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La loi répond à la violence des fachos

Actualités du droit - Gilles Devers, 6/06/2013

Fondamentalement, la loi s'oppose à la violence. Aussi on attend un réponse...

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Fondamentalement, la loi s'oppose à la violence. Aussi on attend un réponse noble et forte de la loi face à des personnes et des groupes qui incluent la violence dans leur mode de fonctionnement. Il faut être clair : soit la mort de Clément Méric est un acte isolé, et le coupable doit seul en répondre ; soit cette mort s’inscrit dans la logique violente d’un groupe, et le groupe doit en répondre, au civil et au pénal. Ce soir, nul ne peut soutenir que cette agression était un fait isolé. Un groupe est engagé, alors… action !

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L’agression

L’enquête précisera les faits, mais on sait qu’un coup violent a causé la mort. Le coup, peut-être avec une arme, a renversé Clément, et dans la chute, sa tête a heurté un poteau, causant un grave traumatisme crânien. L'agresseur avait l'intention de frapper, pas de tuer, mais la mort est survenue comme conséquence des coups.

C’est un crime, défini par l’article 222-7 du Code pénal : violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, passible de quinze ans de réclusion criminelle. L’article 222-8 prévoit les circonstances aggravantes, qui portent le maximum à 20 ans. Sont susceptibles d’être retenues les circonstances que le crime a été commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice (8°), avec préméditation ou avec guet-apens (9°) et avec usage d’une arme (10°).

Prochaines étapes : désignation d’un juge d’instruction, constitution de partie civile de la famille, enquête, recherche des complicités, expertises psy, examen des ordinateurs… On va en apprendre sur le fonctionnement réel de ces groupes fachos.  

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Dissoudre ces groupes ?

Le texte de référence, qui a longtemps été la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat, est désormais l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure.

« Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait :

« 1° Qui provoquent à des manifestations armées dans la rue ;

« 2° Ou qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées ;

« 3° Ou qui ont pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d'attenter par la force à la forme républicaine du Gouvernement ;

« 4° Ou dont l'activité tend à faire échec aux mesures concernant le rétablissement de la légalité républicaine ;

« 5° Ou qui ont pour but soit de rassembler des individus ayant fait l'objet de condamnation du chef de collaboration avec l'ennemi, soit d'exalter cette collaboration ;

« 6° Ou qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ;

« 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger ».

Alors, dissoudre ? Si les critères sont réunis, la mesure s’impose. Toutefois, les flics peuvent juger préférable de laisser ces groupes pour mieux les surveiller.

Punir ces groupes

Dissoudre relève de la prévention, mais il faut aussi punir, et le Code pénal a tout prévu, et de longue date.

Constitue un groupe de combat, en dehors des cas prévus par la loi, tout groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté d'une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l'ordre public (Article 431-13).

La sanction ? Le fait de participer à un groupe de combat est puni de trois ans d'emprisonnement (Article 431-14) et participer à la reconstitution d’un groupe dissous, de 5 ans (Art. 431-5). Il y a un tarif spécial pour l’organisateur : cinq ans (Art. 431-16) et sept en cas de reconstitution (Art. 431-17).

L’article 431-21 permet la confiscation du matos.

Parmi les cas célèbres, il faut citer la dissolution du « Service d'action civique » (SAC) qui « tant en raison de ses activités que par sa forme et son organisation, présentait le caractère d’un groupe de combat (Conseil d'Etat, 13 février 1985, n° 44910). 

Des groupes fachos ont déjà été atteints par de telles mesures

Un décret du 19 mai 2005 a dissous le groupement de fait « Elsass Korps » :

« Considérant que le groupement de fait « Elsass Korps » se livre à la propagation d'idées et de théories tendant à justifier et à encourager la discrimination, la haine et la violence raciales et religieuses, notamment en organisant des rassemblements au cours desquels sont exaltées l'idéologie nazie et des idées racistes et antisémites, et en propageant cette idéologie et ces idées dans des publications ;

« Considérant que, pour des raisons inhérentes aux nécessités de l'ordre public, il convient de réprimer toute résurgence de l'idéologie nazie et tout encouragement au racisme et à l'antisémitisme ;

« Considérant qu'en conséquence il y a lieu de prononcer la dissolution du groupement de fait « Elsass Korps ».

Par décret du 2 septembre 1993, c’est le groupe « Heimattreue Vereinigung Elsass » (Association de fidélité à la patrie alsacienne – H.V.E.) qui est passé à la casserole :

« Considérant que le H.V.E. présente le caractère d’un groupe de combat en raison des exercices et camps d’entraînement paramilitaires auxquels ses membres participent et qui les rendent aptes à des actions de commando ;

« Considérant que le H.V.E. a pour but d’exalter la collaboration avec l’ennemi en raison de sa participation à des cérémonies pronazies célébrant les « combattants européens » sous l’uniforme allemand de la dernière guerre et à des rencontres avec d’anciens SS français ;

« Considérant que le H.V.E. se livre à la provocation, à la discrimination, à la haine et à la violence raciales en participant à des réunions où est exaltée l’idéologie nazie, raciste, antisémite et à la propagation de ces thèses par la diffusion d’écrits apologétiques du nazisme, révisionnistes et antisémites ;

« Considérant que, pour des raisons inhérentes aux nécessités de l’ordre public, il convient de réprimer toute résurgence de l’idéologie nazie, du racisme et de l’antisémitisme ».

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La CEDH approuve

On sait à quel point la CEDH veille à l’expression des opinions minoritaires, même pouraves, au motif juste qu’il faut les connaitre pour les combattre.

Mais, il n’existe pas de libertés sans limite, et la Cour a toujours jugé (Art. 17 de la Convention EDH) qu’une personne ne peut se prévaloir des dispositions de la Convention pour se livrer à des actes visant à la destruction des droits et libertés protégés par la CEDH (Lawless c. Irlande, 1er juillet 1961). La liberté d'expression, qui inclut le droit de s’exprimer librement et de « heurter, choquer ou inquiéter » autrui, ne comprend pas l’incitation réelle et sérieuse à la haine. La limite est le propos haineux et qui constitue une négation des valeurs fondamentales de la Convention.

Et après ?

Après, il y a le reste, qui inquiète autant, car ces faits criminels s’inscrivent dans un contexte plus large. La mort d’un jeune homme, étudiant brillant, politiquement engagé mais non-violent, a de quoi marquer le pays. Mais si les réactions sont d’une telle ampleur, c'est que ce crime est ressenti comme révélateur d’une société qui va mal.

Tout concourt à ce mal-être : les discours lénifiants sur « le vivre ensemble », les incessantes chorales de puceaux politiques sur « les valeurs de la République », les discours insensés de dirigeants politiques faisant le choix de cliver la société, des ministres diaphanes juste bons à débiter des slogans, les renoncements systématisés des politiques devant les décisions à prendre, les élucubrations sur la fin de la crise, alors que tout le monde comprend qu’il ne s’agit pas d’un crise mais un monde nouveau, qui entrainera des remises en cause sérieuses, des leaders sociaux d’opérette s’écriant « Hollande veut du sang, il en aura ! » avant de regretter le propos en pleurnichant, un discours d’exclusion présenté comme une opinion raisonnable, à Droite et à Gauche… Les deux candidates à la Mairie de Paris ont tenté de participer à l’hommage rendu, mais, pauvres nouilles, elles ont fait demi-tour sous les huées…

Prenons le temps de réfléchir... 

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