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Mariage avec un ex-beau-père : La petite ouverture de la Cour de cassation

Actualités du droit - Gilles Devers, 7/12/2013

Le Code civil interdit le mariage entre la bru et l’ex-beau-père, ou le...

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peut-etre une histoire d'amour.gifLe Code civil interdit le mariage entre la bru et l’ex-beau-père, ou le gendre et l’ex-belle-mère. Pourtant, la Cour de cassation vient de légitimer une telle union… Attention, l’interdit n’a pas disparu. Dans cette affaire, la Cour de cassation a retenu que le mariage avait duré 22 ans, et que la réalité de cette vie méritait protection (1° chambre, 4 décembre 2013, n° 12-26.066, publié).

En 1969, Denise épouse Claude, et de cette union, nait en 1973, une fille, Fleur. Le couple se sépare, et le divorce est prononcé en 1980 dans un contexte conflictuel, Claude ayant été condamné pour des violences conjugales.

En 1983, Denise épouse son ex-beau-père, Raymond. De fait, Fleur partage alors, au jour le jour, la vie commune avec son grand-père. Tout le problème est que, légalement, ce mariage n’aurait pas dû être prononcé.

En effet, l'article 161 du Code civil interdit d’épouser son beau-père ou sa belle-mère : « En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne ».  De jurisprudence certaine, les beaux-parents sont assimilés à des ascendants directs. Mais l’officier d’état civil n’a pas tilté, et le ministère public n’a pas formé opposition… Le mariage, illégal, a donc été prononcé.

En mars 2005, Raymond décède. S’ouvre alors la succession, qui met en concours le fils unique, Claude, et la veuve, Denise, instituée comme légataire universelle de la quotité disponible. Claude engage alors une action en contestation du mariage de 1983, en invoquant l'article 161. Le Tribunal de grande instance de Grasse annule le mariage, décision confirmée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Dernière chance : la Cour de cassation.9782879297606.jpg

Par application stricte de la loi, l’annulation est certaine, car le beau-père étant un ascendant direct, au sens de l’article 161. On peut s’interroger sur le pourquoi de cette règle. S’agissant des relations amoureuses intrafamiliales, le Code civil n’est pas dans une logique d’interdit absolu, car le mariage entre cousins est possible. Dans le même temps, le mariage est prohibé entre adoptant et adopté. C’est dire qu’est moins en cause la consanguinité qu’une dérive relationnelle, l’inceste. Ce n’est pas que c’est dangereux : c’est que ça ne se fait pas, car on dilue une génération familiale.

La CEDH donne une bonne référence (13 septembre 2005, n° 36536/02, B. L. c/ Royaume Uni) avec une législation anglaise du même type. La CEDH s’était fondée sur l’article 12 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour dire que l’annulation du mariage entre un beau-père et sa belle-fille, divorcée de son fils, poursuivait certes le but légitime de la protection de l’intégrité de la famille, mais constituait une atteinte excessive au droit au mariage consacré par l’article 12. Pour la Cour, « les limitations apportées au droit au mariage ne doivent pas restreindre ou réduire ce droit d’une manière telle que l’on porte atteinte à l’essence même du droit ».

La cour d’appel d’Aix, pour confirmer l’annulation du mariage, avait retenu plusieurs points, montrant l’importance de l’article 161 du Code civil :

- la prohibition subsiste lorsque la personne qui a créé l’alliance est dissoute par divorce ;

85568346_o.jpg- l’empêchement à mariage entre un beau père et sa bru est justifié en ce qu’il répond à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille en maintenant des relations saines et stables à l’intérieur du cercle familial ;

- cette interdiction permet également de préserver les enfants, qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultes autour d’eux, et le dossier montrait que Fleur, qui n’avait que de dix ans lors du remariage, avait été marquée.

La Cour de cassation ne se fonde pas sur l’article 12, mais sur l’article 8 de la Convention EDH. Elle juge, de manière lapidaire, que l’annulation du mariage constituait une ingérence injustifiée dans l’exercice du droit de Denise au respect de sa vie privée et familiale dès lors que « cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans ». C’est donc un arrêt important, mais qui n’a pas de portée générale.

En écartant l’article 12 – le droit au mariage – pour se fonder sur l’article 8 – l’intimité de la vie privée – la Cour montre nettement que l’article 161 n’est pas remis en cause dans son principe. Si demain, une autre Denise et autre Raymond se présente devant le maire, celui-ci doit refuser de prononcer le mariage. C’est bien parce qu’il y avait vingt-deux ans de mariage et que l’ex-époux, qui était informé depuis cette date, avait tardé à engager la procédure que l’annulation a été refusée, comme remettant en cause de manière disproportionnée le droit à l’intimité de la vie privée.

Si l’amour est le plus fort, alors ne renoncez pas,… et vivez la vie comme elle vous chante. On vous laissera tranquille tant que vous ne demandez pas à passer devant le maire. Même chose si vous voulez plusieurs maris ou plusieurs femmes. 

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