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La déchéance de François Le Pen

Actualités du droit - Gilles Devers, 29/12/2015

86% des Français favorables à la déchéance de nationalité , c’est...

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86% des Français favorables à la déchéance de nationalité, c’est super : ça laisse 14 % de défavorables, donc environ 9 millions pour aller faire la bringue, avec des fêtes généreuses, aventurières et fondantes. D’ailleurs, Dieu a dit : « Il n’y a pas de mal à se faire du bien ». Et pour les 86% autres – des contaminés de la trouille que, par sens moral et civique, nous devons chercher à ramener dans le droit chemin – voici une petite séance de thérapie, offerte par le dispensaire de santé mentale du blog.

 

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- Docteur Blog, j’ai peur. Tout ira mieux quand les méchants Français sauront que, s’ils font les méchants, ils perdront leur passeport.

- Allongez-vous, détendez-vous et respirez profondément. C’est bon ?

- Oui, Docteur Blog, mais comme j’ai peur, j’ai peur d’avoir peur même quand je n'ai pas peur. Et ça, ça fait peur. 

- Ces salades, c’est totalement illusoire. Qui peut imaginer que celui qui est prêt à commettre des actes terroristes graves, à tuer des innocents, avec un risque maximal de se faire sauter ou de se faire ratatiner, va renoncer parce qu’il risque de perdre son passeport français ? Cette mesure est parfaitement inefficace. Au demeurant, comme la déchéance de nationalité est une idée du Front National, il est logique qu’elle soit illusoire… Un pur produit de la SARL Le Pen : « Parler et surtout ne rien faire ».

- Certes Docteur Blog, mais j’ai peur. Il faut éliminer les méchants, et comme la peine de mort, hélas, n’existe plus, la seule solution est de les dégager…

- … sauf que c’est illusoire ! Même si la loi est votée, elle ne pourra jamais être appliquée. Cette loi vise à déchoir de la nationalité française des personnes françaises car nées en France, ayant acquis par la suite une seconde nationalité, souvent pour des raisons familiales. Alors, regardons cela de manière pragmatique.

-  Docteur Blog, le pragmatisme me fait peur.

- Je sais, mais il faut être courageux : pas facile de vivre décalé du réel. L’histoire, donc, c’est un Français né en France, ayant acquis ensuite une seconde nationalité, qui commet en France un fait d’une particulière gravité, lié au terrorisme. Il y aura donc dans les médias une diffusion maximale de l’affaire, puis du procès, et la déchéance de nationalité n’interviendra qu’après l’exécution de la peine. C’est un processus qui prend de nombreuses années, et dans la plus grande clarté.

- Docteur Blog, la clarté me fait peur.

-  Certes. La clarté surprend au début, mais après, c’est tout bénef, croyez-moi. L’autre pays, celui de la seconde nationalité, sera avisé dès le premier jour qu’un mec à qui il a octroyé une seconde nationalité – un gus qu’il connait à peine et qui est un criminel de la pire espèce – risque de lui être livré dans 20 ou 30 ans, à la fin de sa peine. Donc, que va faire cet Etat ? Il va retirer cette seconde nationalité, et il le fera sans état d’âme, car c’est le moyen radical pour ne pas avoir à gérer le lascar.

- Docteur Blog, j’ai peur de comprendre. Il suffira au pays de l’autre nationalité, qui sera avisé bien à l’avance, de retirer la seconde nationalité pour rendre la déchéance de nationalité française impossible ?

- C’est exactement cela. Un principe universel, repris par le Code civil, dispose que la loi ne peut créer un statut d’apatride. Donc, une personne doit toujours avoir une nationalité. Et si cette personne n’en a qu’une seule, on ne peut pas la lui retirer.

- Docteur Blog, j’ai peur de comprendre que François Le Pen se fiche de ma figure.

- Tu as très bien compris, mais il faut encore que j’ajoute un peu de clarté.

- Docteur Blog, vas-y mollo. J’ai vraiment peur de la clarté. Devenu trouillard, je me suis créé un univers fantasmatique, bercé par les contes enchantés de François Le Pen, El Blanco et tous leurs petits copains, genre les chaînes continues de dézinfos. Aussi, je ne suis plus tellement habitué au monde réel.

- Le monde réel… Imagine la crise diplomatique qui résulterait de telles mesures, si l’autre Etat n’a pas réagi en retirant la seconde nationalité.

Je reprends : il s’agit d’un mec né en France, qui a ensuite acquis une seconde nationalité – celle d’un pays qu’il ne connaît à peine – et qui s’est complètement déréglé au point de commettre des actes terroristes graves dans la société française … Et lorsque le type sort de la prison française, laminé par 20 ou 30 ans passé à la rate, on le colle dans un avion pour le réexpédier dans un État qui le connaît à peine, et qui va devoir gérer la sécurité et le social de ce desperado, le contrôler, surveiller ses relations, ce sans pouvoir l’entauler… car le mec a déjà été jugé et a purgé sa peine… Merci du cadeau ! La France exporte ses enfants terroristes et les refile à des pays tiers… La meilleure solution pour l’État d’accueil serait alors, par application du principe de l’emmerdement minimum, d’exfiltrer discrètement le type, pour qu’il rejoigne les réseaux internationaux du terrorisme. Vraiment, si c’est pour lutter contre le terrorisme, c'est une réussite...

- Docteur Blog, j’ai peur que vous ne soyez un doux rêveur. Car l’Etat de la seconde nationalité peut aussi vouloir récupérer le lascar pour lui filer la raclée qu’il mérite, ce que nous ne pouvons faire, hélas, du fait de nos lois tristement humanistes.

- Sauf que c’est impossible, car le droit fondamental prohibe d’expulser une personne vers un État où elle risque de faire l’objet de traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

- Docteur Blog, j’ai peur de comprendre que cette mesure de déchéance de nationalité préconisée par François Le Pen ne sert à rien ?

- Détrompez-vous, cette mesure est très utile. Bien sûr, il n’y a aucune efficacité contre le terrorisme, mais chacun sait il ne s’agit pas de lutter contre le terrorisme. Le deal est de l’utiliser à des fins politiques, comme l’a si bien théorisé le maître à penser du Parti socialiste, Georges W. Bush. François Le Pen a d’abord besoin de masquer ses échecs sur le chômage et l’endettement. Ce sont les causes fondamentales du « mal français », dont il est responsable. Par ailleurs, comme il devait faire risette aux investisseurs saoudiens, émiratis et qataris, il s’est engagé dans des problématiques infernales en Syrie, et a réussi à importer le terrorisme en France. Enfin, il a choisi une politique économiquement libérale et sociologiquement bobo, et s’est coupé de pans entiers de la classe populaire, qui maintenant votent pour la SARL Le Pen. Aussi, son projet n’est pas de combattre le chômage, l’endettement ou le terrorisme, mais de se trouver, en mai 2017, au second tour de la présidentielle contre Marine Le Pen. C’est pour cela qu’il ne cesse de la mettre en valeur, notamment en reprenant sa proposition de déchéance de nationalité. Dans ce plan, il faut stigmatiser le communauté musulmane, car - ne racontons pas d'histoires - c'est le message essentiel de ce projet. C'est un  véritable appel à la haine. Le général qui n'a pas d'autorité suit ses troupes, c'est bien connu.

- Docteur Blog, j’ai peur que François Le Pen me prenne pour un con.

- Ce n’est pas une peur, mais une réalité.

- C’est vrai Docteur Blog ?

- Bien sûr, mon cher ami. Pour aujourd’hui, je ne vous délivre pas de prescription, mais voici l’adresse de l’électricien du coin, et vous y trouverez à bon prix un interrupteur pour re-brancher votre cerveau.

- Docteur Blog, l’idée d’avoir à réfléchir me fait peur. Vous me renvoyez à mon sort d’être humain, alors que je préfère tellement être un numéro.

- Pas de problème. C'est à vous de choisir... Voici le numéro de votre case, et soyez heureux.  


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