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« C’est la faute aux parents ! » (496)

Droits des enfants - jprosen, 5/11/2012

Durant des années durant on nous a seriné que les parents étaient responsables de la délinquance de leurs enfants et qu’il suffirait que les parents exercent leurs responsabilités pour que tous les problèmes soient réglés ou, du moins, pour qu’une … Continuer la lecture

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Durant des années durant on nous a seriné que les parents étaient responsables de la délinquance de leurs enfants et qu’il suffirait que les parents exercent leurs responsabilités pour que tous les problèmes soient réglés ou, du moins, pour qu’une grande partie d’entre eux soit résolue. La classe politique relayait ainsi, en l’exacerbant, le sentiment d’une bonne partie de l’opinion publique qui tient les parents en général – sauf ceux qui énoncent cette vérité ! - pour démissionnaires. Il y aurait d’un côté les bons parents – nous ! - et de l’autre les mauvais – eux !-, les milieux populaires, les familles des banlieues, etc. pour ne pas dire les familles émigrées.

Dans la foulée de cette analyse, en relevant que fréquemment ces enfants « en conflit avec la loi » pour reprendre l’expression anglo-saxonne en cours sont en absentéisme scolaire, on a sorti l’artillerie ancienne (retrait des allocations familiales, participation aux frais de placement notamment) avec le souci affiché de réveiller les parents défaillants.

Des dispositifs souvent inopérants. Le dernier en  date visant à rétablir la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire était une telle usine à gaz qu’il n’était pas applicable, signalement partant l’année scolaire était achevée. Gag à l’appui : les premiers sanctionnés furent les conseils généraux qui accueillaient des enfants confiés en rupture scolaire ! Le gouvernement Ayrault, à juste titre, a mis fin au dispositif Ciotti.

Rapidement, devant les limites des résultats obtenus, l’imagination a pris le pouvoir : on a innové. Par exemple : les stages de parentalité prononcés par le juge, par le parquet et même par le maire es-qualité de président le Conseil droits et devoirs des familles (loi du 5 mars 2007) ou encore comme en Grande-Bretagne les poursuites pour non-exercice de l’autorité parentale article 227-17 du code pénal) (avec à la clé une peine de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. On a même imaginé (proposition du président Sarkozy relayée par le député Ciotti) rendre les parents pénalement responsables de la délinquance de leur enfant qui ne suivrait les ordres des juges et les conseils des éducateurs. Bref, on n’envisageait pas moins que la responsabilité pénale du fait d’autrui, grande première en droit français ! La raison a fini par l’emporter devant l’hérésie avancée. On y renonça.

Tout cela a permis de faire de la communication, sinon de l’esbroufe. On a même voté plusieurs fois les mêmes dispositifs - les stages de parentalité -, l’opinion étant oublieuse !

En vérité, on était à côté de la plaque pour plusieurs raisons.

D’abord s’il est bien vrai que les parents contribuent à l’éducation de leur descendance, et ils le revendiquent mordicus, leur influence réelle reste relative. Le milieu de vie, le climat général, les médias, l’école, aujourd’hui les réseaux sociaux et l’internet, tout simplement la rue et la cité, les sources d’influence sur les enfants sont multiples. Il faut encore compter avec la personnalité des jeunes. Chacun est unique même s’ils se ressemblent. Elevés par les mêmes parents, certains enfants feront Polytechnique, d’autres Fleuris-Mérogis ! Je ne dis pas cela pour ravaler la responsabilité des parents ; bien au contraire sans eux souvent on ne peut pas imaginer obtenir de résultats quand la pente suivie par un enfant est savonneuse. Il faut même miser sur eux pour reprendre en main cet enfant en difficulté quitte à leur apporter un soutien.

Ensuite, il est faux de reprocher aux parents d’être démissionnaires. Certes il en existe comme il est des parents complices de leurs enfants, voire d’autres qui les incitent à voler. Ces parents là sont très minoritaires. Généralement les parents de gamins délinquants sont eux-mêmes dépassés par leurs propre existence : ils ne savent pas comment résoudre l’ensemble de leurs problèmes personnels – santé, revenus, insertion sociale, tout simplement amours - et dans le même temps comment faire face à leurs enfants en répondant à leurs besoins et à leurs attentes. Ils sont plein de bonne volonté ; il faut les aider et ils aideront leurs enfants. Et ils demandent ce soutien au tribunal quand ils ne sont pas déjà allés spontanément à la circonscription d’action sociale avant que la délinquance ne se cristallise ; sentant que les problèmes de leur progéniture allaient dégénérés : souvent ils ont été refoulés au regard de la charge de travail. Traiter ces parents de démissionnaires est souvent une facilité de langage. Ils sont plutôt démissionnés par leurs enfants, par les circonstances de la vie et par les institutions. L’enjeu est bien de les remettre en selle en les étayant, en leur donnant confiance, en rompant leur isolement.

Il faut ainsi relativiser la culpabilité des parents sans la nier.

Mais les erreurs de nos Pythies entonnant l’hymne à la responsabilité parentale à tout bout de champ ne sont pas arrêtées là. Sur le volet action ils n’ont pas meilleurs.

Déjà ils ont négligé que les enfants qui nous préoccupent ont rarement deux parents présents exerçant pleinement leurs autorité parentale. Nombre d’enfants sont élevés par un seul parent, généralement la mère quand le père est décédé ou plus souvent a disparu de l’horizon. Si ce père paie la pension alimentaire – ce qui est loin d’être toujours le cas, il croit être quitte de ses responsabilités. Ajoutons que nombre d’enfants sont orphelins de père à la naissance pour ne pas avoir été reconnus par leur géniteur même si aujourd’hui 35% des pères hors le mariage reconnaissaient leur enfant avant la naissance. La faute aux mères qui, au nom de leur liberté de femme, veulent de l’enfant mais pas du père ! La faute aussi aux hommes qui s’enfuient dès qu’ils sont mis au courant de leur paternité à venir. En d’autres termes, on est loin du schéma classique « Papa et Maman, la bonne et Moi, tous heureux, vivant ensemble dans les liens du mariage » ! Mieux, souvent une tierce personne – un beau-père ou une belle-mère – est présente, parfois le parent biologique change régulièrement de compagnon ou de compagne déroutant encore les enfants. 1 millions d’enfants sont dans ce cas de figure.

Il aurait fallu en tenir compte pleinement de ces mutations de la vie conjugale qui ne sont pas sans conséquences sur les enfants. On l’a fait en consacrant la co-responsabilité parentale : mariés ou non, vivant ensemble ou non, les deux parents, dès lors que la filiation est établie entre eux et l’enfant, exercent ensemble les responsabilités parentales, sauf décision de justice contraire. Dont acte !

Mais on a oublié la première marche en n’obligeant pas à l’établissement de la filiation paternelle : 78 000 enfants dont nés en 2011 sans père légal.   Et on n’a toujours pas fait la loi sur le statut des tiers qui élèvent un enfant qui n’est pas le leur biologiquement. Tout cela au nom du droit des adultes à avoir … la paix. L’intérêt de l’enfant a bon dos.

On peut penser que nous sommes sortis aujourd’hui du discours de culpabilisation des parents en difficulté sachant que, comme je l’ai dit, les professionnels ne peuvent pas imaginer faire l’impasse sur eux. Ils se doivent de relativiser leur impact car ils ne font que croiser la vie de ces jeunes.

Plus que jamais il faut développer les réseaux d’aide à la parentalité (les REAPP) où des parents et des professionnels aident des parents en difficulté ne fut-ce qu’en les informant et les conseillant sur les attitudes à tenir. C’est contribuer à rompre l’isolement de ces familles et à recréer du lien social.

Il faut renforcer la prévention (service social scolaire, PMI, Clubs et Equipes de prévention notamment) ; il convient veiller à mieux mobiliser la psychiatrie infantile, gros point noir de la protection de l’enfance.

Il faut toujours et encore renforcer l’aide apportée aux parents à travers le dispositif de protection de l’enfance. On sait que l’Etat s’est désengagé de l’assistance éducative - sauf les mesures d’investigation – laissant peser sur les conseils généraux le poids de la protection de l’enfance en danger, en carence de soutien parentale. Beaucoup se fait déjà ; il faut faire certainement plus.

Je mettrai enfin l’éclairage sur la nécessité pour les pouvoirs publics de mener une politique familiale qui prenne déjà en compte les exigences de la condition parentale. Par exemple le respect des rythmes de vie, sur l’instant et sur la durée, permettant aux parents d’être tout simplement disponibles pour leurs enfants et de les accueillir au mieux. A l’autre bout il faut informer publiquement - via les médias – sur les responsabilités parentales. Par exemple, rassurer les parents sur le fait qu’ils sont légitimes à autoriser les sorties et les fréquentations de leurs enfants.

Et j’ajouterai, arrêter de rendre les parents responsables de tout pour, en vérité, camoufler les failles des politiques publiques d’insertion et de solidarité.

PS : les commentaires sont libres, mais évitons plus que jamais, sur ce sujet sur lequel chacun se sent légitime, les poncifs et les jugements simplificateurs.

 

 


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