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Coupe d’Europe de rugby : vers un happy end

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesne, Quentin Julia, 29/04/2014

1. Depuis quelques années, des tensions ont grandi dans le monde de l’ovalie européenne et française. D’un côté, de nombreux clubs professionnels français et la ligue nationale de rugby à laquelle ils appartiennent (« la LNR » ou « la ligue »). De l’autre côté, la fédération française de rugby (« la FFR »), l’International Rugby Board (« l’IRB ») ainsi que l’European Rugby Cup (« l’ERC »).
2. Les causes de ces tensions, hormis le conflit opposant les deux diffuseurs anglais, étaient le trop grand nombre de clubs engagés, selon les ligues française et anglaise, dans la plus prestigieuse des coupes européennes, la « H Cup » ainsi que la répartition financière entre les ligues, issue en majorité des droits télévisés, jugée inéquitable par ces mêmes ligues.

3. Le 22 septembre 2013, malgré l’opposition de la FFR, la LNR associée à la ligue professionnelle anglaise franchissait le pas et annonçait la création d’une nouvelle compétition européenne, venant concurrencer la prestigieuse H Cup, baptisée Rugby Champions Cup (« la RCC »), dès la saison 2014/2015.

4. Le 10 avril 2014, un accord entre les parties vient mettre un terme au conflit : il passe par la création de l’European Professional Club Rugby (« l’EPCR »).

5. Rétrospectivement, l’on peut se demander si les ligues auraient pu, régulièrement, créer une compétition dissidente, à l’échelle européenne en passant outre la position de la FFR.

6. Sur ce point, la FFR avait d’ailleurs pris une position très ferme par communiqué en indiquant qu’aucune nouvelle compétition internationale ne pouvait être créée sans son accord.


i. En droit, la LNR n’est effectivement pas autonome de la FFR en matière de compétitions internationales de clubs.

7. Cette dépendance résulte d’une application combinée des dispositions du code du sport, des statuts même de la LNR et de la convention signée entre la FFR et la LNR (« la Convention »).

8. Cela trouve son origine dans les prérogatives de puissance publique dont dispose la FFR en tant que fédération sportive délégataire de service public : il ressort en effet des dispositions des articles L. 131-14 à L. 131-16 du code du sport que la fédération qui a reçu délégation du ministre chargé des sports a la compétence d’organiser les compétitions sportives, notamment internationales et, aussi, d’édicter les règlements relatifs aux compétitions qu’elle organise.

9. Les articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-9 du code du sport prévoient, quant à eux, que la fédération sportive peut créer et déléguer certaines tâches à une ligue professionnelle dont les relations sont fixées par une convention, laquelle précisera la répartition des compétences et les conditions dans lesquelles elles exercent en commun l’élaboration du calendrier des compétitions professionnelles.

10. Le code du sport fixe des principes cadres pour la répartition des compétences entre les ligues professionnelles et les fédérations délégataires qui ne font pas obstacle, en théorie, à une délégation par la fédération à la ligue professionnelle des questions relatives aux compétitions professionnelles internationales R.132-9R.132-17code du sport.

11. Toutefois, dans les faits, une telle délégation n’a pas été accordée par la FFR.

12. D’une part, les statuts de la LNR ne permettent pas de reconnaître une telle compétence autonome à la LNR. En effet, l’article 4 des statuts de la LNR circonscrit la compétence autonome de la LNR à l’organisation du « Championnat de France professionnel de 1ère et 2ème division et de toute autre compétition créée dans les conditions fixées par la convention conclue avec la FFR, en application des articles R.132-9 et suivants du code du sport ». En matière de compétitions internationales, la LNR dispose d’une compétence restreinte dès lors que l’article 5 de ses statuts stipule que la LNR « participe, paritairement avec la FFR, à l’organisation et à l’élaboration des Règlements des compétitions internationales dans lesquelles sont engagés les clubs membres de la LNR. Cet engagement doit être exercé dans le cadre des accords conclus par le FFR avec les institutions officielles gérant le rugby international ».

13. D’autre part, la Convention en vigueur entre la LNR et la FFR pour la période 2013-2017 est dépourvue d’ambiguïté.

14. L’article 9 de la Convention précise que « la LNR et les clubs professionnels ne peuvent respectivement organiser ou participer à des rencontres ou compétitions nationales ou internationales sans l’accord de la FFR ».

15. L’article 14 de la Convention stipule que :

1. « la représentation internationale du rugby français relève de la compétence de la FFR » ;

2. « dans le cadre de ses discussions au niveau international, le LNR s’interdit toute démarche, prise de position, décision, susceptible d’entrer en contradiction avec l’intérêt supérieur du rugby français […] » (l’intérêt supérieur du rugby se définissant, conformément à l’article 4 de cette même Convention, notamment, comme le respect des engagements internationaux souscrits par la FFR ainsi que des positions défendues par celle-ci au nom du Rugby français au plan international).

ii. En fait, une difficulté juridique surmontée par le gentleman agreement intervenu entre les ligues professionnelles française et anglaise et le soutien de la fédération anglaise de rugby (Rugby Football Union).

16. A la lumière de l’accord officialisé le 10 avril, force est de constater que les clubs et les ligues ont obtenu gain de cause.

Les deux motivations principales des ligues étaient, d’une part, d’abaisser le nombre de clubs participants et, d’autre part, de trouver une répartition financière plus favorable aux clubs français et anglais.

17. Les termes de l’accord sont les suivants : la compétition principale, renommée RCC, sera ramenée de 24 à 20 clubs, dont 6 à 7 clubs français et anglais, les clubs de la ligue celte (regroupant l’Irlande, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Italie) n’auront plus que 7 places au lieu de 11.

18. La nouvelle redistribution financière sera, aussi, à l’avantage des ligues française et anglaise. Alors que l’ancienne compétition prévoyait de reverser 25% des bénéfices à la ligue française ainsi qu’à la ligue anglaise et 50% à la ligue celte, le nouveau format prévoit de reverser un tiers des bénéfices à chaque ligue.

19. Enfin, cet accord scelle la fin de l’existence de l’ERC. La nouvelle instance, l’EPCR, sera basée en Suisse et dirigée par un comité de direction représentant toutes les parties et un comité exécutif qui gèrera la partie commerciale.



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