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France : adoption de trois révisions constitutionnelles, trois mois avant la fin du mandat de Jacques Chirac

- wikinews:fr, 23/03/2009

Sommaire

20 février 2007. – Trois mois avant la fin du mandat de Jacques Chirac, actuel président de la République française, les députés et sénateurs, réunis en Congrès au château de Versailles, ont adopté, lundi 19 février 2007, trois révisions constitutionnelles, portant ainsi à 22 le nombre de modifications apportées depuis 1958 à la constitution du 4 octobre 1958.

Présentation

Comme le prévoit l'alinéa 3 de l'article 89 de la constitution, les trois textes, qui avaient auparavant été adoptés par les deux chambres du parlement dans les mêmes termes, ont été votés par le Congrès avec une majorité dépassant les trois cinquièmes [1] des suffrages exprimés.

Les trois révisions constitutionnelles avaient pour objet :

  • de compléter la définition du corps électoral pour l’élection des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie (projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 77 de la Constitution) ;
  • d'introduire une nouvelle rédaction des articles 67 et 68 de la Constitution ayant trait à l'immunité et à l'inviolabilité du chef de l'État (projet de loi constitutionnelle portant modification du titre IX de la Constitution) ;
  • d'inscrire dans la Constitution que nul ne peut être condamné à la peine de mort (projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort).

Dans les trois cas, les textes soumis à l'approbation du Parlement réuni en Congrès ont été présentés par un discours préalable de Dominique de Villepin, Premier ministre.

Depuis les débuts de la Cinquième République, en 1958, c'était la quatorzième fois que le Parlement se réunissait en Congrès. La session, comme il est prévue par la constitution, a été présidée par Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, dont il se murmure avec de plus en plus d'insistance, dans les milieux politiques et journalistiques, qu'il pourrait être nommé à la présidence du Conseil constitutionnel en début de semaine prochaine par le président de la République.

Corps électoral de Nouvelle-Calédonie

Le texte adopté est d'une lecture assez difficile. Il en ressort toutefois que, pour l'élection des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et de chacune des provinces qui la composent, le corps électoral est désormais gelé dans sa version fixée par l'article 188 de la loi organique n° 99-2009 relative à la Nouvelle-Calédonie. Les conditions sont les suivantes :

  • électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire à la date du 8 novembre 1998 et qui y ont leur domicile depuis le référendum national de 1988 ;
  • être inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au congrès et aux assemblées de province ;
  • avoir atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.

Dans la pratique, ce texte retire la qualité d'électeur, pour le congrès de Nouvelle-Calédonie et assemblées de provinces, aux électeurs français installés en Nouvelle-Calédonie depuis 1998.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

  • Nombre de votants : 870
  • Nombre de suffrages exprimés : 814
  • Majorité requise : 489 (3/5 des suffrages exprimés)
  • Pour l'adoption : 724
  • Contre l'adoption : 90
Votes émanant des députés Votes émanant des sénateurs
Groupe parlementaire Pour Contre Abst. Non-
votants
Groupe parlementaire Pour Contre Abst. Non-
votants
Groupe UMP 241 63 36 20 Groupe UMP 113 20 14 9
Groupe socialiste 147 0 1 2 Groupe socialiste 93 0 1 3
Groupe UDF 28 0 1 0 Groupe Union centriste-UDF 30 0 2 0
Groupe communistes et républicains 22 0 0 0 Groupe communiste républicain et citoyen 23 0 0 0
Le groupe sénatorial RDSE n'a pas d'équivalent à l'Assemblée nationale. Groupe RDSE 16 0 0 0
Députés non-inscrits 9 2 1 1 Sénateurs non-inscrits 2 5 0 0
Totaux 447 65 39 23 Totaux 277 25 17 12

Les parlementaires opposés à l'adoption du texte se situent essentiellement dans les rangs de l'UMP, formation du président de la République et de la plupart des membres du gouvernement. Sur 360 députés UMP, 241 ont voté "pour", 63 "contre", 36 se sont abstenus et 20 sont annoncés comme "non-votants". Sur sénateurs UMP, 113 ont voté "pour", 20 "contre", 14 se sont abstenus et 9 sont annoncés comme "non-votants". Les seuls autres parlementaires ayant choisi de s'opposer au texte se retrouvent dans les rangs des non-inscrits : 2 des 13 députés et 5 des 7 sénateurs.

Statut pénal du chef de l'État

La révision constitutionnelle adoptée remplace les articles 67 et 68 de la constitution, constituant jusque-là le titre IX consacré à la Haute Cour de justice, par deux autres articles ayant la même numérotation constituant un titre IX consacré à la Haute Cour.

Dans les faits, l'ancienne Haute Cour de justice, qui était théoriquement élue au sein des deux chambres du parlement, est remplacée par une nouvelle institution nommée Haute Cour, constituée des deux chambres du parlement dans leur ensemble (analogue, dans sa composition, au parlement réuni en Congrès).

Le projet crée également une procédure de destitution du président de la République, lointainement apparentée à la procédure américaine de l’« impeachment », le chef de l'État étant susceptible d'être déchu de ses fonctions « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Chacune des deux chambres du parlement doit voter la destitution à la majorité des deux tiers avant que n'intervienne un vote solennel en Haute Cour, dans les mêmes termes, pour entériner le résultat précédent.

Cette réforme a été critiquée à gauche, en ce sens que, selon ses détracteurs, elle instituerait un déséquilibre en faveur de n'importe quel président de la République issu des rangs de la droite en rendant peu probable une procédure de destitution à son encontre, du fait de la composition du Sénat, qui a toujours été « ancré à droite », et fragiliserait un président de gauche. Il faut remarquer que, pour qu'une procédure visant un président issu des rangs de la gauche puisse être menée à son terme, il faudrait qu'une assemblée nationale élue en même temps qu'un président « de gauche » vote en faveur de cette procédure, à une majorité des deux tiers. La probabilité d'obtention de ce cas de figure semble assez faible en cas d'élection quasi-simultanée du président de la République et de l'Assemblée nationale, surtout depuis la réforme constitutionnelle de septembre 2000 instituant le quinquennat, dont un des effets est de rendre probable la coïncidence entre les majorités présidentielle et parlementaire. On ne peut toutefois exclure le cas d'une dissolution de l'Assemblée nationale, dans le courant du mandat présidentiel, qui renverrait au Palais-Bourbon une majorité parlementaire hostile à l'hôte du palais de l'Élysée.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

  • Nombre de votants : 869
  • Nombre de suffrages exprimés : 652
  • Majorité requise : 392 (3/5 des suffrages exprimés)
  • Pour l'adoption : 449
  • Contre l'adoption : 203
Votes émanant des députés Votes émanant des sénateurs
Groupe parlementaire Pour Contre Abst. Non-
votants
Groupe parlementaire Pour Contre Abst. Non-
votants
Groupe UMP 290 31 22 17 Groupe UMP 134 13 6 3
Groupe socialiste 4 41 95 10 Groupe socialiste 0 17 79 1
Groupe UDF 3 23 1 2 Groupe Union centriste-UDF 1 25 5 1
Groupe communistes et républicains 0 20 1 1 Groupe communiste républicain et citoyen 1 22 0 0
Le groupe sénatorial RDSE n'a pas d'équivalent à l'Assemblée nationale. Groupe RDSE 11 1 4 0
Députés non-inscrits 3 7 3 0 Sénateurs non-inscrits 2 3 1 1
Totaux 300 122 122 30 Totaux 149 80 95 6

Les résultats du scrutin ont été plus serrés dans ce cas particulier, et leur observation montre une large dispersion des votes « contre ». On peut en outre observer que ce texte aurait pu échouer si les parlementaires socialistes s'étaient massivement prononcés contre son adoption au lieu de choisir l'abstention, attitude retenue par 174 parlementaires socialistes (4 ayant voté « pour », 58 ayant voté « contre » et 11 étant rapportés comme « non-votants ») : le nombre de suffrages exprimés aurait pu, dans ce cas de figure, avoisiner les 826 voix, ce qui aurait entraîné une majorité des trois cinquièmes autour de 495 voix, soit largement au-dessus des 449 voix finalement obtenues par le texte.

On remarque à cette occasion une erreur factuelle rapportée tant par la dépêche en français de l'agence Reuters, utilisée par le site Lexpress.fr (et rapportée également par Lemonde.fr), que par le compte-rendu rapporté par Lefigaro.fr (qui cite parmi ses sources l'Agence France-Presse). Au sujet de ce texte précis, Lexpress.fr écrit que « Les socialistes se sont finalement abstenus tout comme les communistes et apparentés », tandis que Lefigaro.fr rapporte pour sa part que « Les socialistes se sont finalement abstenus comme les communistes ». Assertions inexactes dans les deux cas, puisque les élus des groupes communistes des deux chambres ont massivement voté « contre » la réforme du statut pénal du chef de l'État.

Interdiction de la peine de mort

La troisième réforme, relative à l'insertion dans la constitution d'un article 66-1 stipulant que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort. », est finalement celle qui aura été la plus consensuelle puisque, sur 903 députés et sénateurs pouvant prendre part au vote, 828 se sont prononcés « pour » et 28 « contre ».

Les résultats du scrutin sont les suivants :

  • Nombre de votants : 876
  • Nombre de suffrages exprimés : 854
  • Majorité requise : 513 (3/5 des suffrages exprimés)
  • Pour l'adoption : 828
  • Contre l'adoption : 26
Votes émanant des députés Votes émanant des sénateurs
Groupe parlementaire Pour Contre Abst. Non-
votants
Groupe parlementaire Pour Contre Abst. Non-
votants
Groupe UMP 314 20 10 16 Groupe UMP 144 3 7 2
Groupe socialiste 145 0 0 5 Groupe socialiste 95 0 0 2
Groupe UDF 27 0 2 0 Groupe Union centriste-UDF 28 1 2 1
Groupe communistes et républicains 22 0 0 0 Groupe communiste républicain et citoyen 23 0 0 0
Le groupe sénatorial RDSE n'a pas d'équivalent à l'Assemblée nationale. Groupe RDSE 15 0 0 1
Députés non-inscrits 10 1 0 2 Sénateurs non-inscrits 5 1 1 0
Totaux 518 21 12 23 Totaux 310 5 10 6

Le compte-rendu de séance du Congrès rapporte que, lors de la séance de présentation du projet et d'explications de vote, l'intervention de Robert Badinter, auteur de la loi de 1981 ayant aboli la peine de mort, aujourd'hui sénateur socialiste, a été suivie d'une longue approbation de la grande majorité des congressistes présents dans l'hémicycle [2].

Notes
  1. Les alinéas 2 et 3 de l'article 89 de la constitution stipulent que :
    • Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.
    • Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée Nationale.
  2. Le compte-rendu du Congrès note que « Presque tous les parlementaires se lèvent et applaudissent longuement ».

Sources

Sources francophones
  • ((fr)) – Lefigaro.fr et AFP« Les révisions constitutionnelles adoptées ». Lefigaro.fr19 février 2007.


Sources anglophones
Source germanophone


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