. Au procès Viguier, notamment, cet universitaire toulousain accusé du meurtre de sa femme qui ne fût jamais retrouvée, il dépeint avec admiration l’avocat septuagénaire Henri Leclerc qui se lance dans une plaidoirie époustouflante qui va tout faire vaciller : « ce n’est pas de la magie, c’est quelque chose de bien plus stupéfiant qui va survenir : des mots et une voix vont emporter la cour et les jurés là où la défense veut qu’ils aillent ». À propos de Me Dupont-Moretti encore, en appel de la même affaire : « un plaideur d’exception qui lit les dossiers ligne à ligne, à la recherche de ce que personne d’autre n’a vu ». Sans oublier le président Coujard, « remarquable technicien des assises », « la grande humanité » du juge Getti et la subtilité de l’avocat général Philippe Bilger. Frissons d’Assises, ce sont au total quatorze affaires racontées à travers leurs scènes les plus mémorables, avec la même intensité que celle vécue par tous au procès. En somme, un livre passionnant et utile sur les grandes heures de l’histoire judiciaire.

Anaïs Coignac
Journaliste


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